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20 avril 2024
Développement
L'APR PERD LE CAP
L'unité en péril chez les anciens maîtres du jeu : après 12 ans de cohabitation forcée, l'ex-parti présidentiel dévoile ses lignes de fractures, entre règlements de compte et positionnement en vue d'un remodelage de l'échiquier politique
Entre le communiqué qui est sorti dimanche et celui du 8 avril, l’Alliance pour la République (Apr) semble plonger dans une crise. Comme si la situation résultant du choix de Amadou Ba comme candidat semble prendre une autre proportion.
Y’a-t-il une division au sein de l’Alliance pour la République (Apr) ? 6 jours après avoir cédé son fauteuil de président de la République, Macky Sall, patron de l’Apr, semble être en face de sa première crise en tant que chef du premier parti de l’opposition. En effet, des membres du Secrétariat exécutif national (Sen) ont affirmé qu’un «communiqué daté du 7 avril 2024 et portant la signature du Secrétariat exécutif national de l’Apr (Sen), a été rendu public. De quel Sen s’agit-il ? Quand et où s’est-il réuni? En présence de qui ?». Faut-il le rappeler, dimanche passé, un document supposé provenir de l’Apr a indiqué ceci : «L’Apr rappelle au président Bassirou Diomaye Faye, le fait qu’il ne peut inaugurer son magistère par une violation flagrante du statut des magistrats suite au décret voulant rapporter la nomination du Premier président de la Cour suprême dans les règles de Droit en Conseil supérieur de la magistrature. Nous exigeons le respect du principe de la continuité de l’Etat et de celui de l’inamovibilité des magistrats, surtout en ce qui concerne le président de la communauté judiciaire qu’est le Premier président de la Cour suprême.»
Pour les apéristes, ce communiqué est une «manipulation d’un groupe téléguidé et qui n’engage pas le parti. L’obligation première du parti dans la situation actuelle, est plutôt de faire l’évaluation de l’élection du 24 mars, de situer les responsabilités dans la défaite de son candidat, en particulier celles de son président, et d’en tirer toutes les conséquences».
Cette situation est une grande première. En effet, l’Apr, durant les 12 années passées au pouvoir, n’a jamais sorti un communiqué pour se démarquer d’une position prise par un groupe de ses membres. Et cela en dit long sur l’atmosphère du moment. L’unité, qui était l’une des caractéristiques du parti de Macky Sall, ne semble plus d’actualité. Faut-il préciser que cette division est apparue à la veille du choix du candidat de la Coalition Benno bokk yaakaar (Bby). En effet, lorsque l’appel à candidatures a été lancé pour choisir le candidat de la coalition jadis au pouvoir, des divisions ont été notées. Amadou Ba, qui avait clairement soutenu qu’il a été proposé par Macky Sall sans qu’il n’ait été candidat, a été hué lors d’une réunion à leur siège. Aly Ngouille Ndiaye avait finalement choisi de déposer sa candidature, tout comme feu Boun Abdallah Dionne. Mais lors de la veille du report de la présidentielle initialement prévue le 25 février dernier, la division a pris un autre niveau. Les pro-Amadou Ba avaient jugé nécessaire d’élever la voix contre ceux qui s’opposaient à l’ancien Premier ministre. Macky Sall avait choisi de se murer dans le silence. Mieux, le chef de l’Apr avait approuvé une initiative du Pds -qui accusait Amadou Ba de corruption avec des membres du Conseil constitutionnel- visant à installer une commission d’enquête parlementaire.
Quand l’élection a été fixée au 24 mars par les 7 «Sages», Macky Sall avait promu des pourfendeurs deAmadou Ba, alors que ses soutiens ont été exclus du gouvernement. Les premières sorties du candidat Amadou Ba ont été marquées par l’absence des ténors de l’Apr. Il aura fallu que Amadou Ba interrompe sa campagne pour tirer la situation au clair. C’est ainsi que les supports de campagne ont été mis à disposition du candidat de la majorité. Le communiqué du Sen actant l’union sacrée (tardive) derrière Amadou Ba en disait long sur leur motivation. En effet, le document avait clairement félicité les membres de l’Apr qui avaient prêté une oreille attentive à Macky Sall et avaient rappelé que le choix de Amadou Ba ne faisait pas l’unanimité dans le directoire de l’Apr. Ainsi, cette formation politique est rattrappée par sa non structuration.
Est-ce que cette confusion matérialisée par les deux communiqués est le début de la discorde ? Les jours à venir vont y répondre. En attendant, Macky Sall va continuer à diriger sa formation politique alors qu'Amadou Ba se dit prêt à s’opposer.
par Souleymane Bah
FRANC CFA : ENJEUX DE SOUVERAINETÉ ET VOIES VERS L'AUTONOMIE MONÉTAIRE
Pour les pays de la zone CFA, le chemin vers une plus grande autonomie monétaire est semé d'embûches, mais il est essentiel pour assurer un développement économique et social durable
Le franc CFA, initialement acronyme de « Franc des Colonies Françaises d'Afrique », puis devenu « Franc de la Communauté Financière Africaine » pour les pays de l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine » et « Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale » pour les pays de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale), représente un cas unique de monnaie partagée par plusieurs états dits souverains. Créé initialement en 1945, dans le contexte d'après-guerre et de reconstruction des économies européennes, le franc CFA illustre les complexités de liens monétaires étroites hérités de la colonisation française et leurs impacts sur le développement économique et social des pays membres.
Dans son article paru en 2011, Jérôme Blanc' met en lumière le rôle central de la monnaie dans les périodes de bouleversements politiques et économiques, ainsi que les conséquences de la subordination du monétaire au politique. Cette dynamique se retrouve dans l'histoire du franc CFA, bien que dans un contexte différent, illustrant comment la monnaie peut à la fois refléter et façonner les relations de pouvoir économique et politique.
A l'instar de la situation française durant la seconde guerre mondiale, où la monnaie était un instrument au service des stratégies de l'occupant allemand et du gouvernement de Vichy, le franc CFA a été critiqué pour son rôle dans la perpétuation de la dépendance économique vis-à-vis de la France.
L'introduction du franc CFA visait à faciliter l'intégration économique et monétaire des colonies africaine dans l'économie métropolitaine française, garantissant ainsi un accès privilégié aux ressources naturelles. Cette initiative s'inscrivait dans une logique de reconstruction économique de la France, où les colonies jouaient un rôle crucial en fournissant les matières premières nécessaires. 'Jérôme Blanc, 2011. Pouvoirs et monnaie durant la seconde guerre mondiale en France : la monnaie subordonnée au politique. Hal Open Science.
La zone franc CFA est caractérisée par une politique monétaire unique supervisée par la banque de France, jusqu'à des reformes récentes visant à alléger cette tutelle. Cette centralisation a eu des conséquences sur le développement économique et social des pays membres.
La garantie de la convertibilité du franc CFA par le trésor français a certes attiré des investissements, mais elle a également encouragé les fuites de capitaux vers des marchés et pays jugés plus sûrs, limitant ainsi les fonds disponibles pour des projets de développement local.
La zone franc CFA favorise historiquement et prioritairement les échanges avec la France et les pays de l'Union européenne, contribuant à une certaine dépendance et par conséquent freinant la diversification économique et l'intégration à l'échelle africaine.
La comparaison entre le franc CFA et la situation monétaire de la France durant la seconde guerre mondiale révèle l'importance cruciale de la souveraineté monétaire pour l'indépendance économique et le développement. Dans les deux cas, la subordination de la politique monétaire à des intérêts extérieurs a entravé la capacité des gouvernements à agir dans l'intérêt propre de leur développement économique et social.
Dans les années 1960, au début des indépendances des pays de l'Afrique de l'Ouest, la comparaison entre le Sénégal et la Corée du Sud aurait semblé pencher en faveur du premier en termes de potentiel économique. A l'époque, le Sénégal, avec ses ressources naturelles abondantes et son accès au vaste marché africain, était perçu comme un candidat prometteur pour la croissance économique et le développement. La Corée du Sud, quant à elle, était un pays ravagé par la guerre, avec peu de ressources naturelles et un avenir économique incertain.
Cependant, au cours des décennies suivantes, la trajectoire de ces deux pays a pris des directions radicalement différentes. La Corée du Sud, grâce à une politique de souveraineté monétaire affirmée, associée à une stratégie économique centrée sur l'industrialisation, l'éducation et l'innovation technologique, s'est transformée en une des économies les plus dynamiques et innovantes du monde. Cette transformation, souvent appelée le "Miracle sur le fleuve Han", a vu la Corée du Sud, l'un des plus pauvres du monde, se transformer en une puissance économique incontournable et devenir un leader mondial dans des secteurs tels que l'électronique, l'automobile et la technologie de l'information.
La pleine souveraineté monétaire a joué un rôle crucial dans ce processus. En contrôlant sa propre monnaie, la Banque de Corée a pu mener des politiques monétaires adaptées aux besoins de l'économie nationale, favorisant les investissements dans les industries clés et soutenant l'exportation par une gestion stratégique du taux de change. De plus, le gouvernement sud-coréen a utilisé sa capacité de financement souverain pour investir massivement dans l'éducation et la recherche et développement, établissant les fondations d'une économie basée sur la connaissance et l'innovation.
Cependant, le Sénégal, restreint par les contraintes du franc CFA et une certaine dépendance économique envers la France et d'autres partenaires occidentaux, a eu du mal à réaliser une croissance économique autonome à un rythme comparable. Bien que le franc CFA ait offert une certaine stabilité monétaire, il a aussi limité la flexibilité des politiques économiques du Sénégal, entravant sa capacité à répondre efficacement aux défis économiques internes et externes.
Cette divergence des trajectoires économiques met en évidence l'importance de la souveraineté monétaire comme facteur clé du développement économique. Récemment, des réformes ont été initiés pour redéfinir le rôle de la France dans la gouvernance du franc CFA, illustrant une volonté de réajuster les liens post-coloniaux vers une ère de partenariat plus équilibré et gagnant-gagnant
La question de la sortie du Franc CFA a été un sujet de débat intense parmi les économistes, les politiques, et les chercheurs, particulièrement en Afrique et en France.
Plusieurs auteurs et universitaires parmi eux, Nicolas Agbohou, Samir Amin, Demba Moussa Dembélé, Mamadou Koulibaly, Sanu Mbaye, Kako Nubukpo, Fanny Pigeaud, Joseph Tchundjang Pouemi, Mahamadou Lamine Sagna, Ndongo Samba Sylla et bien d'autres, ont apporté des contributions significatives à cette discussion, analysant les implications économiques, politiques et sociales d'une éventuelle sortie de cette zone monétaire.
