«Les envois des émigrés représentent 9,50 % du PIB national»
SORY KABA, ADMINISTRATEUR FONDS D'APPUI A L'INVESTISSEMENT DES SENEGALAIS DE L'EXTERIEUR

L'Etat du sénégalais de plus en plus conscient que le premier bailleur de l'Afrique, c'est l'Africain, notamment les émigrés, tente de solutionner les difficultés dont sont confrontés nos compatriotes basés à l'Extérieur. D'où la volonté des nouvelles autorités de «dépolitiser» le fonds d'appui à l'investissement des sénégalais de l'Extérieur. D'autres mesures comme la transformation du décret présidentiel, seul habilité à délimiter les périmètres communales, à une loi dans le code des collectivités locales, à la création d'une nouvelle stratégie pour mieux absorber les fonds transférés par les émigrés, sont envisagées.
«Le volet investissement occupe une place prioritaire au sein du ministère des sénégalais de l’Extérieur». Dixit, Sory Kaba, administrateur du fonds d’appui à l’investissement des sénégalais (Faise) qui confirme d’ailleurs que les Sénégalais établis à l’Extérieur constituent les premiers bailleurs de l’Etat en termes d’investissement direct étranger.
Chiffre de 2011 à l’appui, il confie que leurs «envois représentaient 9,50 % du PIB national. Soient plus de 643 milliards par an, alors que l’aide publique au développement (Apd) était en deçà de 7% du PIB».
Au sein du département des Sénégalais de l’Extérieur, une étude est lancée sur les créneaux porteurs via la stratégie de croissance accélérée et la politique de développement économique et sociale.
L’autre étude, c’est de déterminer le niveau d’implication des sénégalais de l’Extérieur dans le développement économique et social
Le FAISE qui s’élève à 320 millions, devrait passer à 2 milliards d’ici la fin de l’année, confie M. Kaba qui précise que le Chef de l’Etat a donné son «engagement dans ce sens».
Quid de la récurrence du problème foncier qui freine l’enthousiasme des migrants désireux d’investir dans l’agriculture ? Sory Kaka livre la stratégie entreprise par le département des Sénégalais de l’Extérieur pour y remédier. Notamment la signature d’un accord avec le ministère de l’Agriculture. Précisément l’Anida (agence nationale pour l’insertion et le développement agricole) qui a une vocation à aménager les terres et insidieusement avec l’agence nationale de l’aquaculture (Ana).
Selon lui, Macky Sall «a demandé que 25 % des terres aménagées soient réservées à des Sénégalais de l’Extérieur».
L’enjeu entre la migration et le développement local
«Si nous voulons obtenir un impact réel de l’émigration, il faut impliquer les collectivités locales. Autant en amont qu’en aval. Les collectivités locales doivent comprennent que les terres ne doivent pas être exclusivement réservées aux nationaux». C’est la conviction de Sory Kaba.
Deuxièmement, renseigne-t-il, «qu’elles jouent leur partition en termes de mobilisation des acteurs. Les acteurs d’ici et ceux de là-bas».
Troisièmement, «qu’elles créent les conditions d’investissement au niveau local. La coopération décentralisée est devenue par excellence, un domaine des sénégalais de l’Extérieur. Pas une seule commune française, en tout cas, n’acceptera de ratifier, une convention de partenariat avec une commune sénégalaise, s’il n’y a pas un bon nombre de Sénégalais dans sa commune», fait-il remarquer.
Quid des taxes ? Vers la révision du code de l’investissement
«Nous sommes en train de faire porter à notre ministre (Seynabou Gaye Touré, Ndlr) un projet de loi allant dans le sens de la révision du code des investissements afin de donner une part beaucoup plus importante aux Sénégalais de l’Extérieur, à l’instar des pays comme le Maroc», confie M. Sory Kaba. Et d’ajouter : «le Marocain de l’Etranger, avant de réaliser un investissement de prestige, investit dans l’agriculture systématiquement. Parce que tout est gratuit pour lui. Même la terre. C’est un investissement incitatif».
