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28 avril 2024
MON ENFANT A LE VIH
Retour sur l'histoire du bébé atteint du sida, alors que ses géniteurs étaient sains - Leur quotidien, les tracas familiaux, le sentiment de culpabilité ressenti par les parents - ENQUÊTE
L’affaire avait défrayé la chronique, il y a de cela deux mois. En mai dernier, le quotidien «Vox Populi» affichait à sa «Une», la dramatique histoire de M.N.T, un bébé d’un an atteint de Vih. Infecté alors que ses parents étaient sains, le bébé a été contaminé lors d’une hospitalisation. Deux structures médicales sont mises sur le banc des accusés et une plainte déposée. Prétexte ne pouvait être mieux choisi pour s’intéresser au quotidien des enfants vivant avec le VIH. «L’Obs» s’est penché sur la question et a mené l’enquête. Leur quotidien, les tracas des familles, le sentiment de culpabilité ressenti par les parents suite à la contamination de leurs enfants, la vie dans un perpétuel secret, tout y passe. Sans tabou.
«Mon mari a gâché ma vie et celle de ma fille, mais pour me consoler, je me dis que je ne suis pas malade, mais juste infectée. Je porte le virus dans mon sang. Ma fille aussi.» La phrase répétée à l’envi sonne comme un hymne à la désespérance soutenue par le fil ténu de la vie. Une ode à l’amour que Thérèse Gomis* aime fredonner. Tous les jours. C’est cela sa thérapie, son slogan, sa force pour faire face. Plus à la maladie de sa fille de 14 ans qu’à la sienne. A 50 ans, la dame, mère de deux enfants, dont une issue d’un précédent mariage, traîne son spleen dans les dédales de ce quartier semi-bourgeois de Dakar. Teint clair, embonpoint très marqué par le «stress», comme elle le dit, Thérèse est la maman d’une jeune adolescente, Sophia, infectée au VIH-Sida. Et c’est justement à travers cette 2e fille, fruit de son second mariage, qu’elle a découvert sa maladie. Dans ses yeux bridés, dénués de tout artifice, le visage grassouillet, se lit une résignation face à l’épreuve. Elle dit : «J’ai eu le VIH à travers mon mari, mais je n’ai su mon infection qu’à travers ma fille. Elle tombait souvent malade alors qu’elle avait un an. Elle était suivie par d’autres médecins, mais c’est par la suite qu’on m’a orientée ici. Et c’est suite aux analyses qu’on a découvert qu’elle était infectée.» Un tremblement de terre accompagné d’un féroce tsunami. Thérèse marque une courte pause, range une mèche de cheveux échappée de son foulard avant de poursuivre. Sans discontinuité : «J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. J’étais anéantie et je m’en suis voulu, parce que durant cette grossesse, le gynécologue m’avait recommandé de faire des analyses sanguines, mais trop heureuse de cette seconde grossesse que je n’espérais plus, je les ai négligées. Jamais au plus grand jamais, je ne pouvais m’imaginer que je pourrai un jour être infectée par le VIH. J’avais une confiance aveugle en mon mari. Voilà le résultat aujourd’hui. Il a gâché ma vie ainsi que celle de ma fille de 14 ans.»
«J’ai failli mettre fin à ma vie»
Le drame de Thérèse et de sa fille n’est pas un cas isolé. C’est le quotidien de plus d’une centaine de familles qui vivent au quotidien, avec le remord en travers de la gorge. Au Sénégal, ils sont environs 300 enfants vivant avec le VIH à être suivis dans une structure hospitalière dédiée. Trois cent (300), dont les parents vivent en permanence avec la psychose de voir leur «secret» révélé au grand jour. Comme ce fut le cas de cette famille qui a fait la «Une» du mercredi 16 mai dernier du quotidien «Vox Populi». L’histoire du bébé M.N.T infectée au VIH par on ne sait quelle gymnastique, alors qu’elle était internée dans une structure hospitalière de la place. L’affaire a fait grand bruit avant que la famille du bébé ne décide de la porter devant les tribunaux. Aujourd’hui en instance, elle remet au goût du jour le calvaire quotidien des familles dont les enfants sont infectés par le Vih. Un mal certes chronique, mais surmontable, avec une rapide prise en charge et un bon suivi médical. Thérèse Gomis témoigne : «Quand les médecins m’ont annoncé la maladie de ma fille, j’étais dévastée et je m’étais culpabilisé à mort. Par moments, je nourrissais le sombre dessein de mettre fin à ma vie. Si je n’avais pas eu la foi, ni le soutien du personnel médical qui suivait ma fille, je pense que j’aurais mis fin à mes jours. Il y a 3 ans de cela que ma fille a été informée de son statut sérologique et heureusement, elle l’a bien pris. Elle commençait à faire sa crise d’adolescence et elle était suivie par un psychologue. C’est l’assistance sociale qui l’a encadrée avant de lui annoncer sa maladie. Elle n’a pas fait de crise. Elle est même devenue plus mature et se prend en charge pour ses médicaments. Aujourd’hui, voir ma fille grandir et vivre sereinement avec le VIH me fait moins ressentir ma culpabilité. J’essaie de rester digne et forte. Pour elle.» Sous le couvert de cette culpabilité mise à rude épreuve par une conscience torturée, beaucoup de mères la traîne comme un énorme boulet et en parler sert de catharsis. Même si c’est toujours douloureux comme une vilaine injection.
UNE MÈRE : «Je me culpabilise à chaque fois que je regarde mes enfants»
«Ce n’est pas évident !», lâche dans un rire creux où se mêlent tristesse et impuissance, Nogaye Diop. Cette mère de 3 enfants, dont deux de 14 et 12 ans infectés par le VIH (Virus immunodéficience humaine), semble perdue au milieu de ce container exigu où elle reçoit. Le regard las, corpulence moyenne moulée dans une camisole fleurie, écorce de jais, Nogaye accouche ses mots dans un débit saccadé. Elle les souffle presque sous le ton de la confidence, comme pour masquer une gêne discrète et sautille de nervosité dès que quelqu’un s’approche de la porte. Puis, rassurée, elle installe un code de connivence ponctué par de regards entendus avant de se confier. «Je suis devenue l’esclave de mes enfants. A chaque fois que je les regarde, un lourd sentiment de culpabilité me noue la gorge et ce n’est pas facile de vivre avec», glisse-t-elle le regard figé au mur. Entre ses mains, elle triture nerveusement son porte-monnaie, puis secouant énergiquement la tête, comme pour chasser ses démons, elle appuie son discours par des touchers. «Mon 2egarçon qui était alors âgé de 3 ans et demi, tombait souvent malade et il se faisait suivre à l’hôpital de Ouakam. A ce moment, les médecins n’avaient pas encore décelé la maladie. Un jour, alors que je l’avais emmené en consultation, le médecin m’a immédiatement renvoyé à l’hôpital Albert Royer. Là, les médecins lui ont fait des analyses et c’est ainsi qu’ils ont détecté la maladie. Ils m’ont ordonné de faire des tests qui se sont avérés positifs. Mon mari, lui, n’était pas infecté, donc les médecins en ont conclu que c’est moi qui ai contaminé mes deux enfants, puisque j’allaitais le dernier à ce moment. Je m’en suis voulu à mort. Je me sentais fautive et jusqu’à présent, ce sentiment ne m’a pas quittée. Je me culpabilise à chaque fois, car je me dis que c’est de ma faute. Pour diminuer ce sentiment, je fais de mon mieux pour les bichonner et les câliner. Je cède à leur moindre caprice.»