Une solution de sortie du franc CFA, en espérant qu'elle sera dotée d'un nom qui résonne africain, implique plusieurs étapes stratégiques visant l'autonomie monétaire et économique tout en minimisant les risques de déstabilisation externes comme ce fût le cas de la Guinée juste après les indépendances. Une approche rigoureuse et bien planifié est crucial pour bien réussir cette transition.
Pour le Sénégal et comme pour les autres pays de la zone franc CFA, la réflexion sur la souveraineté monétaire et l'exploration de modèles économiques alternatifs, comme ceux proposés par la MMT (Modern Money Theory) ou Théorie Monétaire Moderne (TMM) basée sur les travaux de Randy Wray, Warren Mosler, Stephanie Kelton, et bien et d'autres, en concert avec une politique de gestion rigoureuse de l'inflation, offrent une voie prometteuse pour réaliser leur plein potentiel économique.
La MMT offre un cadre révolutionnaire qui pourrait redéfinir la manière dont les pays de la zone CFA perçoivent leur souveraineté monétaire et leur capacité à financer le développement économique et social. La MMT souligne que les gouvernements souverains, qui émettent leur propre monnaie, ont en fait une capacité financière illimitée pour financer des dépenses publiques et investir massivement dans l'infrastructure, l'éducation, la santé, et la technologie, stimulant ainsi la croissance et améliorant le bien-être social, à condition qu'ils opèrent dans leur propre devise. Contrairement à la croyance traditionnelle que les gouvernements doivent collecter des impôts ou emprunter pour dépenser, la MMT soutient que les gouvernements dépensent d'abord et collectent des impôts ensuite. L'émission de monnaie est le principal outil par lequel un gouvernement finance ses dépenses. Cette idée est particulièrement pertinente pour les pays souhaitant se défaire du franc CFA, car elle suggère qu'après avoir établi une monnaie souveraine, un pays comme le Sénégal pourrait embrasser des politiques ambitieuses de plein emploi sans la contrainte de financer ces politiques par l'emprunt extérieur ou la crainte d'un déficit budgétaire insoutenable. Un point critique de la MMT est sa prise en compte de l'inflation. Elle reconnaît l'inflation comme une contrainte réelle mais gérable, principalement à travers une politique fiscale efficace.
Pour optimiser la transition vers une monnaie pleinement souveraine et l'application de la MMT dans le contexte de sortie du franc CFA, il est vivement recommandé d'employer des modèles de simulation avancés, tels que ceux basés sur la dynamique des systèmes. Ces modèles offrent une méthode rigoureuse pour anticiper les impacts économiques, sociaux et financiers de telles politiques monétaires et fiscales avant leur mise en œuvre. En effectuant des tests de résistance (stress tests) approfondis, les décideurs peuvent identifier les risques potentiels, les vulnérabilités et les opportunités associés à l'introduction d'une nouvelle monnaie, garantissant ainsi une transition plus fluide et sécurisée.
Le débat sur le franc CFA aujourd'hui rappelle la période de reconstruction post-seconde guerre mondiale en France, où la souveraineté monétaire était cruciale pour la reconstruction nationale. Pour les pays de la zone CFA, une réforme du système monétaire, tenant compte des réalités économiques et les aspirations au développement du continent, est également cruciale. Toutefois, de tels changements nécessitent une coordination régionale et une volonté politique forte pour surmonter les inerties et les intérêts établis, à la fois au niveau national et international.
L'histoire de la monnaie, que ce soit en France sous l'occupation ou dans les pays utilisant le franc CFA, démontre que la monnaie est bien plus qu'un simple moyen d'échange, d'unité de compte ou de réserve de valeur ; elle est un reflet des dynamiques de pouvoir, de souveraineté, et d'autonomie. La manière dont une société gère et contrôle sa monnaie peut avoir des implications profondes et durables sur son développement économique et social. Pour les pays de la zone CFA, comme pour la France d'après-guerre, le chemin vers une plus grande autonomie monétaire est semé d'embûches, mais il est essentiel pour assurer un développement économique et social durable. L'implémentation réussie de la MMT dans le contexte d'une sortie du franc CFA impliquerait le renforcement des capacités institutionnelles.
BENNO, LES GERMES DE LA FIN D’UNE AVENTURE POLITIQUE INÉDITE
Décryptage du séisme politique du 24 mars avec le ras de marrée de Bssirou Diomaye Faye. Entre doute sur l'avenir de cette majorité et remise en question des partis alliés, le jour d'après s'annonce mouvementé
Fais-moi des textes d'accroche directe (de quatre phrases minimum chacun) en
Après 12 ans au pouvoir, la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) se trouve à la croisée des chemins. L’avenir de la majorité reste incertain après la débâcle qu’elle a subie à l’élection présidentielle du 24 mars dernier. Son choix contesté par certains membres de son propre parti, l’ex-Premier ministre, Amadou Ba, candidat de cette coalition, n’a pas pu faire le poids face au numéro 2 de Pastef, Bassirou Diomaye Faye. Il a été battu dès le premier tour. Une défaite prévisible tant la démobilisation des membres de Benno autour de leur candidat était manifeste. L’avenir de l’ex-majorité reste incertain après cette chute. Quant aux partis alliés de l’Alliance Pour la République (APR), la seule option pour eux serait de claquer la porte s’ils veulent survivre.
Seul le pouvoir de Dieu est éternel. A la continuité, le peuple a préféré une rupture à l’issue du scrutin présidentiel du 24 mars dernier. Les Sénégalais dans leur écrasante majorité ont porté leur choix sur le candidat Bassirou Diomaye Faye pour conduire les destinées de notre pays au cours des cinq prochaines années. Une élection qui marque la fin d’un règne riche sans partage de 12 ans de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Le journaliste Ibrahima Bakhoum explique les facteurs qui ont conduit à la défaite de Benno Bokk Yaakaar. D’après notre doyen, la coalition était déjà démobilisée avant l’élection. Une démobilisation qui n’est pas resté sans effet sur les résultats puisque expliquant la débâcle subie par Amadou Ba. « Parmi les facteurs explicatifs de la défait, il y a eu d’abord le dialogue convoqué par Macky Sall, accepté par les uns et refusé par les autres. Entre temps, l’Assemblée nationale avait déjà proposé le report de l’élection au mois de décembre. Avant cela Macky Sall, qui n’est pas candidat, avait initié avec ses partenaires, membres de la coalition Benno bokk yaakaar, un processus de sélection pour désigner un candidat. Ça tombe sur une personne qui s’appelle Amadou Ba. Après, l’on se rend compte que le président Macky Sall n’a pas suffisamment accompagné son dauphin. Les gens de la majorité ont laissé se développer une communication tellement négative sur l’accompagnement ou le non accompagnement d’Amadou Ba. Puis il y a eu trois responsables issus de la mouvance qui sont sortis pour déclarer leurs candidatures. Ils étaient mécontents du choix porté sur Amadou Ba. Cela a fragilisé la coalition Benno bokk yaakaar» note l’analyste politique Ibrahima Bakhoum.
Tout s’est joué en un tour avec un Pds maître du jeu !
Tout au long de la campagne électorale, le candidat Benno a affiché un visage serein et confiant malgré le malaise suscité au sein de sa coalition autour de sa candidature. Partout où il est passé, Amadou Ba avait beaucoup insisté sur l’unité des responsables condition nécessaire selon lui pour la victoire. Il a aussi rêvé de retrouvailles de la famille libérale en courtisant le Pds lors de ses meetings. Ce qui semblait d’ailleurs être impossible. Le Pds, pour être cohérent avec sa démarche après avoir accusé l’ex-Pm d’avoir corrompu des magistrats du Conseil constitutionnel, a décidé d’apporter son soutien à la coalition Diomaye Président. Selon le doyen Ibrahima Bakhoum, l’électorat du Pds a été un facteur déterminant dans la victoire obtenue dès le premier tour par Bassirou Diomaye Faye. « Les militants de Pds, dès qu’ils ont su que le président Abdoulaye Wade avait reçu le candidat de Pastef, se sont mis en ordre de bataille. Ils ont pesé de tout leur poids en faveur de Diomaye. C’est ce qui explique le gros écart entre les deux candidats alors que beaucoup s’attendaient à un second tour. Le Pds a choisi de verser ses suffrages dans le camp de Diomaye, c’est ce qui s’est passé» explique Ibrahima Bakhoum.
Benno, se remettre en cause ou disparaître !
Concernant l’avenir du Benno bokk yaakaar, ce qui est clair est qu’après le départ du président Macky et le vieillissement des leaders ou guides de partis alliés comme l’ancien président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, patron de l’Afp (Alliance des Forces de Progrès), la présidente du Haut Conseil des collectivités territoriales, Aminata Mbengue Ndiaye (secrétaire générale du Ps), la coalition aura de la peine à survivre. Dans les jours à venir, avec le revers subi par Amadou Ba, les instances de Benno et des partis alliés se réuniront pour évaluer le scrutin et en tirer des enseignements. Dans tous les cas, il faudra maintenir la cohésion ou disparaître de l’échiquier politique. «Des gens ont volontairement effacé leurs noms du paysage politique en se mettant derrière quelqu’un qui était le chef de l’Etat Macky Sall. Ce président de l’Apr avait son parti qu’il a voulu promouvoir au fur et à mesure qu’on avançait. Tous les cadres qu’il nommait venaient de l’Apr. Ce qui a fini par affaiblir les autres partis. Si Macky Sall était candidat pour un troisième mandat, l’on se serait retrouvés avec une Apr plus forte que ses alliés de Benno, une coalition dont la locomotive est ce parti présidentiel. C’est ce qui fait que si, après la défaite de dimanche dernier, l’Apr est démobilisée, évidemment, il ne resterait plus grand’ chose dans Benno. Il va falloir tout reconstruire ou alors décider qu’il est temps que chacun aille construire sa propre maison», développe Ibrahima Bakhoum.
La «pilule «amère des alliés !