«Le Sénégal doit pouvoir s’inspirer de la pratique marocaine pour créer les conditions incitatives d’investissement. Sous ce rapport, il n’y a que le code de l’investissement qui peut nous aider parce qu’il lie l’investisseur au territoire sénégalais», dira-t-il.
«Le Sénégalais de l’Extérieur doit donc avoir une place plus importante dans le code de l’investissement. Qu’il ne s’agisse plus d’un passage exigé à l’Apix. Il faut que le sénégalais de l’Extérieur ait la part belle dans le code d’investissement sans aucune taxe. Nous allons porter cette proposition pour corriger le code de l’investissement», a-t-il indiqué.
SATURATION DU PERIMETRE COMMUNAL - Banalisation du décret présidentiel comme solution
«C'est un sérieux problème, admet l'administrateur du FAISE, Sory Kaba. Mais on n'y peut rien. La commune grandie alors que la communauté rurale reste telle qu'elle. Il y a un fort taux d'urbanisation au Sénégal dû à un fort taux d'exode rural».
«Or, fait-il remarquer, si la commune grandie, la communauté rurale devrait perdre de son territoire. Seul le président de la République peut prendre un décret d'extension d'une commune». A Louga, on n'attend que ça.
Mais pour M. Kaba, «la solution, c'est la banalisation du décret présidentiel afin de permettre aux Communes et Communautés rurales, dans le cadre des concertations régionales, de trouver un bon compromis».
«Il faut passer d'un décret présidentiel pour délimiter les périmètres à une disposition du code des collectivités locales, qui, par le truchement des différentes collectivités locales et de dialogue entre les territoires, qu'on comprenne les défis et les enjeux et qu'on situe les responsabilités», précise-t-il.
«Si on ne le fait pas et qu'on continue d'attendre le décret du président de la République, toutes les communes vont finir par ruer sur les brancards. Ça ne nous arrange pas», relève-t-il.
ETABLISSEMENT D'UNE RELATION DE CONFIANCE AVEC LES MIGRANTS - Dépolitisation et accessibilité du FAISE
«La première mesure va consister à faire en sorte que le fonds soit accessible à tout sénégalais de l’Extérieur, pourvu que ton projet soit bancable. La confiance passe par ça. On a choisi de changer les paradigmes parce que reconnait M. Kaba, le fonds était politisé». Qu’est ce qui le garantit ? «Parce qu’aujourd’hui, tout sénégalais de l’Extérieur qui dépose son projet bancable, il sera financé pour autant que nous le pourrons. Nous n’allons pas essayer de demander quelle est cette personne qui se cache derrière ce projet. La seule chose qui nous intéresse, c’est sa pertinence. Son impact dans sa famille directe».
Mieux ajoute-t-il pour le prouver : «sur le plan de la communication, nous allons essayer de créer une interface entre les sénégalais de l’Extérieur et nous, à travers un carrefour d’échange. Virtuel, certes ! Mais au moins très vivant. Ce qui nous permettra de mettre en ligne tout ce que nous faisons. Et qui va nous permettre de recueillir tous leurs avis et suggestions par rapport à la manière dont nous devons dérouler la politique nationale les concernant».
«Cette démarche va rétablir la confiance entre les sénégalais de l’Extérieur et nous. L’accès au fonds sera lié, je le répète à la pertinence du projet, à sa «bancabilité». Nous n’allons pas flanché sur ce domaine là».
Et pour cause ! «Il n’y a pas un créneau plus porteur que les remises de fonds. Imaginez 600 milliards qui passent par western union, money gram, par la poste, laissent des traces. Les frais d’envoi représentent 10%», fait remarquer l’administrateur du Faise.
«Nous sommes en train de développer notre propre stratégie qui va nous permettre d’avoir notre propre système de transfert d’argent entre sénégalais de l’Extérieur et ceux de l’intérieur. Ce projet sera d’ailleurs porter par eux. Nous ne ferons que proposer», ajoute-t-il.