Une compensation derrière laquelle se réfugie Nogaye pour expier sa faute après que son monde se soit écroulé ce fameux jour où les médecins l’ont mis face à la cruelle réalité. Elle dit : «C’est mon mari qu’on a informé en premier. Il a demandé au personnel de m’en aviser, car lui ne pouvait pas. Ce jour-là, j’ai cru que c’était la fin. J’étais désarçonnée et déboussolée, mais je me suis reprise grâce au soutien du personnel médical. Je vivais un drame et je n’avais personne avec qui le partager en dehors de mon mari qui ne cessait de me soutenir et du personnel médical.»
Aujourd’hui, incapable de détecter la source de sa propre contamination, Nogaye, qui est sortie d’un premier divorce, s’en remet à Dieu et se dévoue corps et âme à son traitement et à celui de ses enfants qui sont, aujourd’hui, indétectables. «Voir mes enfants s’épanouir et bien vivre avec la maladie est mon plus grand réconfort. Ils ont dédramatisé la situation à leur manière et suivent scrupuleusement leur traitement à base d’antirétroviraux. Aujourd’hui, ils prennent eux-mêmes leurs médicaments aux heures prescrites et souvent, c’est le plus jeune qui rappelle son aîné l’heure de la prise en lui disant qu’il faut qu’ils aillent prendre leur «essence». Un nom de code dédié qui renseigne à volonté sur la grande confidence qui entoure la maladie. Et le mystère est difficile à percer.
«Mes enfants et moi sommes dans le secret absolu»
Niania D. (38 ans) est femme au foyer. Sous ses airs de femme forte et accomplie, le vernis craque dès qu’on dévoile sa part d’ombre liée à son drame. Un coup d’œil dans le rétroviseur qui, loin d’expier ses démons, la plonge dans un profond silence. D’abord, c’est un rire creux qu’elle offre dès qu’on aborde le sujet. Ensuite, un regard vide, puis un air de chien abattu qui attendrirait le cœur de plus d’un. Niania D. est la maman de quatre enfants, dont deux garçons de 13 et 12 ans, infectés au VIH. Avec elle, la tristesse affleure à chaque question et chaque réponse est une torture. On marche sur des œufs. Il faudrait plusieurs fois l’intervention de l’assistante sociale, courroie de transmission, pour l’aider à faire le point sur ses sentiments. Chaque intervention lui prend 5 minutes. Cinq minutes thérapeutiques pour que Niania concède à poursuivre l’entretien. A chaque fois, le même scénario : elle s’excuse, se rassoit, tortille ses doigts, baisse son regard.
Quelques secondes de contemplation du sol nu de sa demeure sobrement décorée. Avant que la machine ne s’huile et qu’elle démarre son récit. «Mon fils, aujourd’hui âgé de 13 ans, tombait constamment malade. Il était chétif et vulnérable. Moi, je n’y comprenais rien. Je l’ai amené en consultation et les médecins l’ont hospitalisé. Il a subi une série d’analyses et c’est au terme de ses analyses que les médecins m’ont dit qu’il était infecté. Ils m’ont demandé, suite à cela, de faire des analyses et c’est là qu’ils ont détecté que moi aussi, j’étais infectée. Par contre, mon mari dit ne pas être infecté quand il a fait les analyses et je n’ai pas insisté outre mesure. Quand j’ai su que mon enfant était malade, j’ai souffert dans ma chair, mais je me suis résignée. Et j’ai enduré cela avec foi. J’ai deux garçons infectés. Par contre, mes deux derniers enfants sont indemnes. Je n’ai jamais eu à me culpabiliser, car je ne sais pas si c’est moi qui ai contaminé mon enfant. Les médecins ne m’ont fait aucune confidence sur le sujet. L’aîné avait 5 ans à l’époque. Aujourd’hui, il en a 13», souffle-t-elle d’une voix entrecoupée de trémolos. Huit ans.
Huit longues années que Niania D. garde enfouie son indicible drame. Son lourd secret. Depuis, elle vivote, essayant tant bien que mal de garder son lourd secret. Et protéger au maximum ses enfants contre le regard des autres et leur jugement. Elle se lève un moment. Comme une automate, elle effectue quelques pas, tripote son foulard et visse son regard vers un point invisible à l’horizon. L’air frais embaume l’atmosphère et seul le ressac des vagues s’échouant sur les rochers perturbe la quiétude de l’instant. Le dos voûté, Niania D. prend une profonde inspiration, soulève la tête et enchaîne son récit, la voix basse. «Mes enfants ignorent encore leur statut sérologique. Je n’ai pas la force de le leur dire. L’aurais-je jamais ? J’en doute. De tout mon entourage, seul mon mari est au courant. Même ma belle-famille, chez qui nous vivons, ignore tout de cette histoire. Si elle venait à être au courant, ce serait catastrophique pour mes enfants et une humiliation pour moi, vu que mon mari persiste à dire qu’il n’est pas infecté. Le moment venu, les médecins se chargeront d’informer les enfants, mais pour l’instant, on vit dans le secret absolu.» Pour parer à toute question indélicate quant aux fréquents allers et retours des enfants à l’hôpital, Niania et son mari se réfugient derrière l’argument du traitement d’une maladie bénigne. En attendant. Comme pour jouer à cache-cache avec une société obnubilée par les affaires d’autrui…
Comme Niania, Adja Guèye vit la maladie de son aîné de 12 ans dans le plus grand des secrets. Et la hantise d’être un jour découverte pèse constamment sur ses frêles épaules. Toute menue dans sa robe en dentelles fleurie, casque de mèches courtes sur la tête, regard embarrassé, la jeune maman se rappelle, comme si c’était hier, de ce jour où on lui a annoncé la maladie de son fils. Même si elle s’attendait un peu à ce scénario improbable. «Baby», comme elle le surnomme affectueusement, avait tout juste 2 ans. Conduit à l’hôpital, il a été diagnostiqué positif. «Je m’attendais à 50% à ce résultat. Même si je gardais un faible espoir de voir mon bébé y échapper, puisque je suivais normalement mon traitement et je savais que c’était possible. Je suis infectée au même titre que mon mari et c’est au cours de la grossesse de «Baby» que j’en ai été informée», souffle-t-elle. Mais contrairement à Niania, Adja s’est résolue à annoncer elle-même la nouvelle à son fils. Avait-elle d’ailleurs le choix puisqu’à 10 ans, son «Baby» chéri commençait à se rebeller et à refuser systématiquement tout traitement.