L’ère de la reconfiguration politique est sonnée par une jeunesse assoiffée de changement. Dans toutes les alternances connues par notre pays, jamais un parti politique n’a gagné à lui seul une élection. Qu’il s’agisse de législatives ou de locales à plus forte raison d’une présidentielle. Celle de dimanche dernier n’a pas fait exception puisque, même si le Pastef qui a été plébiscité par les électeurs, il n’en demeure pas moins qu’il a bénéficié du soutien d’autres partis le plus important voire décisif ayant été, on l’a dit, celui du Pds. C’est le jeu des alliances et des coalitions qui gagne une présidentielle. Les anti-système sont obligés de se mêler aux gens du système pour pouvoir arriver au sommet pour être associés au pouvoir et à ses prébendes. Après la perte du pouvoir, la coalition Benno Bokk Yaakaar aura du pain sur la planche pour maintenir sa cohésion. Kadialy Gassama du Parti socialiste (Ps), membre de la coalition Bby, doute d’une continuité de la coalition. Il déplore l’attitude et le comportement de ses camarades de coalition, lesquels, à l’en croire, ont fait perdre le candidat Amadou Ba au premier tour. Il n’écarte pas l’hypothèse d’une fin de compagnonnage au sein de Benno. «Toutes les hypothèses sont possibles. Je crois qu’à partir d’une évaluation, après avoir situé les responsabilités des uns et des autres dans ce qui est arrivé ce dimanche, le cheminement ne sera plus le même. On s’est toujours plaints, nous, en tant que parti allié, des attitudes de nos camarades de l’Apr. Fondamentalement, le principal problème de notre coalition, c’est le manque d’engagement autour de notre candidat. Ça nous a coûté très cher. S’il y avait une union, alors on aurait dû, au pire des cas, arriver au second tour. D’ailleurs, j’ai été surpris des résultats obtenus par la coalition Diomaye Président. C’est ça aussi la réalité. Nous avions un bon candidat qui n’a pas été soutenu par son camp» déplore l’économiste membre du bureau politique du Parti socialiste.
Amadou Ba, un candidat banni par son mentor !
Le vin est tiré, il faut le boire. Selon Kadialy Gassama, le premier à avoir déstabilisé ou tiré sur leur candidat, c’est le chef de l’Apr lui-même, le président Macky Sall. Il dénonce aussi la floraison de candidats issus de la mouvance présidentielle et notamment de l’Apr. Ce qui a, selon lui, fragilisé le candidat Amadou Ba. « Ce qui n’a pas marché, c’est la cohésion interne. C’est l’une des causes principales de la défaite. Le candidat Amadou Ba a été fragilisé par sa propre coalition, notamment les responsables de l’Apr. C’est une réalité. D’abord, il n’a pas eu le soutien qu’il fallait venant du président de la République. Notamment quand Macky Sall disait que le candidat Amadou Ba est un choix de raison et non pas de cœur. Vous vous rendez compte de tels propos, c’est grave. Pour un candidat qui doit défendre les couleurs de Benno Bokk Yaakaar, recevoir de telles attaques, c’est difficile. On a vu des responsables de l’Apr qui s’attaquaient publiquement au candidat à la veille des élections. C’est grave. Donc ce soutien-là n’a pas été effectif. Ce qui a fait qu’aujourd’hui, malgré un bon comportement du candidat qui a obtenu 34% des suffrages, il n’a pas pu aller au second tour », déplore encore Kadialy Gassama.
Après la perte du pouvoir, les directives des instances dirigeantes de la coalition Benno Bokk yaakaar restent très attendue. Que ce soit à la LD qui réaffirme son ancrage dans Benno tout comme à l’Afp ou au Ps, les responsables souhaitent une évaluation électorale pour, disent-ils, voir et situer les responsabilités ayant conduit à la défaite et parler des perspectives. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’aprèsla chute, une fin de compagnonnage n’est pas à exclure. «Des alliés ont vraiment eu un comportement loyal du début jusqu’à la fin. Parce que les alliés ont eu, à travers des congrès de leurs partis, à investir Amadou Ba. On a vu des congrès extraordinaires de ces partis qui ont connu des mobilisations monstres. Il y avait un engouement en tout cas de la part des partis alliés pour soutenir le candidat Amadou Ba. Ce qu’on n’a pas constaté au niveau de son parti l’Apr, malheureusement. On aura le temps de mieux évaluer la défaite et de situer les responsabilités. C’est à partir de ce moment-là seulement que nous pourrions parler de perspectives de poursuite ou de fin du compagnonnage au regard du nouveau contexte» estime en conclusion Kadialy Gassama, membre du bureau politique du Parti socialiste lui-même composante de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY).
par Adama Thiam
PATRIOTISME ET RESPONSABILITÉ MÉMORIELS
Notre conviction reste figée à l'impérieuse nécessité de concevoir des communautés régionales politiques qui permettront à nos pays, en Afrique, d'élaborer des politiques publiques communes fondées sur la mutualisation des ressources
Le peuple sénégalais, dans la pluralité de ses composantes, vient d'élire son cinquième président de la République, M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, issu de l'opposition, au premier tour du scrutin de mars 2024, avec 54,28% des suffrages valablement exprimés, loin devant le candidat de la majorité sortante, M. Amadou BA, 35,79%. Resplendissante expression, à travers les urnes, d'une aspiration profonde à une nouvelle forme de gouvernance plus démocratique, empreinte d'éthique, plus respectueuse des libertés fondamentales des citoyens, et adossée à l'idéal d'une société plus juste et prospère enracinée dans les valeurs fondamentales du panafricanisme.
D'abord, les nouvelles figures de la majorité présidentielle, particulièrement les responsables du parti Pastef, ont une grande responsabilité et un rendez-vous avec l'Histoire. Jamais dans la démocratisation moderne des Nations africaines, une formation politique formée par des jeunes, membres de l'élite administrative, n'a entamé une telle entreprise immense, suscité un si énorme espoir et réussi à conquérir le pouvoir, dès le premier tour de l'élection présidentielle, à la suite d'une adversité permanente et d'une tentative de son démantèlement.
Il est moins difficile d'arriver au sommet du pouvoir que de l'exercer avec responsabilité et habileté, pour offrir à sa Nation émancipation et prospérité, dans un empire du monde, toujours plus mortel, où les antagonismes entre forces politiques, économiques et financières sont plus aigus et porteurs de germes destructeurs pour les Nations et les Etats faiblement préparés aux défis innombrables et fluctuants.
L'exercice du pouvoir n'est nullement un long fleuve tranquille encore moins une recherche de gloire personnelle. En effet, il demande sens du devoir, autorité, humilité et des concours de circonstances favorables. La coalition Diomaye Président 2024 a proposé un projet au peuple sénégalais. Des objectifs, des ressources et un délai. En fait, plus qu'un projet, la nouvelle classe politique doit impérativement mettre en avant un nouvel idéal de société et une stratégie partagée, par l'essentiel des forces vives de la Nation, susceptibles de transcender les mandats présidentiels.
De surcroît, l'absence de démocratie interne dans les formations politiques à la tête desquelles trône un président inamovible ne facilite, certes, pas une meilleure formation des militants et des citoyens, une contribution utile aux affaires publiques.
Ni le Parti Socialiste, ni le Parti démocratique sénégalais, encore moins l'Alliance pour la République ne survivront à leurs fondateurs. Cette appropriation malsaine par ces conglomérats en réalité, témoigne de l'absence de sens de la transmission.
Cette perversion de la démocratie constitue une source explicative de la patrimonialisation des affaires publiques.
Par conséquent, pour une meilleure réussite, le nouveau pouvoir politique doit impérativement conduire des réformes majeures pour assainir l'espace politique, à la suite de la prolifération de formations politiques, souvent opportunistes et parasitaires ; veiller à la stabilisation de la constitution, notamment dans l'intelligibilité du texte, trop sujet à des interprétations diverses admissibles, et des institutions ; auditer les effectifs de l'administration centrale et territoriale dans le but de rationnaliser le personnel ; recourir au numérique pour favoriser l'éclosion d'un service public plus transparent, plus efficace et plus accessible aux citoyens. Humilité et sens du devoir doivent guider chaque citoyen dans ses actes, car si tout le monde ne peut accéder aux responsabilités dans une République, tout le monde peut, cependant, participer aux efforts de construction d'une communauté nationale solidaire, juste et aisée.
La brutalité et les violences des forces de l'ordre notées dernièrement au Sénégal, commandent de mener des enquêtes et des poursuites judiciaires. De même, les crimes financiers commis, et souvent publiés par les organes de l'Etat, dans leurs différents rapports, et révélés par les médias, doivent être sévèrement sanctionnés. Le nouveau pouvoir doit veiller à garantir l'indépendance de la justice et ne point chercher à s'immiscer dans le processus de la reddition des comptes. Il doit être disposé à affronter les facéties du peuple sénégalais. Simultanément, les Sénégalais sont capables de demander une reddition des comptes aux pouvoirs publics et les taxer, dans la même agitation, de cruauté, d'acharnement ou d'inclémence. Aussi, il est urgent de s'engager très rapidement dans la construction de nouveaux centres de détention plus respectueux des droits de l'homme. Une terre qui a connu, durant des siècles, une humiliation permanente d'envahisseurs-prédateurs - esclavage et colonisation - ne peut aucunement accepter que la dignité de ses enfants soit enfreinte.
Le véritable PSE, Plan Sénégal Education, doit être pensé et mis en œuvre pour façonner un nouveau modèle de citoyenneté. En outre, au vingt-et-unième siècle, il est plus sage d'associer dans la gouvernance les citoyens grâce aux immenses progrès, dans la collecte et la diffusion des savoirs et des opinions, portés par la révolution numérique. Et cela requiert un militantisme plus sincère, de la part des citoyens, un militantisme porté par des idéaux justes et moins flagorneurs, qui vise plus à contribuer à la construction d'une meilleure communauté nationale et moins disposer de la générosité ou de la reconnaissance des gouvernants.
Le dilemme, pour les nouveaux gouvernants, risque de se trouver sur comment atteindre cet objectif de citoyenneté qui enjoint la discipline, donc de la contrainte érigée par une autorité, qui en fin de compte aspire à l'élévation du niveau de culture et de civisme de la population, sans pour autant verser dans l'atteinte à la liberté, droit fondamental des sociétés modernes. De tout temps, les critiques du mouvement socialiste et collectiviste ont eu une véritable crainte de voir, à force de vouloir régenter la vie des citoyens pour atteindre l'ambition nationale d'une communauté plus juste et prospère, sombrer dans la tyrannie. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
En outre, universitaires, hommes des médias, intellectuels, syndicalistes et autres mouvements sociaux doivent éviter, à force de vouloir suivre l'euphorie populaire ou la peur de recevoir des avis impertinents, d'aduler les nouveaux détenteurs du pouvoir politique ou encore se mettre servilement à leur disposition sans interroger constamment si leurs décisions et leurs actions répondent aux convoitises légitimes et possibles des populations actuelles et futures. Il est indispensable pour une meilleure respiration démocratique d'encourager l'expression d'opinions contraires à celles qui prédominent et la formulation d'autres alternatives.
En démocratie, la quête de nouveaux droits, l'espérance toujours à une meilleure vie sont des mouvements consubstantiels à son approfondissement.
De plus, le futur gouvernement devrait très rapidement, sur le plan économique, après avoir identifié des secteurs porteurs de croissance, notamment dans les filières agricoles auxquelles il pourrait adjoindre sa stratégie d'industrialisation, accroître les investissements, initiés par les régimes précédents, dans le secteur énergétique. L'exploitation future des hydrocarbures doit permettre au Sénégal d'être une terre attractive aux investissements directs étrangers.
