LE SENEGAL, PREMIER PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE FOURNISSEURS DE DJIHADISTES À L’ÉTAT ISLAMIQUE
Le pays même s’il n’a jamais connu d’attaques terroristes sur son sol, est très courtisé
Le Centre des Hautes études de Défense et de Sécurité (CHeDS) a décidé de valoriser le travail de ses auditeurs concernant les thématiques en lien avec l’extrémisme violent et sa prévention. Ainsi, un large focus a été consacré au «recrutement et à la radicalisation» avec des recommandations pour prévenir de tels fléaux. Il a été ainsi révélé que depuis 2012, une centaine de djihadistes sénégalais ont rejoint les groupes extrémistes violents.
«Recrutement et radicalisation au Sénégal : Mesures pour la prévention de l’extrémisme violent». Tel est l’intitulé de l’étude de Dr Mouhamadou KANE, Chercheur au Centre des Hautes Études de Défense et de Sécurité (CHEDS). Un travail qui revient de fond en comble sur le phénomène du djihadisme, non sans proposer des mesures préventives.
D’emblée, il laisse entrevoir que les études ont montré que le Sénégal, même s’il n’a jamais connu d’attaques terroristes sur son sol, est très courtisé. Il occupe ainsi, selon le document publié, la première place en Afrique subsaharienne des pays fournisseurs de djihadistes à l’État Islamique et le huitième au rang mondial. «Il est devenu au cours des dernières années une importante source de départ, mais également de séjour et de passage de djihadistes étrangers», lit-on dans le document parvenu à «L’AS». Il ajoute que depuis 2012, une centaine de djihadistes sénégalais dont des femmes ont réussi à rejoindre des groupes extrémistes violents (Boko Haram au Nigeria, État Islamique en Libye et en Syrie et Al-Qaïda au Maghreb Islamique et au Mali, devenu aujourd’hui Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM).
Et d’après l’étude réalisée par Dr Kane, il a été indiqué que trois facteurs ont été observés comme étant les principales causes d’engagement des Sénégalais dans les groupes extrémistes violents (GEV) : religieux, socio-économique et politique. Il a été noté aussi que le pays a également enregistré au cours de ces dernières années de nombreux cas de retour, dont des cas de désengagements consécutifs à des déceptions par rapport à leurs attentes. Malgré tout, note-t-on, le retour au pays de ces combattants djihadistes est une source d’inquiétude majeure pour les autorités sénégalaises.
Et au regard du nombre important de djihadistes sénégalais ayant rejoint les différents groupes extrémistes violents ces dernières années, leur retour pourrait constituer une sérieuse menace pour la stabilité du pays, avec un fort risque de saper la cohésion sociale, précise le document. Il demeure constant, selon l’expert, que l’extrémisme violent est un fléau dont le Sénégal ne semble pas être à l’abri, si l’on considère la situation sécuritaire actuelle au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
RECOMMANDATIONS DE DR MOUHAMADOU KANE
Par ailleurs, Dr Kane est revenu dans son étude sur les mesures préventives prises par l’Etat du Sénégal qui, à l’en croire, sont de nature juridique, sécuritaire, communautaire et religieuse. «Elles consistent aussi en la mise sur pied de programmes de développement destinés à améliorer le climat économique et social », renchérit-il. Sur le plan sécuritaire, il affirme que le Sénégal n’a pas attendu que la sous-région soit embrasée par les extrémistes pour se doter de mécanismes de prévention contre l’extrémisme violent. Ainsi, il informe que l’État a mis en place en 2003 une cellule de lutte antiterroriste. Mieux, ajoute-t-il, en 2016, le Sénégal a renforcé son dispositif de lutte antiterroriste en créant le Cadre d’Intervention et de Coordination Interministériel des Opérations de Lutte Antiterroriste (CICO). «Ce dispositif de prévention est complété par la Loi n° 2016-33 du 14 décembre 2016 relative aux Services de renseignements qui spécifient les missions de ces derniers en matière de terrorisme et de criminalité transnationale», laisse-t-il entendre.
Dr Mouhamadou KANE a dans la foulée formulé un certain nombre de recommandations. Il estime d’abord que l’Etat du Sénégal devrait privilégier l’approche ascendante du renseignement. Il s’agirait, selon lui, de mécanismes d’intervention utilisant les pratiques et savoirs populaires, notamment dans l’identification et le signalement de personnes sous influence extrémiste. En même temps, dit-il, il faudrait définir une stratégie nationale de prévention de lutte contre l’extrémisme violent, en prenant en compte toutes les dimensions (politique, sociale, économique, religieuse) de la radicalisation.
Dr Kane préconise en définitive d’associer les différentes sensibilités religieuses dans la prévention de l’extrémisme violent ; d’encadrer l’exercice du culte religieux dans l’espace universitaire ; de surveiller les établissements scolaires et universitaires et les mouvements associatifs qui semblent devenir des incubateurs des groupes extrémistes violents (GEV); de mettre en place des programmes de déradicalisation pour les Sénégalais qui se sont désengagés dans des GEV ...