Elle dit : «C’est moi-même qui ai annoncé à «Baby» qu’il était infecté. Il avait 10 ans. J’y étais obligée, parce qu’il ne respectait plus son traitement et c’est son petit frère qui, lui, est sain, qui m’en a informé. Je l’ai appelé. On en a discuté et il m’a dit qu’il en avait marre de prendre des médicaments sans comprendre dans quel but. Il m’a fait comprendre qu’il voulait savoir ce qui lui arrivait. Là, j’ai réalisé qu’il était temps que je lui fasse part de sa maladie. Il avait déjà des doutes, parce qu’à l’école, il avait eu des leçons sur la maladie.» Plus de peur que de mal. Son aîné l’a bien pris, mais vit sa maladie dans la plus grande discrétion. «Dans notre entourage immédiat, nul ne sait qu’il est infecté. Aujourd’hui, mon aîné est un garçon épanoui. Il est ambitieux. Il sait ce qu’il veut. Il suit normalement son traitement et cela ne le handicape aucunement. D’ailleurs, il ambitionne de devenir médecin une fois adulte. Notre maladie est notre secret. Même à l’école, ses camarades et ses professeurs ne savent pas qu’il est infecté. On n’en parle qu’entre nous, on communique et on se réconforte mutuellement.» Pour faire corps contre le VIH. Comme les cinq doigts de la main.
*Les noms ont été changés
LA GUERRE DES POULETS
Plongée dans la guerre imminente entre les différents acteurs du secteur avicole, dont GMD qui s’est liguée aux Marocains de Zalar - Cette alliance décriée par des nationaux, a reçu la bénédiction des autorités
Dans l’aviculture comme dans la jungle, les plus forts écrasent les faibles. Avec l’arrivée des étrangers, certains craignent la mort de toute une filière porteuse d’espoir pour des milliers de familles sénégalaises. ‘’EnQuête’’ s’intéresse à cette guerre imminente entre différents acteurs du secteur, dont Gmd qui s’est liguée aux Marocains de Zalar. Cette alliance, décriée par des nationaux, a reçu hier la bénédiction du ministre de l’Industrie Moustapha Diop.
Aviculteurs du Sénégal, tenez-vous prêts ! Sur le marché de la volaille, arrive le géant Grands Moulins de Dakar. Et la société française vendue aux Américains du groupe Seaboard ne sera pas seule sur ce marché très porteur au Sénégal. Pour s’imposer dans ce domaine qui n’est pas sa zone de prédilection, Gmd s’est liguée à encore plus forte qu’elle, du moins dans ce secteur. C’est Zalar, le numéro 2 au Maroc. Toutes deux entreprennent d’aller à l’assaut du marché national jusque-là contrôlé par Sedima. Et c’est Babacar Ngom, le chantre de ‘’l’équipe nationale’’ de la volaille, qui a du souci à se faire.
A en croire Franck Bavard, directeur général de Grands Moulins, tout le monde est sénégalais. ‘’Il n’y a pas d’étranger qui tienne. Ce qui compte, c’est le savoir-faire. Nous aurons un personnel sénégalais. Nous allons ravitailler le marché sénégalais pour apporter notre contribution à la sécurité alimentaire. Avec 60 ans d’âge au Sénégal, Grands Moulins, qui vient prendre participation dans Zalar Sénégal, est sénégalaise. Tout comme Zalar qui vient investir des milliards dans le pays’’, rétorque M. Bavard aux détracteurs de la Marocaine à qui il a été octroyé des dizaines d’hectares à Sandiara.
Face à un ministre de l’Industrie visiblement séduit par les installations et l’importance de Grands Moulins dans le tissu industriel sénégalais, la Française devenue américaine suite à son rachat en 2018 par Seaboard, s’est présentée sous ses plus beaux atours. Et elle ne compte pas ménager ses moyens pour dominer le marché national de la volaille. N’en déplaise aux acteurs du secteur avicole et à Sedima. ‘’Nous allons investir plus de 10 milliards de francs Cfa. Ce que nous faisons, c’est de l’agro-industrie qui va permettre de recruter plusieurs pères de famille. C’est comme ça qu’on peut développer un pays et nous comptons continuer dans cette dynamique’’.
Il n’empêche, le patron de Grands Moulins s’est voulu on ne peut plus rassurant pour les petits producteurs. ‘’Notre objectif, dit-il, est de renforcer les capacités de production du pays en la matière, en vue de pouvoir faire face, dans le futur, à l’ouverture du marché. Nous n’avons pas pour vocation d’écraser les petits producteurs. Bien au contraire, c’est ensemble que nous allons y arriver’’.
En tout cas, du côté des accouveurs sénégalais, l’on ne parle pas le même langage. Récemment, en conférence de presse, ils ruaient dans les brancards, condamnant fermement l’octroi de ‘’180 hectares’’ aux Marocains. ‘’On a du mal à accepter que l’Etat puisse autoriser à un groupe qui a fait beaucoup de dégâts en Mauritanie (il parle de Solar) de s’installer au Sénégal. Nous demandons que le gouvernement soutienne les 50 000 Sénégalais qui évoluent dans le secteur et non les livrer aux multinationales’’, disait Papis Bakary Coly, président de la Fédération des aviculteurs du Sénégal Faas Jom.
Dans ce combat, qu’ils ne comptent surtout pas sur Moustapha Diop. Le ministre de l’Industrie a, en effet, béni, hier, l’union Gmd-Zalar dans l’aviculture. Dans l’enceinte de l’entreprise, il affirme : ‘’Les Grands Moulins de Dakar constituent un fleuron de l’industrie sénégalaise, voire de la sous-région, avec 300 emplois directs, 200 indirects… Nous vous félicitons non seulement pour l’investissement que vous faites au niveau des Grands Moulins, mais aussi pour avoir pris la décision de diversifier votre investissement dans la filière avicole. Nous vous remercions au nom du chef de l’Etat. Le Sénégal a besoin d’entreprises comme vous, qui investissent et qui font travailler des milliers de Sénégalais.’’