Un nouvel écosystème fondé sur la maitrise des coûts de production énergétique, composé de voies de communications construites dans le but d'augmenter la productivité, d'amorcer des activités économiques nouvelles - motivées par les réelles potentialités des territoires et la conviction forte de réaliser des profits et des recettes fiscales -, d'intégrer des activités économiques et d'encourager une mutualisation des services aux entreprises pour la constitution de marchés viables, doit être promu pour relever le défis de l'emploi et de la création de revenus, gages d'une amélioration du niveau de vie des populations.
Notre conviction reste figée à l'impérieuse nécessité de concevoir des communautés régionales politiques qui permettront à nos pays, en Afrique, d'élaborer des politiques publiques communes fondées sur la mutualisation des ressources. En effet, la rapacité des puissances étrangères, en particulier celles occidentales, assise sur un système politique et administratif solide et aguerri, des entreprises publiques comme privées détentrices de tous les leviers nécessaires à la puissance économique et financière - connaissances, brevets, technologies, maîtrise des circuits financiers et de la négociation - des structures militaires efficaces dans la collecte et le traitement de renseignements, disposant de moyens de coercition inimaginables, témoignent de l'impossibilité pour un seul État en Afrique de mettre en place des stratégies efficaces pour leur faire face.
Mais encore, en 2023, le Fonds Monétaire International et les autorité sortantes du Sénégal ont abouti à un « accord au niveau des services sur la conclusion des premières revues au titre du Mécanisme Elargi de Crédit et de la Facilité Elargie de Crédit, ainsi que de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité ».
Le Sénégal, sous emprise d'un programme du fonds monétaire, est donc assujetti à un ensemble de réformes, et renseigne que les autorités gouvernementales nouvelles n'auront pas totalement l'autonomie dans la conception et les décisions politiques. Des lors, il est de leur devoir d'envisager des alternatives et des manœuvres réfléchies, pour appliquer leurs engagements tenus auprès des populations, et concomitamment éviter de plonger le Sénégal dans une conflictualité avec l'extérieur.
Le Sénégal, modeste par la taille de sa population et de sa superficie mais immense par la qualité des hommes qu'il a vu naître sur son sol, doit être inspirateur des transformations profondes de la nouvelle Afrique. Les nouvelles autorités doivent tracer les chemins de la dignité. Elles ont les ressources, l'énergie et la légitimité populaire pour relever les défis qui se présenteront continuellement durant l'exercice de cette nouvelle mandature. Le Sénégal doit être assimilé à la grandeur du continent africain. Plus qu'un territoire abritant des peuples - pluriels mais unis dans leur diversité -, terre où les particularismes sont constamment sublimés, décidés à avoir un commun vouloir de vie commune, le Sénégal doit être un espoir, un phare, une guidance pour l'Afrique mais également pour le reste du monde, à travers son sens du dialogue permanent.
L'HÉRITAGE MACKY SALL DANS LE MONDE MÉDIATIQUE
Durant 12 ans de présidence, les médias publics sénégalais ont été aux ordres du pouvoir. Purges, censure et propagande étaient leur lot quotidien. Avec l'élection de Bassirou Faye, l'espoir d'une indépendance retrouvée renaît
Alors que le nouveau président Bassirou Diomaye Faye est entré en fonction le 2 avril, l'indépendance des médias publics sénégalais est un chantier prioritaire, selon une enquête de Mediapart. Sous Macky Sall, ces médias étaient devenus des "outils de propagande" à la solde du pouvoir.
Lors de l'élection présidentielle du 24 mars, la télévision publique RTS a tardé à relayer la victoire surprise de Bassirou Faye, la plaçant seulement en troisième position dans son JT du soir, après des sujets sur le président sortant. "La RTS a tort de ne pas diffuser en direct le premier discours du nouveau président", a déploré Mamadou Thior du Cored.
Pourtant, durant 12 ans, la RTS a systématiquement privilégié le pouvoir. Son directeur Racine Talla, proche de Macky Sall, a interrompu des journalistes évoquant des résultats défavorables à la majorité en 2022. "La RTS est devenue un outil de propagande où l'opposition ne passe pas", affirme Seynabou C.*, ancienne journaliste. De nombreuses sources font également état d'ingérence politique dans les rédactions.
La presse écrite n'échappe pas à cette mainmise. Sous Macky Sall, "pour la première fois, on a des hauts responsables du parti présidentiel à la tête des médias publics", note Assane Diagne. Au Soleil, dirigé par l'apriste Yakham Mbaye, "c'est le directeur de publication qui a le dernier mot", selon un journaliste.
Cette instrumentalisation s'accompagne de "purges" et "mises au frigo" des voix dissidentes. Selon un syndicaliste, plus de 60 personnes sont ainsi écartées à la RTS. Des témoins évoquent aussi des nominations politisées.
Bassirou Diomaye Faye s'est engagé à renforcer l'indépendance des médias publics. Un chantier urgent pour rétablir un journalisme de qualité au Sénégal et en finir avec 12 ans de redevabilité au chef de l'État.
LE COUAC MÉMORIEL DE PARIS SUR LE GÉNOCIDE DES TUTSI
Emmanuel Macron avait promis de nouveaux éclairages sur le rôle controversé de la France au Rwanda en 1994. Sa sortie du dimanche n'en a pourtant apporté aucun, déroutant partisans comme détracteurs. Que s'est-il passé à l'Elysée ?
(SenePlus) - Dans un geste très attendu à l'occasion des commémorations du 30e anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda, Emmanuel Macron s'était engagé à reconnaître de nouveau la responsabilité de la France dans ce drame, selon un message transmis aux journalistes par l'Elysée. Cependant, dans une vidéo publiée le dimanche 7 avril, le président français a finalement fait marche arrière, ne réitérant pas ces propos, suscitant l'incompréhension et l'indignation, rapporte Le Monde.
Dans cette vidéo, encadré par les drapeaux français, européen et rwandais, M. Macron déclare : "Je crois avoir tout dit ce 27 mai 2021 quand j'étais parmi vous. Je n'ai aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher de ce que je vous ai dit ce jour-là", en référence à son discours historique tenu à Kigali. Pourtant, trois jours plus tôt, l'Elysée avait affirmé que "le chef de l'Etat rappellera que quand la phase d'extermination totale des Tutsi a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d'agir (...) et que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n'en a pas eu la volonté."
Cette volte-face inattendue a été très mal accueillie par les spécialistes du sujet. "C'est un bazar insensé", commente un diplomate cité par Le Monde. Vincent Duclert, historien auteur du rapport qui a précédé la réconciliation franco-rwandaise, avait vu dans les propos initialement envisagés "un nouveau pas en avant". A Kigali également, on s'offusque de ce revirement qu'on attribue aux conseillers les plus conservateurs de M. Macron.
"Les mots ont une importance, surtout quand il s'agit de centaines de milliers de morts", souligne l'un des contributeurs à la rédaction du discours de 2021, cité par Le Monde. L'ambassadeur français à Kigali, Antoine Anfré, qui avait été un lanceur d'alerte du Quai d'Orsay en 1994, défend la version initiale.
Lors de la cérémonie de commémoration, les dirigeants rwandais n'ont d'ailleurs pas manqué de pointer du doigt les atermoiements français. Le président Kagame a dénoncé "la communauté internationale [qui] nous a laissés tomber". Son ministre a affirmé que "le génocide aurait pu être évité" et que "la volonté a fait défaut et non les moyens".
Pour les autorités françaises, cette séquence ratée vient gâcher les efforts récents de réconciliation avec le Rwanda, sur ce dossier majeur de la politique africaine de la France, déjà en difficulté dans certains pays comme au Sahel.
Par Mamadou Oumar Ndiaye
GOUVERNER, CE N’EST PAS HUMILIER, M. LE PRESIDENT !
Avec le retour en force du banni Jean-Baptiste Tine, nommé ministre de l’intérieur dans le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, la rédaction du « témoin » a jugé nécessaire de republier in extenso ce fameux édito qui lui avait été consacré
Le général de corps d’armée Jean-Baptiste Tine n’est donc plus le Haut commandant de la Gendarmerie nationale et directeur de la Justice militaire. Il a été limogé « avec effet immédiat » jeudi dernier et remplacé le même jour sans même avoir eu l’occasion de faire ses adieux à ses hommes. Et sans même avoir pu procéder à une passation de service en bonne et due forme avec son remplaçant. Autant donc dire que le brave — et compétent quoi qu’aient pu dire à son propos les thuriféraires du président de la République ces derniers jours — a été viré sans ménagement comme on le ferait de son domestique. Le brave homme devait pourtant partir à la retraite fin août prochain, c’est-à-dire dans trois mois à peine. Y avait-il donc urgence, le pays brûlait-il au point qu’on ait éprouvé le besoin de lui couper la tête ici et maintenant ? Personnellement, je ne le crois et je ne suis sans doute pas le seul.
Seulement voilà : le président Macky Sall avait décidé d’humilier cet homme qui l’a pourtant servi loyalement et dont, c’est vrai, il a eu à faire un général alors que tant de colonels lanternent, font le pied de grue et rêvent d’arborer les étoiles. Oh certes, tout le monde savait que depuis les manifestations de mars dernier, le président de la République avait décidé de sanctionner les patrons de la police et de la gendarmerie, coupables, selon lui, d’avoir mal géré la situation. Ils voulaient sans doute que ces deux corps d’élite tirent dans le tas ? Car, à notre humble avis, les généraux Ousmane Sy et Jean-Baptiste Tine ont plutôt bien géré la situation. Certes, il y a eu d’inestimables dégâts matériels, des saccages, des pillages mais cela ne valait-il pas mieux que de compter les morts par dizaines ? Les patrons de la police et de la gendarmerie, donc, étaient sur sièges éjectables et Macky Sall a appuyé sur le bouton pour les faire passer à la trappe.
Au lendemain de son limogeage comme un malpropre du Haut commandement de la gendarmerie nationale, le général de corps d’armée Jean-Baptiste tine avait eu droit à un éditorial retentissant de notre directeur de publication Mamadou Oumar Ndiaye (voir témoin 22 juin 2021). A l’époque, l’article avait fait l’effet d’une bombe virale et avait été repris dans plusieurs sites d’informations et réseaux sociaux. Avec le retour en force du banni Jean-Baptiste tine, nommé ministre de l’intérieur dans le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, la rédaction du « témoin » a jugé nécessaire de republier in extenso ce fameux édito qui lui avait été consacré.