Front contre l’ouverture du marché
Son homologue du Commerce, Aliou Sarr, était quelques jours plus tôt chez l’autre grand accouveur, Sedima de Babacar Ngom. C’était alors pour parler, du moins en public, de la rumeur persistante et têtue de l’ouverture imminente du marché aux poulets et cuisses étrangers. Ce combat, au moins, pourrait servir de trait d’union entre la fédération qui regroupe les petits producteurs, Sedima et Zalar qui prend ses marques. Tous ont intérêt à ce que le marché ne soit pas ouvert de sitôt. Les autorités étatiques, jusque-là, ont fait dans le clair-obscur. Un jour c’est oui, un autre c’est non. La voix du ministre du Commerce étant prépondérante, l’on retient que, pour le moment, le marché ne s’ouvrira pas. Pour certains acteurs, c’est juste pour ne pas mécontenter de potentiels électeurs qui vivent de cette filière. Que l’ouverture serait inéluctable après la présidentielle de 2019.
En attendant cette date, le secteur attire jusqu’en Europe. En effet, selon certaines sources, il n’y a pas que les Marocains qui s’y intéressent. ‘’Des Français seraient également attributaires de plusieurs hectares à Diamniadio’’. Un acteur, très connu dans le milieu, estime d’ailleurs que c’est à cause de cette ruée que Babacar Ngom multiplie les sorties médiatiques et mobilise les industriels de nationalité sénégalaise, prétextant défendre les couleurs sénégalaises dans l’environnement très concurrentiel des affaires. La guerre est ainsi lancée. Et seuls les plus tenaces pourraient survivre. Les plus faibles risquent d’y laisser leurs plumes. Comme des poulets !
EL HADJ MALICK, CHEF D’UNE PME EN DIFFICULTE
‘’C’est toute la filière qui risque de disparaitre’’
La guerre des poulets n’a pas débuté aujourd’hui. Depuis les années 2000, elle est intense. Et les plus forts ont toujours été sans pitié pour les faibles. El Hadj Malick l’a appris à ses dépens. Il prévient ses ‘’amis’’, les petites et moyennes entreprises : ‘’Avec cette arrivée en masse des entreprises étrangères, c’est toute la filière qui va disparaitre, contrôlée par de grandes industries qui vont s’accaparer toute la chaine, de la production à la distribution.’’
L’homme sait bien de quoi il parle. Au début du millénaire, il était l’un des plus puissants de la filière, le premier importateur de poussins au Sénégal. Jeune, très ambitieux, il avait la tête farcie de projets. Les partenaires accouraient de toutes parts. Son business marchait à merveille. El Malick avait fini de mettre en place une Pme avec un accouveur de dernière génération importé des Pays-Bas. Le corps frêle, le regard dans le vide, il confie avec amertume : ‘’Je faisais un chiffre d’affaires de plusieurs millions de francs Cfa. Je sortais environ 16 000 poussins/jour.’’ En tant que ‘’leader’’, l’enfant de Tivaouane était courtisé. Avec nostalgie, il déroule des photos où on le voit au Brésil à côté de grands hommes d’affaires et de l’actuel ministre de l’Hydraulique Mansour Faye, à l’époque un de ses partenaires privilégiés.
Puis, un beau jour, tout est parti en fumée, à cause de la rude concurrence marquée la présence de Sedima. Ses économies, comme un château de cartes, se sont écroulées. Et les grands noms du secteur, comme des vautours, se sont rués sur le self made man, pour donner le coup de grâce à son business déjà fortement ébranlé par des décisions malheureuses des autorités étatiques d’alors. Notamment, celui de le mettre aux grands comptes, avec une facture d’électricité mensuelle qui est passée du simple au octuple. Avec le temps, ils y sont parvenus en l’asphyxiant sur le plan économique.
Aujourd’hui, le grand aviculteur prend son mal en patience, dans son petit coin, dans le département de Pikine, où il vit seul, contemplant à longueur de journée ses moutons, seuls biens qui lui restent et ses installations hi-tech qui attirent encore les vautours. Comment en est-il arrivé là ? Il explique : ‘’Je travaillais et je gagnais bien ma vie. Mais en face, il y a des gens qui étaient haut placés et qui voulaient s’imposer sur le marché. Ils n’avaient pas intérêt à ce que je survive. Dans ce contexte concurrentiel, sans soutien d’une banque, sans soutien d’un gouvernement et avec les nombreuses charges, j’ai mis la clé sous le paillasson. Je ne pouvais plus tenir’’, dit-il en tirant sans cesse sur le mégot de sa cigarette qu’il écrase par la suite dans le petit verre qui lui sert de cendrier.
Refus des banques
Aujourd’hui encore, il peine à se relever. Convaincu que derrière le refus des banques et des services de l’Etat, il y a la main de certains de ses concurrents, il reconnait : ‘’J’avais tellement d’ennemis, parce que moi je ne suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds. Je ne l’ai jamais accepté, je ne l’accepterai jamais, malgré les difficultés.’’
Ainsi donc, ses amis d’hier sont devenus ses pires ennemis. Et pourtant, au summum de son activité, tous lui proposaient des services. La filière avicole, il la maitrise comme il maitrise les coins et recoins de son immense demeure. Dans cette maison où il a implanté son usine, il employait jusqu’à 50 pères de famille, il n’y a pas longtemps. Toujours déterminé à reprendre ses activités, il ne baisse pas les bras et continue à se battre pour trouver les moyens de poursuivre ses activités.
Aujourd’hui objet de toutes les convoitises de la part des dinosaures qui l’ont asphyxié et précipité à l’arrêt, autrefois riche et sollicité, El Hadj Malick croit plus que jamais en sa bonne étoile et à son savoir-faire.
MARCHE DE LA VOLAILLE
Une poule aux œufs d’or
Au Sénégal, le marché de la volaille a généré, en 2016, plus de 160 milliards de francs Cfa. Le ministre de l’Elevage en avait fait l’annonce en mars dernier au cours d’un atelier sur l’amélioration des performances dans l’aviculture. La production de viande de volaille, qui représente 36 % de la production totale de viande au Sénégal, a une croissance de 15 % par an. Dans la même veine, le ministre renseignait que le Sénégal, dont le secteur de l’aviculture se porte à merveille, a produit, toujours en 2016, 615 millions d’unités’’. Aminata Mbengue Ndiaye dénonçait, en même temps, la faible professionnalisation des acteurs, leur ‘’informalisme’’.