C’est légal, il est le président de la République, la Constitution lui donne le pouvoir de nommer aux emplois civils et militaires sans compter qu’il est le chef suprême des armées ! Il peut donc promouvoir général qui il veut, nommer à la tête de la grande muette, de la Maréchaussée ou de la Garde qui il veut, et limoger qui il veut. Cela, ça ne se discute pas. Seulement voilà, en toute chose, il faut faire preuve d’élégance, de courtoisie, d’esprit chevaleresque car même quand on congédie son boy ou sa domestique, on doit y mettre les formes à plus forte raison quand on décide de remercier celui qui, quand même, commande sa police ou sa gendarmerie ! En procédant de la manière dont il l’a fait avec le général Jean-Baptiste Tine, le chef de l’Etat a humilié inutilement un officier général de nos valeureuses forces de sécurité et de défense. Ce qui est un très mauvais signal envoyé aux milliers d’hommes sous les drapeaux et qui, au péril de leur vie, défendent nuit et jour, par tout temps et souvent sans grands moyens, l’intégrité du territoire national ou la sécurité des personnes et des biens. Des hommes et des femmes astreints à l’obligation de réserve, n’ayant donc pas le droit d’exprimer leurs opinions et qui, en hommes de devoir, acceptent leur sort stoïquement, sans réprobation ni murmures. Et qui, donc, ne serait-ce que pour cela, méritent d’être traités avec considération et respect et non de la manière dont le président de la République l’a fait au patron du corps d’élite de la Gendarmerie nationale ! On reproche aux généraux Ousmane Sy et Tine d’avoir mal géré les événements de mars dernier ?
A ce que l’on sache, côté violences, les manifestations des Gilets jaunes, en France, ont produit plus de dégâts — même s’il n’y a pas eu de morts comme chez nous — notamment sur les Champs Elysées qui ont été complètement saccagés. Et pourtant, à ce qu’on sache, le président Macron n’a limogé si son chef de la Police, ni son chef de la Gendarmerie après ces événements. Et il y a quelques jours, le monde entier a vu le même président se faire gifler par un jeune homme. Il n’en a pas pour autant fait sauter séance tenante les patrons de ces deux corps d’élite des forces de sécurité de son pays ! Pour dire qu’en toute chose, il faut, encore une fois, de la mesure et de l’élégance. Du sang-froid aussi.
Hélas, sous le magistère du président Macky Sall, ce n’est pas la première fois qu’un serviteur de l’Etat qui se donne corps et âme pour accomplir sa mission est limogé de façon humiliante. Procureur de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, le magistrat Alioune Ndao a ainsi été relevé de ses fonctions en pleine audience ! On aurait pourtant pu attendre la fin de cette dernière ou même du procès Karim Wade pour le faire. Il est vrai que le brave homme avait pris trop à cœur sa mission de traquer tous les ripoux de l’ancien régime au point de vouloir jeter en prison tous les 25 « enrichis illicites » qui figuraient sur sa liste. Il ne savait pas, le naïf, que l’emprisonnement d’une seule personne parmi toute cette liste intéressait vraiment le président de la République… Son sort a été scellé quand il a voulu jeter en prison Abdoulaye Baldé qui est aujourd’hui un membre éminent de la majorité présidentielle !
Le temps béni des milices et des boîtes à propagande !
A propos des manifestations de mars, il nous revient qu’à leur lendemain, on disait dans l’entourage du président de la République qu’il allait couper des têtes non seulement dans les forces de sécurité, mais aussi dans son gouvernement ! On disait en effet qu’il gardait un chien de sa chienne à certains de ses collaborateurs coupables de l’avoir abandonné au plus fort des violences, voire des émeutes, des « Sonkistes ». Et là, on allait voir ce qu’on allait voir, promettait-on. Et puis, les élections locales approchant, notre coupeur de têtes a remisé son sabre dans son fourreau : il ne fallait surtout pas limoger de ministres ou des directeurs généreux de sociétés au risque d’alimenter une fronde qui soit irait grossier les rangs de l’opposition soit, à tout le moins, procéderait à des votes sanctions. Le président a donc jugé plus prudent d’attendre des temps meilleurs pour décapiter des politiciens. Les patrons de la Gendarmerie et de la Police, eux, n’ayant pas de bataillons de militants pouvant sanctionner électoralement, ou brûler des pneus voire des drapeaux, ont été limogés. Tant pis pour eux, ils n’avaient qu’à être des militants de l’Apr ! Et pendant que les chefs de la Police et de la Gendarmerie se font humilier, les nervis, eux, ont le vent en poupe et tiennent le haut du pavé ! Désormais, c’est eux les chouchous du président de la République qui les regarde avec délectation violenter des manifestants qui n’ont commis que le seul crime d’avoir exprimé leurs opinions. Car, dans ce pays, cela est désormais un crime que de dire au président de la République qu’on n’est pas content de la politique qu’il mène.
Aux premières heures de l’indépendance de ce pays, et même un peu avant, ont avait connu les « Comités d’action », des milices tristement célèbres et sanguinaires parmi lesquels celui dont l’Histoire retiendra le nom était le fameux et terrifiant « Eleubo». En fait, les « Tontons macoutes » n’étaient qu’un surnom donné par l’opposant Wade à ces nervis de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) devenue Parti socialiste (Ps). La France, elle, avait vécu sous le règne de terreur du Service d’Action civique ou SAC, le redoutable service d’ordre du général De Gaulle. Lequel partage avec notre bon président de la République Macky Sall non seulement le même amour pour les milices privées mais aussi celui de la propagande audiovisuelle puisque le général avait son Ortf qui n’avait rien envier à Radio Moscou côté censure et Macky Sall a sa Rts, un machin anachronique dont il vient de chanter les louanges au Fouta et sur lequel il déverse de l’argent public comme s’il en pleuvait ! Résumons: l’humiliation de généraux républicains, la prolifération d’une milice gouvernementale, l’affaiblissement des forces de défense et de sécurité, l’existence d’une boite audiovisuelle de propagande digne de l’Ortf gaulliste : Décidément, nous avons un président moderne ! Et dire qu’il est né après l’Indépendance…
Des précédents illustres
En cette matière aussi, le président de la République copie son prédécesseur Wade jusqu’à la caricature. En effet, en arrivant au pouvoir, le président Abdoulaye Wade avait limogé sans ménagement le chef d’état-major général des Armées (Cemga) qu’il avait trouvé en place. Il s’agit du général Mamadou Seck « Faidherbe », héros de la guerre de Bissau entre autres, celui-là-même qui a fait son entrée au prestigieux « Hall of Fame » de l’école de guerre américaine de Carlisle Barracks, en Pennsylvanie. Comme JeanBaptiste Tine, il ne restait au Général Seck que deux ou trois mois pour prendre sa retraite. Il n’avait même pas eu droit à un adieu aux Armées…Quelques années plus tard, Wade s’était énervé contre le gouverneur militaire du Palais, un colonel de gendarmerie, coupable à ses yeux de n’avoir pas pu lui éviter de se retrouver coincé dans un embouteillage alors qu’il était parti effectuer une visite en Banlieue ! Wade l’avait limogé le même jour. Devinez quoi, ce colonel gouverneur du palais limogé avec pertes et fracas par son prédécesseur ? Eh bien Macky Sall, devenu président à son tour, l’avait promu Général avant d’en faire…le patron de la gendarmerie !
Mamadou Oumar Ndiaye (Edition 22 juin 2021)
GOUVERNANCE MASCULINE, DÉMOCRATIE BAFOUÉE
Le remplacement du ministère de la Femme par celui de la Famille est une régression. Aucun secteur n'échappe à la compétence, l'expérience et le dévouement des femmes - COLLECTIF DES CITOYEN.NE.S POUR LE RESPECT ET LA PRÉSERVATION DES DROITS DES FEMMES
Alors que le Sénégal s'est positionné comme pionnier de l'égalité de genre en Afrique, la nomination des membres du gouvernement laisse les organisations féminines circonspectes. Seulement 4 femmes sur 34 postes, une disproportion qui appelle des mesures correctrices selon un collectif des citoyen.ne.s pour le respect et la préservation des droits des femmes dont nous publions la déclaration ci-dessous :
"De la nécessité d’inclure les femmes dans les instances de prise de décision pour une gouvernance véritablement démocratique !
Nous avons accueilli avec une grande satisfaction l’élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. L'espoir fondé en ce président est à la hauteur de la rupture prônée.
Nous tenons aussi à rappeler le combat des femmes pour la tenue d’une élection présidentielle apaisée dans le respect du calendrier républicain. C’est au nom de ce même combat, en tant qu'organisations, personnalités indépendantes, et collectif de citoyen.ne.s soucieux du respect et de la préservation des droits des femmes, que nous alertons sur la nécessité d'une gouvernance démocratique inclusive avec une représentativité substantielle des femmes aux sphères de décisions publiques. La liste des membres du premier gouvernement, parue ce 5 avril 2024, laisse très peu de place aux femmes. Sur 25 ministres, 5 secrétaires d’État, et 4 membres du cabinet du chef d’État, soit 34 postes, seules quatre femmes sont présentes. Cette inqualifiable sous-représentation induit une perte intolérable d’intelligences et de visions que seuls le pluralisme et l’inclusion permettent de garantir. Il n’y a aucun secteur dans lequel on ne trouve des femmes qui allient compétence, expérience et dévouement de premier ordre.
Cette disproportion est d'autant plus regrettable que c’est le Sénégal qui, dès 2004, a proposé à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine, l’adoption d’une Déclaration solennelle pour l’égalité de genre en Afrique, posant ainsi les jalons vers une Commission de l’Union africaine (CUA) paritaire pour ne citer que cet exemple. De plus, l'article 7 de notre Constitution dispose : “les hommes et les femmes sont égaux en droit. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions”.
Doit-on encore rappeler qu’à chaque étape de la construction de notre Nation, nous avons été présentes et avons été actrices incontournables dans toutes les luttes pour l’indépendance, l’émancipation, la justice sociale, le bien-être de tous ? Il est important de rappeler qu’aucun pays ne s’est développé en laissant en marge les femmes.
C’est pourquoi, outre la faible représentativité des femmes, nous sommes circonspectes sur le remplacement du ministère de la Femme, de la famille et de la protection des enfants par le ministère de la Famille et des solidarités. Cette appellation est une véritable régression. L'emphase portée sur les femmes et les enfants soulignait précisément l'urgence d'élaborer des politiques publiques destinées à mettre fin aux inégalités de genre (économiques, éducatives, sanitaires, politiques, foncières, etc.) et à améliorer les conditions de vie de celles qui demeurent encore les plus vulnérables à la pauvreté et à la violence, et sur qui, reposent toujours la charge du soin des plus petits et des plus âgés. Soulignons aussi de manière définitive ceci : bien que les femmes jouent un rôle central dans la cellule familiale, elles sont des êtres à part entière qui existent en dehors de la sphère familiale. Les assimiler à cette dernière, c’est nier leur droit à exister dans leur multidimensionnalité.