Elle annonçait ainsi une enveloppe de plus de 12 milliards dégagée par l’Union économique et monétaire ouest-africaine pour accompagner le secteur porteur de l’aviculture sénégalaise, dans l’optique de faire face à une éventuelle ouverture des marchés. Si le secteur en est arrivé à ce stade de performance, c’est que, selon les acteurs, le marché a été fermé, depuis plusieurs années. Ils estiment, par conséquent, que l’Etat ne devrait pas fléchir et continuer ses mesures de restriction. En 2016, la production locale était évaluée à 50 millions de poulets, selon l’Interprofession avicole du Sénégal (Ipas), soit 45 millions de plus qu’en 2005, au moment de la fermeture du marché.
Mais malgré les performances salvatrices pour les amoureux de viande blanche, des efforts restent à accomplir, d’autant plus que la quantité consommée par personne et par an est très en dessous de la moyenne normale. Selon l’Ipas, elle était de 5 kg en 2016. En d’autres termes, caricaturent certains, un Sénégalais mange 1,5 poulet chaque année. Pour eux, c’est parce que le prix est cher et qu’une plus grande libéralisation pourrait rendre le produit plus accessible. Mais l’intérêt généré avec la libéralisation vaudrait-il les gains sacrifiés en termes de création d’emplois ? A chacun sa conviction.
FOIRE DE KÉBÉMER
‘’Cette initiative vise à favoriser l’exploitation du potentiel dont regorge notre département’’
La Foire des ressources agricoles et animales de Kébémer (FRAAK) a pour objectif de faciliter l’exploitation du potentiel économique dont regorge ce département, a déclaré le président dudit conseil départemental, Modou Diagne Fada.
‘’Cette initiative vise à favoriser l’exploitation du potentiel dont regorge notre département’’, a déclaré M. Diagne à la presse, samedi, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de cette foire de trois jours, officiellement ouverte par le gouverneur de Louga, Alioune Badara Mbengue.
‘’Le conseil départemental est une collectivité locale créée pour impulser le développement socio-économique du département, et Kébémer a la spécificité d’avoir plusieurs atouts’’, a dit Modou Diagne Diagne.
Parmi ces atouts, il a évoqué‘’la façade maritime’’ et l’’’appartenance’’ de cette zone au bassin arachidier et à la zone sylvo-pastroale. "Ainsi constitué, Kébémer possède des atouts non encore exploités dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche’’, a-t-il encore vanté, avant d’exprimer sa volonté de faire profiter au département de l’énorme potentiel en place.
‘’L’initiative vient à point nommé dans la mesure où les producteurs ont longtemps cherché à faire valoir leur labeur à la face du monde et cette foire va permettre aux différents acteurs de vendre, prendre des contacts et tisser des réseaux de relations pour donner corps à l’économie locale’’, a-t-il magnifié.
Le gouverneur de Louga, Alioune Badara Mbengue, a encouragé une telle initiative et affiché son émerveillement ‘’après avoir visité les différents stands exposant des richesses qui ne demandent qu’à être montrées à la face du monde pour être valorisées’’.
LUTTE CONTRE LE PALUDISME
L’Etat du Sénégal injecte, chaque année, au moins 20 milliards de francs CFA
L’Etat du Sénégal injecte, chaque année, au moins 20 milliards de francs CFA pour accélérer l’élimination du paludisme, a révélé samedi, à Saly-Portudal (Mbour, ouest), le coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Doudou Sène.
‘’Au total, [ce seront] 65 milliards de francs CFA pour les trois prochaines années pour pouvoir réussir l’élimination du paludisme au Sénégal. Le paludisme est presque cantonné à certaines zones, notamment Tambacounda, Kédougou, Kolda, Diourbel et Kaolack’’, a-t-il expliqué, à l’occasion d’une rencontre politique à Saly-Portudal.
Par contre, dans d’autres zones, seuls quelques cas sont recensés, comme dans la région de Thiès qui, de façon globale, se situe dans la zone verte, avec moins de cinq cas pour mille habitants. La même situation prévaut dans les régions de Matam, Saint-Louis et Louga.
‘’L’utilisation de la moustiquaire imprégnée, c’est l’arme la plus absolue pour se protéger contre le paludisme’’, a indiqué le Dr Doudou Sène, selon qui le Sénégal a enregistré ‘’un recul global’’ du taux de prévalence parasitaire, qui se situe à 0,3% pour l’ensemble du territoire national.
Il a appelé à ’’maintenir les acquis que nous avons obtenus et aussi travailler dans le sens de traduire en acte, au niveau communautaire, la vision du chef de l’Etat’’, Macky Sall. Il a assuré que "le principal intrant de lutte contre le paludisme, la moustiquaire imprégnée, sera disponible en quantité sur toute l’étendue du territoire national, notamment pour les femmes enceintes et les enfants âgés de 0 à 5 ans.
L'ancien Premier ministre et président du parti Act, Abdoul Mbaye, est micro de Baye Omar Gueye dans l'émission Objection de ce dimanache 08 juillet 2018.
Voir la vidéo.
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Le président français flatte les attentes de la jeunesse africaine - Il ne céderait pour autant rien sur l’essentiel en perpétuant, selon l'éditorialiste de SenePlus, Emmanuel Desfourneaux, le même paradigme de domination vis-à-vis du contient - ENTRETIEN
Deux Afriques se font face, aujourd'hui, en chiens de faïence. Une Afrique émancipée, portée par un élan progressiste, revendiquant son identité et aspirant à une meilleure maîtrise de sa politique de développement et d'éducation. Une autre Afrique, ensuite, qui «tire vers l'arrière», en ce qu'elle reste largement imprégnée par les rapports de domination et un cadre mental hérité de la colonisation. Dans un entretien avec Sputnik, Emmanuel Desfourneaux, directeur général de l'Institut de la culture afro-européenne à Paris, partenaire officiel de l'UNESCO, et ancien conseiller du président sénégalais Abdoulaye Wade, décrit les ressorts de ce temps d'affrontement historique.
Sputnik: Vous avez déclaré un jour que l'Afrique vivait une situation paradoxale, parce qu'elle était tiraillée entre un désir d'émancipation adulte et des piqûres d'enfance.