Pour toutes ces raisons, nous demandons que cette erreur de départ soit rectifiée par la nomination de femmes dans les directions nationales et les instances administratives. De surcroît, nous demandons le renforcement des cellules genre déjà présentes au niveau des différents ministères pour une mise en œuvre transversale de la Stratégie Nationale d’Équité et d’Égalité de Genre (SNEEG) en collaboration avec la Direction de l’équité et l’égalité de genre (Deeg) et le Programme d’appui à la stratégie d’équité et d’égalité de genre (pasneeg).
“Poursuivre, intensifier et accélérer les efforts pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux”, c’est ce à quoi l’État du Sénégal s’était engagé dans le cadre de la Déclaration Solennelle pour l'Egalité de Genre en Afrique (DSEGA) et c’est à quoi nous invitons le nouveau gouvernement qui définit son projet de société comme panafricain.
Dans notre volonté de veiller à ce que ce nouveau gouvernement, celui de tous les Sénégalais et Sénégalaises, remplisse ses missions de rupture pour plus de gouvernance démocratique, de justice sociale, d'équité, nous continuerons d’alerter et de faire des propositions constructives sur le besoin d’inclusion des femmes et de représentation égalitaire. "
Ceux qui souhaitent signer cette déclaration peuvent rajouter leur nom et affiliation dans la fenêtre des commentaires ci-dessous.
PERSONNALITÉS INDÉPENDANTES - CITOYEN.NE.S
Aboubacar Demba Cissokho, Journaliste
Absa Faty Kane, Consultante
Adja Aminata NDOUR, féministe radicale et professeure de mathématiques
Agathe Alwaly Mbaye, relations internationales et études africaines, engagée dans la lutte pour les droits des femmes
Aïcha Awa Ba - Consultante
Aïcha Rassoul SENE - Présidente de Yeewi Association (pour les droits des femmes et des filles)
Aïchatou DIOP, Experte Affaires Publiques et Déontologie
Aïchatou Fall, DGA
Aïda CAMARA, Cour pénale internationale de la Haye
Aïda Michelle Lopes, Professionnelle en communication/marketing
Aïssa Dione, Designer/chef d’entreprise
Aissatou Dieng DIOP Consultante en Télécommunications
Aissatou DIENG KASSÉ / INSPECTRICE DE L' EDUCATION, ECRIVAINE COORDONNATRICE CELLE GENRE ET EQUITÉ DU MTADIA
Aïssatou DIENG- Directrice Devopex Sénégal
Aissatou Hountondji - Statisticienne
Aïssatou Seck, Avocate, Spécialiste en Développement International
Aïssatou Séne- Féministe, Consultante
Aita Cisse, learning Manager, auteur de l’œuvre Kaay ma xelal la sur la dépression de soda (bande dessinée) et fondatrice de Kaay me xelal la plateforme de santé mentale
Alassane GUISSE Formateur
Aliou Demba Kebe, Ingénieur de la formation, Coach et Facilitateur en Développement Organisationnel
Alioune Tine, AfrikaJom Center Sira cissokho - féministe
Amadou Kane, Comptable
Amina Aïdara - féministe
Amina Diagne - Coach d'affaires certifiée en PNL, Directrice Minapro
Amina Seck - Romancière, scénariste Fondatrice Les Cultur'elles (Agence pour la promotion des Arts et Cultures au Féminin)
Aminata Badiane Thioye ANJSRPF
Aminata Dia, chercheuse, designer, auteure, coach
Aminata Dieng Dia, experte sociale, manager de projet, adjointe au maire.
Aminata Fall Niang, juriste-fiscaliste, administratrice de sociétés
Aminata Guissé, Manager en stratégie des communications, coach en prise de parole en public, Fondatrice de l’agence de communication et de production audiovisuelle Mabelle Consulting
Anna Ndiaye Ba, entrepreneure, promoteur artistique
Annie Jouga - Première femme Architecte du Sénégal
Awa P. Ndiaye Experte technique internationale en fiscalité
Awa SECK, féministe, association GANAÏ
Awa TINE Communicante et chargée de communication
Babacar Fall, professeur UCAD, Dakar Sénégal
Bachir DIOP, Agronome, Saint-Louis
Batoura KANE NIANG Ancien Ambassadeur, Expert en Gestion des Conflits
Béatrice Diop Experte en marketing/communication
Bineta Bocoum, chargée de communication du Centre des Opérations d'Urgence Sanitaire COUS du Ministère de la Santé et membre de la plate forme de lutte contre les VBG
Bineta Ndoye Responsable administrative et financière à l’OSIDEA (observatoire de suivi des indicateurs de développement économique en Afrique) Amina Faye, auditrice
Boubacar Boris Diop, écrivain
Bowel DIOP, Féministe et entrepreneure
Charlotte Faty Ndiaye, Professeure Santé Publique
Cheikh Omar Ndiaye, Consultant
Cheikh Oumar Sarr, Suisse
Cheikh Tidiane Ba Manager Entreprise Coordinateur général Convergence pour la République et la Démocratie.
Codou Loume : Journaliste , Présidente du Réseau International des Femmes /Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires
Corka Ndiaye présidente de l'association de défense des droits des aides ménagères du Sénégal (ADDAD Sénégal)
Coumba Khoulé - féministe
Coumba Touré, Directrice Kuumbati
Courani Diarra, Journaliste, formatrice Association Ma’Donne
Daba Ndione, sociologue spécialiste genre
Dede Didi - Présidente d'associations féminines
développement local et chargée de genre
Diabou Bessane- Experte en communication- Formatrice en genre - Fondatrice de la plateforme Jaabu TV
Diago Diouf Fati - consultant, coach
Diago Ndiaye, Présidente Réseau des Femmes de la CEDEAO, pour la Paix et la Sécurité
Diallo Hamath
Diallo Nadège, Directrice Frimousse structure d’accueil pour enfants. Caen
Diary BA, inspectrice de l'enseignement élémentaire à la retraite.
Diatou Cissé, journaliste
Dior Fall Sow, Magistrate, première femme procureure du Sénégal
Djenaba Wane Ndiaye Economiste Militante
Djeynabou DIALLO, Conseillère technique communication et relations publiques
Djibril Dramé, artiste visuel et co-fondateur de Sabali Inc
Dr Absa Gassama Enseignante Chercheure en Sociologie économique UNCHK
Dr Amayel Diop , Enseignante- Chercheure/ UCAD/FSJP Khaita Sylla, Féministe
Dr Awa Diop sociologue
Dr Defa Wane, Yeewu-Yewwi PLF
Dr Halima Diallo - Psychologue
Dr Ndèye Fatou Ngom, Médecin de santé publique
Dr Oumou Fadly Touré, médecin pédiatre féministe, experte Genre et Intégration en Santé
Dr Pape Coly Faye, Chef d'entreprise - Le Vesinet (78) France
Dr Rokhayatou Fall, Vétérinaire Environnementaliste
Dr Selly Ba Sociologue,
Dr. Fatimata Ly-Fall : Directrice Exécutive du CEDEM (Centre Démocratie- Education aux Medias et aux Multilinguisme)
Dr. Marame Gueye, Féministe, Professeur de Littérature Africaine et de sa Diaspora
Ephrem Manga, acteur politique membre de la société civile
Evelyne Dioh, Directrice exécutive WIC Capital
Fa DIALLO, Entrepreneure sociale, spécialiste Petite enfance, Founder & CEO Institut Académique des Bébés-IAB, Présidente de l’association Boyam la maison des 1000 jours
Fama Reyane Sow, scénariste et réalisatrice, directrice Khaleebi Prod
Mohamadou Moustapha Dina Diatta, ingénieur informatique
Mohamed Sakhir Diagne, consultant, Associé
Momar Dit Ahmed Youssoupha Sall, Credit risk manager
Mouhamadou Moustapha SY, étudiant
Mouhamed Moriba Cissokho: Activiste - initiateur des WAXTAAN DIGGANTE NDAW ÑI / DIALOGUE ENTRE JEUNES.
Mouhamed Moustapha SENE, Ingénieur en Génie Électrique
Moustapha Diop, Informaticien
Myriam THIAM - Designer en bijoux Yeewu Yewwi/pour la libération des femmes
Nafissatou Dia Diouf, Écrivain
Nafissatou Fall expert en transport aérien et en relations internationales, conseiller technique au Ministère en charge des transports aériens Nafissatou Sy, Responsable commerciale
Nafissatou Wade Présidente Nationale de la Coalition DËGGU JËF
Nayé Anna Bathily, Experte, Développement International, Fondatrice, ShinetoLead, Jiggen Jang Tekki
Ndeye Amy Kebe , chef d’entreprise
Ndèye Aram DIME, Lobbyiste et Conseillère en affaires politiques
Ndeye Bouba Seck Coordinatrice de Altercom/Manoore
Ndeye D. TALL - féministe
Ndeye Debo Seck, Enseignante
Ndeye Fatou Thiam, communicatrice, femme leader
Ndeye Khady Babou - Féministe
Ndeye Khady Sall consultante business stratégie
Ndeye Magatte Mbaye, juriste spécialiste droit des femmes et des enfants
Ndeye Maty Diop, Manager, Féministe, Initiatrice talk show digital ‘Taboo
Ndeye Ndoumbé Diop - Féministe
Ndeye Soukeyna NDAO DIALLO, juriste
Ndioro Hélène Ndiaye, Spécialiste communication digitale
Néné Koïta, coordinatrice nationale du Mouvement Populaire pour la Paix Nationale du Sénégal; chargée des relations internationales du syndicat des travailleurs de Sonatel
Ngone Seye Diop, Entrepreneuse
Nina Penda Faye Journaliste Communication - Journaliste - CEO ABC GROUP
Pr Ndioro Ndiaye, universitaire, ancienne Ministre de la femme, de l’enfant et de la famille (1988-1994)
Pr Penda Mbow, historienne, ancienne ministre de la culture
Rabia Diallo, écrivain, poète, Slameuse, Journaliste, présentatrice TV, Consultante en Communication et Fondatrice de la marque de maroquinerie Kundi.
Raby Seydou Diallo, Sociologue, Communicante et Manager de projet; Directrice fondatrice de Debbo leadership féminin, Auteure
Rama Chiova - Féministe
Ramatoulaye Touré Enseignante - Chargée de Genre et Inclusion
Rayanna Tall, Consultante Education
René Lake, journaliste, Washington
Rokhaya Fall Sokhna, historienne
Rokhaya Gaye juriste spécialiste en Genre
Rokhaya Ndiaye, fondatrice Ro&Partners
Rokhaya Seck, Directrice financière
Rokhaya Solange Mbengue Ndir, Presidente, Association des Femmes dans le numérique
Rose Gaye Ndao, Auditeur - Directeur de société
Sabe Wane collectif des féministes du Sénégal
Samba Fall, Ingénieur
Sawdatou Ndongo, directrice d’agence de voyages.