Emmanuel Desfourneaux: Nous sommes dans une situation caractérisée par l'émergence de nouveaux intellectuels, comme Achille Mbembé ou Felwine Sarr, qui sont les porte-voix d'une jeunesse africaine exigeant de ses leaders politiques qu'ils prennent en considération ses attentes pour un développement socio-économique endogène, pour une Afrique émancipée, qui pense par elle-même et pour elle-même. En cela, cet élan se démarque clairement de celui d'intellectuels africains des années 30 ou de la post-indépendance.
Cette tendance progressiste ne ressemble pas à l'Afrique coloniale et veut inventer une nouvelle pensée créatrice. Elle s'oppose, en cela, à l'autre tendance qui s'appuie sur des cadres mentaux hérités de l'époque coloniale et adoptés par beaucoup de gouvernances africaines. Cette autre tendance est celle qui s'en remet à la France à chaque fois qu'il y a un problème, comme on a pu le voir avec le président tchadien Idriss Deby qui fait appel à la France pour vaincre les rebelles qui menacent son régime, (début 2008).
Sputnik: Où le paradoxe se manifeste-t-il ?
Emmanuel Desfourneaux: Dans les failles que l'on observe aujourd'hui. L'Union africaine dépend à hauteur de plus de 85% du financement de l'Union européenne. De même que 25% des capitaux de la Banque africaine de développement (BAD) appartiennent aux Occidentaux. Pourtant, c'est une banque qui revendique son panafricanisme. Sur le développement socio-économique endogène, on a un pays comme le Sénégal qui décrète l'émergence. Même s'il réalise une croissance économique historique de plus de 6%, le pays fait face à des coupures d'eau, qui font qu'on a encore des femmes qui, dans les banlieues de Dakar, doivent encore chercher de l'eau ou attendre les camions-citernes! Ces exemples illustrent le paradoxe entre un groupe qui tire vers l'avant pour une plus forte émancipation et autonomie et un autre qui tire vers l'arrière. C'est néanmoins un temps historique extrêmement intéressant, car il faudra voir lequel des deux groupes va l'emporter.
Sputnik: Néanmoins, ces deux tendances ont ceci en commun qu'elles sont toutes les deux élitistes. En ce sens, que les populations sont très souvent éloignées de ces considérations.
Emmanuel Desfourneaux: C'est vrai qu'à ce jour, ces tendances demeurent élitistes, surtout si on conçoit l'élan progressiste dans sa dimension purement intellectuelle. Il convient tout de même d'apporter une nuance, celle de l'émergence de la société civile africaine et d'une synergie enclenchée avec les classes intellectuelles. On peut citer, au Burkina Faso, le «Balai Citoyen», ou le mouvement «Y en a marre» au Sénégal, où il y a aussi le mouvement «France Dégage», abstraction faite de ce qu'on peut penser de son combat. Ces revendications cesseront d'être élitistes quand la convergence entre la société civile et les porte-voix intellectuels sera accomplie. Entre temps, c'est vrai que la population locale n'a pas le temps de la pensée, car préoccupée par la survie, par des questions matérielles. Elle n'est pas assez sensible à ces questions.
Sputnik: La question de l'éducation est au centre de cet enjeu… Vous trouvez qu'elle n'avance pas suffisamment ?
Emmanuel Desfourneaux:Aujourd'hui, il y a une meilleure prise de conscience des enjeux liés à l'éducation, à la maturité des populations de façon plus générale. Il y a bien une volonté de mieux éduquer, et une conscience qu'il faut jouer sur les ressources humaines. Mais c'est le contenu et le type de cette formation qui m'inquiète.
Dans son discours de Ouagadougou, Macron a déclaré qu'il offrirait aux étudiants burkinabè l'accès aux mêmes manuels, au même contenu, qu'à Lyon ou à Bordeaux. On peut se poser la question de savoir si ce contenu va permettre à une pensée africaine autonome de prévaloir, ou s'il va permettre uniquement la transmission d'un cadre mental français, traduisant le paradigme de la domination passée. C'est cela l'enjeu capital pour l'Afrique de demain. Il faut que l'Afrique ait la maîtrise de sa politique d'éducation et de développement, parce que les deux vont de pair. Malheureusement, je ne crois pas qu'on soit, encore, dans ce cadre de configuration.
Sputnik: Vous rejoignez donc, ceux qui disent que pour ce qui est de sa politique africaine, le président Emmanuel Macron casse les codes sans rien céder sur l'essentiel ?
Emmanuel Desfourneaux: Absolument. Macron est un excellent communicant. C'est, en outre, un banquier et il comprend très bien l'arithmétique —et donc les rapports de force-. Sans être un expert de l'Afrique, il a vite compris ce qui est en train de s'y passer. C'est-à-dire l'exigence de cette jeunesse vis-à-vis de leurs leaders politiques, leur envie d'émancipation et de répondre à des besoins quotidiens, de faire en sorte que la voix africaine soit entendue. Il fait donc beaucoup de communication, en s'adressant à la jeunesse avec des messages disant en substance: «Je suis des vôtres! Il n'y a aucun réseau entre vous et moi! Je ne passe pas par des intermédiaires véreux. Vous pouvez m'interpeller directement. C'est une nouvelle ère». C'est dans cette logique qu'il a mis en place un Conseil présidentiel sur l'Afrique, peuplé de binationaux, issus de la diaspora africaine, qui ont tous réussi dans leur vie.
Sputnik: C'est ce que l'on appelle casser les codes. Mais de quelle manière se traduit le fait de ne rien céder sur l'essentiel ?
Emmanuel Desfourneaux: Prenons l'exemple du Sénégal, un pays qui demeure le véritable thermomètre des relations entre la France et l'Afrique. Quand il s'est rendu, en février dernier, à Saint-Louis, Emmanuel Macron a défendu la cause climatique et environnementale. Il s'est même engagé pour financer, avec la Banque Mondiale, un programme de lutte contre l'érosion dans les zones côtières. En coulisses, toutefois, Macron se bat pour que Total obtienne le marché de la prospection du pétrole dans la région du Rufisque. Or, vous en convenez, cette activité n'est pas ce qu'il y a de plus respectueux pour l'environnement.
Les exemples ne manquent pas qui attestent qu'en dépit d'un changement apporté sur la forme, le logiciel est toujours le même. Macron joue de sa jeunesse, il insiste sur le fait qu'il n'a pas connu le passé, la colonisation, comme s'il pouvait s'en débarrasser. Mais lorsque vous êtes Français, vous héritez d'une conception de l'Afrique telle qu'on vous l'enseigne dans votre famille ou votre école. Et cette conception continue, souvent, de traduire un rapport de domination. Dans ces conditions, Macron a beau crier qu'il est jeune, qu'il n'a pas connu la colonisation, qu'il parle d'égal à égal, mais le boomerang lui revient au visage, comme on a pu le voir avec l'incident de la climatisation lors de son discours de Ouagadougou, qui a été très mal perçu en Afrique.