Selbé Faye Lo, spécialiste en développement local et chargée de genre
Selly Raby Kane / Créatrice - réalisatrice
Seydi Aboubacar Sy, web developer
Seynabou Carine Gueye, gérante de société
Seynabou Gueye: Ingénieur Informatique, Chef de projet
Seynabou Kassé , Consultante
Seynabou Mbaye, Présidente COSEF
Seynabou Sy Ndiaye, Sociologue, féministe
Seynabou Thiam, consultante fondatrice Smart Ecosystem for women
Sidiki Abdoul Daff, Professeur, Président du Centre de Recherches Populaires pour l'Action Citoyenne-Cerpac
Sobel Aziz Ngom Dirigeant d’association
Sokhna Maguette Sidibé, féministe radicale
Sophie Ly Sow, Journaliste , Directrice de NEXUS Groupe
Soukeyna Kane, Expert Comptable
Souleymane NGOM, Conseiller Culturel
Thiaba CAMARA SY, Administratrice de sociétés
Thiedel Ba - Gérante de société
Thierno SECK, Manager spécialisée en gestion d’entreprises
Thierno Souleymane Diop Niang juriste, chercheur en relations internationales, auteur
Zoubida Berrada - Journaliste, consultante en média et gestion de projet
Zoubida Fall, auteure - fondatrice de DUKOKALAM
ORGANISATIONS
Afrique Enjeux-AFEX
Alliance pour la Migration, le leadership et le Développement (AMLD)
Association "Mon Sénégal à moi"
Association des Juristes Sénégalaises (AJS)
Association YEEWI (pour les droits des femmes et des filles)
Collectif des féministes du Sénégal
Conseil Sénégalais des Femmes
DUKOKALAM
JGEN SENEGAL
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Par Adama DIENG
30 ANS APRÈS LE GÉNOCIDE AU RWANDA : PLUS JAMAIS ÇA !
« La tristesse s’élève sur les ailes du matin, et du cœur des ténèbres jaillit la lumière » Alphonse de Lamartine (1790- 1869) - 30 ans après le génocide, le Rwanda, pays déterminé à renaître de ses cendres, a parcouru un long chemin.
« La tristesse s’élève sur les ailes du matin, et du cœur des ténèbres jaillit la lumière » Alphonse de Lamartine (1790- 1869)
30 ans après le génocide, le Rwanda, pays déterminé à renaître de ses cendres, a parcouru un long chemin.
Les souvenirs liés qui se bousculent dans mon esprit remontent aussi loin. Peu après mes premières visites au Rwanda au milieu des années 80, j’ai, auprès des institutions africaines, lancé l’alarme en 1990 sur les violations graves et massives des droits de l’homme perpétrées dans ce pays. Quatre ans plus tard, le 1er avril 1994, je me suis retrouvé à Mulindi, un village situé à la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda, d’où Paul Kagame a dirigé le Front patriotique rwandais pendant la guerre civile rwandaise. Le lendemain, 2 avril, j’étais le dernier visiteur étranger à être reçu par le président rwandais Juvénal Habyarimana dans son palais. Juste avant moi, le président a rencontré David Rawson, l’ambassadeur des États-Unis. Après notre rencontre, le président Habyarimana s’est envolé pour Gbadolite, fief du président zaïrois Mobutu Sese Seko, avant de poursuivre vers Dar es Salaam, en Tanzanie. J’ai quitté Kigali le 4 avril. Le 6 avril 1994, au retour d’une réunion régionale à Dar es Salaam où le chef de l’Etat rwandais avait accepté de mettre en place les institutions de transition prévues par les accords d’Arusha qui ont mis fin à la guerre civile dans son pays, le Falcon 50 le transportant ainsi que Cyprien Ntaryamira, président du Burundi, a été abattu au-dessus de l’aéroport de Kigali par un missile. La mort des occupants de l’avion a déclenché le génocide contre les Tutsi au Rwanda, les meurtres des partisans des accords d’Arusha opposés aux extrémistes hutus et la reprise de la guerre civile.
A partir du 7 avril 1994, le génocide contre les Tutsi au Rwanda déclenchait l’une des orgies de tueries les plus sanglantes de la fin du XXe siècle. C’était une pure folie.
Comme si j’étais un personnage d’un roman de Joseph Conrad, je ne pourrai jamais chasser ces souvenirs, m’étant retrouvé, hier et aujourd’hui, plongé dans un parcours et des activités qui ont notamment eu pour toile de fond la tragédie du Rwanda et pour inspiration sa victoire. Entre autres activités liées à cette situation difficile, après avoir été Secrétaire général (1990-2000) de la Commission internationale de juristes basée à Genève, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, m’a nommé en janvier 2001 greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). En juillet 2012, je suis devenu Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon pour la prévention du génocide. Après avoir pris ma retraite des Nations Unies il y a quelques années, j’ai fondé l’Alliance panafricaine pour la transparence et l’État de droit (PATROLAFRICA), dont l’objectif est de promouvoir la transparence et le respect de l’État de droit et d’agir comme moteur de développement.
A l’occasion du 30ème anniversaire du génocide contre les Tutsis commis au plus près du cœur de l’Afrique dans ce pays d’une rare beauté et d’une grande importance socio-anthropologique, la famille des nations doit tout faire pour accompagner les Rwandais, soutenir les victimes, pour que ce génocide devienne un leçon bien connue pour l’humanité, et pour que les Rwandais eux-mêmes puissent continuer à peaufiner leur réconciliation.
Il faut féliciter la gouvernance qui a réussi l’exploit de transformer une terre sortie d’une terrible tragédie en un pays où il fait bon vivre aujourd’hui. Au-delà de la remarquable reconstruction physique, infrastructurelle et économique, les cœurs et les esprits empoisonnés par la haine doivent continuer à guérir. Le génocide contre les Tutsis au Rwanda a été perpétré à l’échelle d’un pays, mais aussi à l’échelle d’un village, parfois à l’échelle d’une colline ou à l’échelle d’une famille, voire au sein d’un couple.
Cette paix des cœurs et des esprits, cette paix dans les villes et dans les collines, est nécessaire. Cela prendra encore du temps. Tout comme le retour au pays des exilés ou de ceux qui ont fui prendra du temps. Et la justice, dans ce contexte, continuera d’être un ingrédient nécessaire pour que la paix soit durable et enracinée dans les cœurs, dans la transformation profonde et positive du Rwanda et de ses citoyens. Ainsi, à travers le pardon, la parole, la conversation, grâce à la fin du silence, et avec la manifestation de la vérité, la paix s’ancrera plus profondément, au niveau socio-anthropologique, dans l’espace spirituel et sur le terrain politique, entre les Rwandais.
Par ailleurs, la paix dans la sous-région, notamment dans la région orientale de la République démocratique du Congo (RDC), semble également essentielle à cette équation d’espoir. Les nations de la région des Grands Lacs, le Rwanda, la RDC, le Burundi et d’autres pays méritent toutes la paix. Ce conflit dans l’est de la RDC menace de déstabiliser davantage la région, avec un impact négatif sur la réconciliation dans chacun des pays concernés.
Il est donc crucial que les efforts de rétablissement de la paix, les efforts diplomatiques et les initiatives de médiation soient renforcés pour promouvoir la stabilité dans cette région dévastée. Le regain de tensions militaires et la persistance des activités des groupes rebelles alimentent l’insécurité et la méfiance tout en aggravant une situation humanitaire déjà catastrophique. Travaillons tous à éteindre cet incendie au cœur de l’Afrique, car investir dans la paix de chacun est un investissement dans la paix de tous.
PATROL est prête à soutenir toutes les entités nationales, régionales et internationales de la sous-région pour relever de nombreux défis. En effet, certains des fugitifs recherchés pour leur implication dans le génocide doivent être appréhendés et jugés. Il est nécessaire de garantir la justice et la responsabilité envers les victimes et les survivants, notamment en veillant au renforcement du devoir de mémoire et à la prise en charge des survivants vieillissants, ce qui nécessite des efforts et des investissements à la mesure de la douleur extraordinaire que ces événements ont infligé au corpus d’un pays, au niveau national et individuel.
Malgré les efforts remarquables du gouvernement rwandais, il faut reconnaître que le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda a laissé de profondes blessures dans le tissu social du pays. Comment aurait-il pu en être autrement ? Cependant, les Rwandais ont montré au monde qu’il est possible de guérir et d’avancer vers la réconciliation et le pardon.
Je peux témoigner, en tant qu’ancien Greffier, que le TPIR a joué un rôle crucial dans la poursuite des auteurs du génocide, le crime le plus horrible et d’autres crimes atroces. Même si la justice ne pourra jamais effacer complètement les souffrances, elle permet aux survivants de voir que les auteurs des violences ont à répondre de leurs actes. Sur le terrain, au Rwanda même, les juridictions Gacaca, mises en place au niveau local, ont également permis aux victimes de connaître la vérité sur la mort de leurs proches et ont donné aux coupables la possibilité d’avouer leurs crimes et de demander pardon devant la communauté.
Par ailleurs, nous devons saluer le leadership politique et communautaire du Rwanda et celui des dirigeants qui ont donné l’exemple en prônant la paix, la tolérance et la compréhension. Guérir les blessures du génocide contre les Tutsis au Rwanda est un processus continu. Le Rwanda, son chef d’État, son gouvernement et ses élites communautaires ont montré que la résilience humaine peut triompher des tragédies les plus sombres.
PATROL salue la victoire du peuple rwandais sur l’adversité et l’horreur et s’engage à soutenir les efforts de paix et de réconciliation dans la sous-région. Arrêtons à jamais la folie ordinaire qui a permis la perpétration de crimes aussi odieux. Nous n’abandonnerons pas, car face à l’humanité, les démons du mal ne sont jamais loin.
La principale leçon que nous enseigne le Rwanda est que dans les moments les plus sombres de la vie, lorsque le chagrin enveloppe les hommes, les femmes, les enfants ou les nations comme un linceul, il y a toujours une lueur d’espoir, un phare qui guide la famille des nations vers l’aube.