Sputnik: Vous soutenez donc, que Macron donne satisfaction à l'élan progressiste en Afrique, mais qu'il se range, sur le fond, sur la vieille école.
Emmanuel Desfourneaux: Absolument. À part pour quelques pays comme le Ghana ou le Rwanda, il n'y a pas toujours de vrais leaders en Afrique qui soient au diapason avec les véritables défis historiques. Macron est donc conscient que le rapport de force lui est favorable. Alors, derrière la communication qui constitue le côté visible de sa politique africaine, il y a un côté invisible, qui traduit le rapport traditionnel de domination. Comment expliquer, sinon, que la signature d'accords pétroliers entre le Sénégal et Total, en mai 2017, a entraîné le limogeage du ministre de l'Énergie, Thierno Alassane Sall, qui estimait que l'offre de Total était moins intéressante pour le Sénégal que celle de son concurrent, et qu'il n'y avait pas de raison, dès lors, de privilégier Total ?
Cette politique souterraine traduisant un rapport de domination n'est pas sans lien avec les visites fréquentes du Président sénégalais Macky Sall à l'Élysée, à l'occasion desquelles il a pu obtenir, par exemple, des garanties par rapport à la présence militaire française dans ce pays qui n'est pas à l'abri de menaces djihadistes, surtout avec les récentes découvertes de gaz et de pétrole. Au-delà de cet aspect, il a pu obtenir un soutien français par rapport à sa réélection en 2019.
Sputnik: de quelle manière ce soutien se manifeste-t-il ? Est-ce une «aide» matérielle ?
Emmanuel Desfourneaux: Je pense que les caisses noires de la Présidence dispenseront Macky Sall de chercher un financement étranger. L'aide française se manifeste, plutôt, en faisant comprendre que tel est notre candidat. On reçoit, par exemple, des opposants sénégalais. Mais on les écoute sans donner suite à leurs requêtes, ou sans donner l'impression qu'on abandonne Macky Sall. S'il y a des manifestations violentes, la France pourra condamner ou se montrer préoccupée, selon les cas, en appelant soit au respect de l'État de droit, ou les droits de l'homme, etc.
Sputnik: à la décharge de Macron, on peut rappeler qu'il y a bien un besoin africain de perpétuer ce système de domination. Celui auquel vous faisiez référence, par l'Afrique qui tire en arrière. Il est loin de ne concerner que les leaders au pouvoir.
Emmanuel Desfourneaux: Absolument. Les leaders politiques d'aujourd'hui, au pouvoir ou dans l'opposition, sont en retard par rapport à l'Afrique qui pense par elle-même. Ils sont dans ce cadre mental hérité de la colonisation: on a besoin de la France. On ne peut pas se détacher de ce pays, même quand on est dans l'opposition, puisque l'opposition s'en remet souvent à la France pour critiquer le régime en place.
Sputnik: Il semble, tout de même, que cette interpellation ne soit pas toujours un réflexe psychologique. Elle résulte aussi d'un verrouillage politique, et c'est une carte que l'on joue après l'extinction de tous les «recours» internes.
Emmanuel Desfourneaux: Les deux mécanismes se combinent. C'est-à-dire le besoin d'internationaliser une injustice politique et le syndrome psychologique chez des leaders africains qui ne se sont pas défaits du cadre mental hérité de la colonisation. Ce qui manque aux leaders africains, c'est une confiance et une estime de soi. Comment l'acquérir ? En affirmant son identité culturelle africaine, en affirmant ce qu'on est.
Sputnik: Cette affirmation de l'identité africaine échappe parfois aux Africains eux-mêmes.
Emmanuel Desfourneaux: En effet. Il y a quelques jours, au Nigéria, Macron a rendu hommage à «la vitalité de la culture africaine». Il a assisté à un concert à Lagos et décrété 2020, saison de la culture africaine. Des initiatives qui ont émerveillé ses lieutenants issus de la diaspora.
Mais moi, j'interrogerais ceci. Est-ce à la France de mettre en exergue, sur son sol, la culture africaine? Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à l'exposition universelle de 1900 à Paris, où on exposait l'Afrique. C'est un peu choquant, mais l'idée n'est pas totalement éloignée.
Sputnik: Est-ce une mauvaise chose que la France s'intéresse à la culture africaine? Vous-même, vous regrettiez que l'identité africaine ne soit pas suffisamment affirmée chez des leaders africains ?
Emmanuel Desfourneaux: Macron n'a pas toujours de vrais leaders en face de lui. Il peut donc prendre toutes les initiatives pour accroître l'influence française en Afrique, qu'elle soit intellectuelle, culturelle ou économique, qui est le véritable enjeu. Cela renvoie, certes, à la difficulté des leaders africains de prendre l'initiative de la promotion de leur propre culture. Sinon, c'est effectivement une bonne chose que la France s'intéresse à la culture africaine.
Ce qui me dérange c'est que l'on surfe dessus, en lorgnant autre chose. C'est-à-dire que l'intérêt porté à la culture africaine est plutôt mû par l'opportunité en termes de présence économique que par une «sincérité culturelle». Cette initiative est à corréler, en effet, à un récent rapport de l'Institut Montaigne qui tirait la sonnette d'alarme sur les parts de marché que perdait la France en Afrique. Tout renvoie à l'économie. Même dans cette visite au Nigéria, qui témoigne d'une tentative française de se défaire de l'endiguement de son influence à l'intérieur des frontières de l'Afrique francophone.
LA CROATIE L'EMPORTE À LA ROULETTE RUSSE
C'est à l'issue de la terrible séance des tirs au but que la Croatie se qualifie pour la demi-finale - Les hommes de Zlatko Dalić affronteront l'Angleterre
Le Point |
Guillaume Paret |
Publication 07/07/2018
La Croatie est en demi-finale de la Coupe du monde ! Auteurs d'un parcours époustouflant dans ce Mondial, les Croates ont validé leur ticket pour le dernier carré de la compétition pour la deuxième fois de leur histoire. Vingt ans après sa troisième place en 1998, la Croatie aspire à retrouver le goût de la gloire. Et comment ne pas y croire avec la génération si talentueuse des Modrić, Rakitić et Mandzukić. L'équipe au damier est parvenue à franchir la montagne russe au terme d'une séance de tirs au but sous pression. Dernier tireur croate, Ivan Rakitić ne tremble pas au moment d'inscrire le tir au but décisif et prend Akinfeïev à contre-pied pour offrir la victoire aux siens ! Les Vatreni affronteront l'Angleterre mercredi prochain à 20 heures.
Plus tôt dans la rencontre, c'est les Russes qui ouvrent les hostilités grâce à un but exceptionnel de Denis Cheryshev. Le milieu de terrain de Villarreal, bien servi dans l'axe par Dziouba, élimine un défenseur croate sur son contrôle pour se mettre sur son pied gauche avant d'enrouler une frappe magnifique dans la lucarne, laissant le portier croate impuissant. 1-0 pour la Russie ! Denis Cheryshev signe là son quatrième but dans la compétition, seul Oleg Salenko a fait mieux sur une édition de la Coupe du monde pour la Russie (6 en 1994). Toutefois, peu de temps après ce but, les Croates réagissent. À la 39e minute de jeu, Mandžukić, lancé dans la profondeur côté gauche après un mauvais alignement de la défense russe, parvient à servir en retrait Andrej Kramarić qui trompe Akinfeïev de la tête. 1-1 entre la Russie et la Croatie. L'attaquant d'Hoffenheim est le 7e joueur différent à marquer pour la Croatie lors de cette Coupe du monde 2018. Seule la Belgique fait mieux (9). En seconde période, les Croates tentent de destabiliser et d'épuiser la sélection russe, en vain. La Croatie se heurte à une défense de fer, ne parvient pas à trouver la faille et doit jouer les prolongations.
Dès l'entame de la prolongation, les Croates reprennent le jeu en main et réussissent à prendre l'avantage en premier ! Sur un corner frappé par Modrić, Vida s'élève au-dessus de la défense russe pour reprendre de la tête et tromper Igor Akinfeïev. Le défenseur croate redonne l'avantage à son équipe. Mais, en toute fin de rencontre, la Russie parvient à égaliser sur coup franc ! Dans les six mètres, Mário Fernandes décroise parfaitement sa tête pour loger le ballon au fond des filets de Subasić ! Le défenseur central du CSKA Moscou redonne espoir à tout un peuple. Mais Ivan Rakitić met fin au rêve russe en inscrivant l'ultime tir au but de la rencontre.
Pays hôte de cette édition 2018, la Russie s'incline face à une séduisante équipe croate. Malgré cette défaite, la Sbornaïa a créé la surprise en atteignant les quarts de finale et peut considérer avoir réussi son tournoi.
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LAMB, L'ACTU BRÛLANTE PAR KHADIM SAMB
EXCLUSIF SENEPLUS - AFRICAN TIME - La chronique hebdomadaire diffusée en wolof tous les week-end à New-York
L'actualité de la semaine vue par Pape Ndao, à travers sa chronique hebdomadaire, au micro d'African Time, partenaire de SenePlus à New-York.
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LA RÉPLIQUE DES AVOCATS DE L'ÉTAT
Le document brandi comme étant l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO est "un extrait du plumitif’’ non signé par des juges, ont indiqué, samedi, les conseils de l'Etat du Sénégal, dans l'affaire Khalifa Sall
Le document brandi comme étant l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO est "un extrait du plumitif’’ non signé par des juges, a indiqué, samedi, Me Moussa Félix Sow, avocat de l’Etat sénégalais dans l’affaire Khalifa Sall, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats.
’’Le document qui est brandi comme étant l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO, est en réalité, un extrait du plumitif qui n’est signé par aucun des juges qui sont censés avoir rendu [l’arrêt]’’, a-t-il déclaré, au nom du Collectif des avocats de l’Etat sur l’affaire Khalifa Sall et Cie lors d’un point de presse.
Le maire de la ville de Dakar et ses co-prévenus ont été condamnés à 5 ans d’emprisonnement ferme et une amende de 5 millions pour faux et usage de faux et escroquerie portant sur des deniers publics.
’’Il faut préciser que jusqu’à présent, cette décision n’est pas toujours disponible, bien que commentée et interprétée depuis une semaine’’, a martelé l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats. Le document ne donne, selon lui, "aucune indication sur les arguments et les motivations ayant été retenus par les juges et ne permet pas, sans extrapolation hasardeuse, aucune analyse critique, ni aucune décision hâtive’’.
’’En attendant de recevoir la notification de la décision rendue, nous pouvons prendre connaissance du dispositif certifié conforme par le greffe de la cour circulant sous le manteau dans la ville de Dakar’’, a-t-il fait savoir.
Me Sow a assuré que l’Etat du Sénégal reste respectueux de toutes les décisions des juridictions nationales, régionales comme internationales, quelle que soit la personne concernée.
Il a rappelé que l’affaire Khalifa Sall et Cie n’avait rien avoir avec un procès politique, mais est plutôt un dossier portant sur des deniers publics ’’utilisés frauduleusement’’. Il a à cet effet demandé aux uns et aux autres d’éviter de faire des interprétations susceptibles de déformer la décision de la CEDEAO.
’’Pour l’instant, la décision n’est pas encore disponible. Nous avons expliqué dans un communiqué, que le Sénégal est un Etat de droit et par ailleurs respectueux des décisions de la Cour régionale’’, a pour sa part souligné l’agent judiciaire de l’Etat, Me Mamadou Bitèye. Par prudence, a-t-il recommandé, il serait plus sage d’avoir des décisions avant d’aborder des aspects les concernant.
’’Que ça soit au plan national ou international, il est arrivé à plusieurs reprises, qu’on essaie de faire dire aux décisions, ce qu’elles n’ont pas dit’’, a-t-il regretté.
La Cour de justice de la CEDEAO, juridiction communautaire statuant sur des questions relatives aux droits de l’homme, a rendu une décision le 29 juin dernier dans l’affaire opposant l’Etat du Sénégal à Khalifa Ababacar Sall et Cie.
Cette décision fait suite à la saisine de cette juridiction régionale par les prévenus Khalifa Sall et Cie pour des cas de violations de l’homme dont ils auraient été victimes dans le cadre des poursuites initiées à leur encontre relativement à la gestion de la caisse d’avance de la ville de Dakar.
La sortie des avocats de l’Etat survient au lendemain de celle des avocats de Khalifa Sall dont le procès en appel se tiendra à partir de ce lundi. Les conseils du maire de Dakar estiment que la décision de la juridiction communautaire a répondu à leurs huit demandes, en jugeant notamment que leur client était victime d’’’une détention arbitraire’’, ce qui induit sa ’’libération immédiate et sans délai’’.