Par Mounirou FALL
MACKY ENTERRE LES RAPPORTS DE L’OFNAC
L'ancien président a fait voter par l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2024, en mode «fast track», deux lois qui risquent d’éteindre 34 dossiers d’enquêtes ficelés et déposés par l’OFNAC et aux autres corps de contrôle devant le Procureur
«La CREI est pour l'ancienne équipe mais l’OFNAC est pour nous». Cette déclaration de l’ancien président de la République, Macky Sall, avait été appréciée par l’opinion mais aussi les organisations luttant contre la corruption. Paradoxalement, avant de quitter le pouvoir, le même Macky Sall a fait voter par l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2024, en mode «fast track», deux lois qui risquent d’éteindre 34 dossiers d’enquêtes ficelés et déposés par l’OFNAC et aux autres corps de contrôle devant le Procureur de la République. Sud Quotidien propose à ses lecteurs cette contribution de Mounirou Fall, Economiste et ancien chef de Desk du même journal qui sonne l’alerte afin d’éviter que la corruption ne continue à gangréner notre pays.
REFORMER LE PARADIGME DE GOUVERNANCE AU SENEGAL
L’ancien président de la République Macky Sall a signé le 30 janvier 2024 deux lois modifiant les bases de la lutte contre la corruption au Sénégal. Il s’agit des Lois n° 2024- 06 modifiant la loi n° 2012- 30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), ainsi que la loi n° 2024-07 modifiant la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine. Les projets de loi portés par le ministre des Finances et du budget (en lieu et place du ministre de la Justice), modifient totalement toute la stratégie de lutte contre la corruption au Sénégal. Ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale en sa séance du 9 février 2024, soit deux semaines avant le 25 février 2024, la première date fixée pour la dernière élection présidentielle. A y voir plus clair, les modifications apportées par ces lois, au lieu de renforcer la lutte contre la corruption, risquent d’enterrer les dossiers d’enquêtes déjà réalisées par l’OFNAC, mais aussi les autres corps de contrôle qui s’occupent d’enrichissement illicite. En effet, depuis les rapports sur les soupçons de corruption du COUD, de l’affaire Petrotim, celle des 94 milliards, des 29 milliards ou des 1000 milliards des fonds COVID, l’ensemble des 34 dossiers d’enquêtes ficelés et déposés par l’OFNAC et les autres corps de contrôle devant le Procureur de la République risquent d’être éteints. Si l’on y prend garde, la corruption au Sénégal, avec ces nouvelles lois votées en février 2024, a encore de beau jour devant elle.
LA REDDITION DES COMPTES EST NON NÉGOCIABLE
Conformément à la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014, relative à la déclaration de patrimoine, le Président de l'Assemblée nationale, le Premier Questeur de l'Assemblée nationale ; le Premier Ministre, les Ministres ; le Président du Conseil économique, social et environnemental ; tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses, les comptables publics, effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard (1.000.000.000) de Francs CFA, doivent effectuer à l'échéance d'un délai de trois (3) mois qui suivent leur nomination ou leur cessation de fonction une déclaration de patrimoine. Pour ceux qui quittent leur fonction, il s’agit d’une déclaration dite de «sortie». Cette déclaration de sortie est valable pour ceux qui avaient effectué au préalable, c’est-à-dire au moment de leur prise de fonction, une déclaration de patrimoine d’entrée ! Qui ne se rappelle de ministres et autres DG qui, non seulement n’ont pas effectué leur déclaration de patrimoine après moults interpellations par voie d’huissier, mais après que leur gestion a été épinglée par les rapports de l’OFNAC, ont jugé utile sur les plateaux de télévision d’affirmer «qu’ils ne répondront pas aux convocations de l’OFNAC». La reddition des comptes est et demeure une demande sociale forte et ne saurait se négocier. L’institutionnalisation de la redevabilité, l’application des décisions de justice dans la lutte contre la corruption ainsi que l’établissement d’une veille citoyenne sur la redevabilité dans la lutte contre la corruption marquerait sans nul doute une évolution dans le sens de la bonne gouvernance tant chantée au Sénégal. Dans ce contexte, le recouvrement des avoirs détournés implique une nouvelle approche fondée sur la différenciation des enjeux. D’une part, les défis posés au traitement des rapports d’investigation des corps de contrôle et qui dormaient «sous le coude» devrait faire l’objet d’un traitement diligent ainsi que la saisine d’un juge pour instruction. D’autres part, le changement du paradigme de gouvernance au Sénégal au vu des insuffisances décelées dans la loi qui a été promulguée le 30 janvier 2024 par le président de la République et adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 9 février 2024 sont à corriger dans les meilleurs délais.
A cette étape, disons-le tout net, les Loi n° 2024-06 du 30 janvier 2024 modifiant la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) et celle n° 2024-07 du 09 février 2024 modifiant la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014 sont contreproductives et créent plus de confusion qu’elles ne règlent de problèmes. Plus clairement, il s’agit d’abroger cette loi et de réfléchir sur les textes les plus à même d’assurer la bonne gouvernance au Sénégal, évacuer les rapports des corps de contrôle restés «sous le coude» depuis 2012. La nouvelle loi prévoit, dès lors qu’un procureur ou un juge traite d’un dossier de soupçons de corruption ou d’enrichissement illicite, il sera immédiatement dessaisi par l’OFNAC qui en assure un monopole
La loi 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) n'était certes pas parfaite. Le décret d'application de cette loi (qui permet sa mise en œuvre opérationnelle) n'a été signée qu'en 2018. Soit 6 ans après..
Cependant, l’OFNAC a su traiter les cas de dénonciations et d’auto-saisine issus de faits de corruption. Le principal blocage issu de cette loi, venait du fait que le «maître des poursuites», à savoir le procureur de la République, avait la pleine latitude de donner suite (ou pas) aux rapports d'investigations réalisés par les enquêteurs de l'Office. Ce qui a plombé les dossiers de corruption d’agents publics corrompus car «la saisine du procureur dessaisi l’OFNAC».
LES CHANTIERS DE LA REFORME
Déjà en 2016 avec l’appui des partenaires de l'OFNAC, l'Union Européenne et le système des Nations Unies, des propositions de réforme des lois 2012-30 et 2014-17 sur la déclaration de patrimoine ont été appuyées afin de conformer le Sénégal aux standards internationaux.
Des Comités de relecture des textes fondateurs de l’OFNAC (CORTEF) ont été mis en place, impliquant dans un long processus participatif des juristes, des acteurs de la société civile, des parlementaires de la Commission des lois à l’Assemblée nationale l’expertise interne de l’OFNAC ainsi que les autres membres des corps de contrôle. A l’issue des travaux, des avant-projets de loi et de décrets avaient été soumis en juin 2022 afin de parachever le corpus de la lutte contre la corruption au Sénégal. Parmi les avancées proposées et non des moindres, l'obligation faite au Procureur de saisir un juge pour l’ouverture de procédure concernant les cas de soupçons de corruption, par suite des enquêtes de l'OFNAC. (Notons que pour ce qui concerne la CENTIF, les présomptions de blanchiment sont encadrées par les Directives de l’UEMOA qui obligent à l’ouverture d’une procédure par un juge). Le cas échéant, dans les propositions qui avaient été faites, l'OFNAC se porte partie civile pour le suivi des rapports.
Malheureusement, la mouture qui avait été déposée n’a pas été prise en compte. La nouvelle loi promulguée et adoptée par l’Assemblée nationale entre le 30 janvier et le 9 février 2024 est aux antipodes d’une lutte efficace contre la corruption. La nouvelle loi réformant le cadre institutionnel de l'OFNAC, la déclaration de patrimoine et plus globalement de la lutte contre la corruption a totalement dévoyée les orientations premières. A vouloir trop embrasser, la loi.... dessert la lutte contre la corruption.
VEILLE CITOYENNE ET PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
L’application des décisions de justice dans les affaires de corruption est devenue une exigence sociale. Que de rapports d’enquête de présomption de corruption dorment dans les tiroirs ! Ces rapports réalisés aussi bien par l’OFNAC, la Cour des Comptes, l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou l’Inspection Générale d’Etat (IGE), depuis l’affaire du COUD, ne peuvent être passées en pertes et profits au nom de la cohésion nationale. Non !
La lutte contre l’impunité issue des détournements a été bien portée par cette frange de la population qui a mené à la victoire de la coalition Diomaye Président, au premier tour. Cette même population n’hésitera pas à se retourner et lutter contre les actuels tenants du pouvoir, si la reddition des comptes n’est pas effective. Que l’on s’entende bien, cependant. Il ne s’agit nullement d’effectuer une «Chasse aux sorcières» qui serait à la limite contreproductive. Il s’agit de recouvrer ces centaines de milliards subtilisés au trésor public et utilisés dans des conditions non-orthodoxes par des fonctionnaires «milliardaires».
Les lanceurs d’alerte, signalant des informations sur des actes répréhensibles dans un contexte professionnel contribuent à prévenir des dommages et à détecter des menaces ou des préjudices pour l’intérêt public. Ce que l’OFNAC avait proposé depuis juin 2022 est de protéger les dénonciateurs, témoins, plaignants ou l’expert collaborant avec l’OFNAC. Ces derniers ne devraient faire l’objet de représailles, d’aucune sanction ou discrimination dans leur travail du fait du signalement. Aussi, toute mesure, acte hostile, intimidation, outrage, menaces, chantage divulgation de l’identité du témoin ou dénonciateur directement ou indirectement est puni par les peines prévues à l’article 25
Alors que la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC) réalisée de manière inclusive et participative propose la protection des lanceurs d’alertes, la nouvelle loi n’en pipe mot. Le blocage dans la lutte contre la corruption est venu d’un manque de volonté pour donner suite aux conclusions des rapports d’enquête. Ne nous y trompons pas, ces jeunes (et moins jeunes) qui ont fait la force du changement du régime suivent de près ces dossiers de corruption à coup de milliards.
Ces milliards à recouvrer pourraient servir à financer ces hordes de jeunes (qui ont joué leur partition dans l’élection de l’actuel Président de la République) en leur fournissant un appui conséquent ainsi que des intrants - ou tout autre outil de production à même de réaliser une transformation locale des produits, d’assurer l’optimisation des chaines de valeur tant dans le secteur agricole, industriel qu’extractif.
Il s’agirait aussi avec ces avoirs recouvrés d’appuyer la part nationale dans les entreprises. En effet, l’imposition d’une participation (sénégalaise) supérieure ou égale au seuil de 51% pour toutes ces entreprises qui évoluent en se font du chiffre d’affaires dans les secteurs de la pêche ou des industries permettrait de fournir des emplois à ce qui reste des 40 000 jeunes sénégalais restés à jamais dans l’océan Atlantique, le désert du Sahara ou dans la mer Méditerranée, selon les statistiques de l’OIM. Ce n’est que dans ces conditions que l’arrêt de la maltraitance de ces «élites qui ne misent que sur leurs intérêts», permettra de libérer cette population moins âgée à qui on fait croire, par une illusion sirupeuse qui les élites sans scrupules qui les ont gouvernés depuis 2012 et qui détournent leurs ressources sans vergogne, travaillent pour eux.