35 ANS D’INSPIRATION CRÉATIVE
KALIDOU KASSÉ, ARTISTE PLASTICIEN
Cartonnier, peintre, lissier et sculpteur, Kalidou Kassé s’est résolument inscrit dans une perspective de légitimation de l’art africain contemporain. Ce, après 35 ans de parcours artistique qui sera célébré du 19 au 21 novembre à Dakar.
S’il y a bien un trait de caractère et une philosophie qui caractérisent à la fois Kalidou Kassé et sa trajectoire artistique, c’est bien l’Humanisme. Sur initiative du groupe Sense events (qui réunit des personnalités du monde l’art), l’artiste peintre Kalidou Kassé sera célébré du 19 au 21 novembre prochains.
L’événement va coïncider avec ses 35 ans de parcours artistique. Pour les organisateurs, le but est d’honorer une personnalité du monde de l’art qui a beaucoup fait et qui mérite une reconnaissance.
Cette gratitude lui a été témoigné par le magazine New African, qui, dans son n°41 (Janvier-février), a classé l’artiste sénégalais parmi les « 100 Africains influents ». Directeur fondateur de la galerie les «Ateliers du Sahel», président du Comité sénégalais de l’Association internationale des arts plastiques, délégué auprès de l’Unesco, M. Kassé est aussi fondateur de la première école des arts visuels du Sénégal (Taggat) basée à Dakar.
Pour lui, c’est 35 ans de carrière synonyme d’assagissement, de recherche et de parcours. « C’est une trajectoire où on a des obstacles, des victoires et des déceptions », nous a-t-il confié lors d’un entretien. Il se réjouit d’avoir englobé beaucoup d’expériences.
Depuis sa sortie aux Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès (Msad), il a continué son chemin en tant qu’artiste jusqu’à l’ouverture de la galerie « Les artistes réunis », la première galerie privée ouverte et tenue par des artistes. Depuis, c’est l’ouverture de l’école des arts visuels « Taggat ».
C’est aussi 35 ans de parcours dans le social en collaborant avec des premières dames comme Elisabeth Diouf, Viviane Wade. Cela lui a également permis de côtoyer beaucoup de chefs d’Etat à travers le monde. « Le social, c’est pour aider les populations dans la détresse », justifie le peintre avec cette pudeur empreinte d’humanisme.
Sa conception de l’art : « Nouer des rapports et dénouer des conflits ». La célébration des 35 ans de carrière de M. Kassé, c’est également une pensée pour le défunt critique d’art Iba Ndiaye Diadji. En fin observateur, il est venu plusieurs fois à son atelier pour voir ses œuvres et c’est de là qu’il l’a surnommé « Le pinceau du Sahel ».
La condition humaine est un des thèmes qui revient dans l’écriture plastique de Kalidou Kassé. « J’ai toujours eu, depuis mon tendre enfance, une affection pour les jeunes « talibés » (apprenants du Coran) qui venaient à la maison familiale.
J’ai été toujours frappé par le sort des tout-petits », confie l’artiste plasticien. Il se souvient qu’à sept ans déjà, il était très attentionné par le jeune « talibé » qui venait chercher la nourriture. Il voyait ces bouts de bois de Dieu le soir, seul dans le froid ou la chaleur toujours à la quête de l’aumône.
Après de 35 ans de présence sur la scène des arts visuels au Sénégal, le pinceau du Sahel se souvient de la période du président Léopold Senghor où c’était de l’art pour l’art. Seulement, dit-il, le monde a changé avec des courants positif et négatif. Maintenant, c’est à l’artiste de jouer sa partition car l’art a évolué dans ses appellations.
Maintenant, on parle d’art contemporain. « Cela sous-entend que le créateur doit pouvoir décrypter les enjeux du monde qui l’entoure pour pouvoir jouer son rôle comme élément de la société », observe M. Kassé.
Au regard du peintre, « il est important que les artistes puissent discourir sur les questions de santé, de sécurité et de gouvernance », estime Kalidou Kassé, soulignant qu’en tant qu’acteur de la société, il ne s’est jamais départi de cette ligne pour apporter des solutions. C’est dans ce cadre qu’il est ambassadeur de la Croix-Rouge, membre du Village d’enfants SOS.
Dans un livre intitulé « Kalidou Kassé : peintures, Expériences de la forme » publié aux éditions Amalion et qui sera présenté en novembre, le sociologue Jean Bernard Ouédraogo retrace le cursus de l’artiste avec une analyse très poussée de sa démarche picturale. Dans cet ouvrage, le directeur de recherche au Cnrs en France estime que « l’itinéraire de M. Kassé est le fruit d’une trajectoire faite de rencontres, d’imitation et d’une succession de d’apprentissages » (...).
Identité esthétique
Loin de s’enfermer dans des codes esthétiques, le pinceau du Sahel confie dans le livre:«(...)Je ne veux pas être figé dans le style, dans une technique, une forme d’expression, parce qu’à chaque étape de ma vie j’essaie d’exprimer ce que je vis (...) ».
L’artiste demeure convaincu qu’il n’est pas obligé de rester confiné à une école particulière. D’où ce besoin de bouger selon sa sensibilité. Et cette citation de Saint-Exupéry est bien à propos : « Prendre conscience, c’est d’abord acquérir un style ». Sur le plan de l’identité esthétique, Kalidou Kassé explique qu’il a voulu sur le plan plastique, technique, sortir des sentiers battus. « (...)
Il fallait opérer une rupture par rapport au dessin, à la forme traditionnelle que les gens utilisaient (... ) », dit-il, soulignant qu’« au lieu de sortir une tête ronde, d’habitude contrastée, j’ai dit non. Il fallait changer totalement pour amener autre chose dans la démarche en faisant une coupure sur les formes des têtes de ce personnage, de cette femme pour créer autre chose ».
Pour le sociologue, « on remarque un désir constant du changement, une volonté d’évoluer vers de nouvelles manières de faire la peinture, d’organiser un espace esthétique original. En témoigne cette œuvre « La pensée » qui date de 1994, faite d’acrylique sur toile. Pour sa part, le critique d’art Alioune Badiane juge que M. Kassé est un artiste qui aime son travail et il le fait avec beaucoup de bonne volonté. C’est ce qui fait, d’après l’ancien directeur des arts, qu’il obtient de bons résultats.
Et cela donne des expositions un peu partout dans le monde. Que ce soit à Blaise Senghor, à la Galerie nationale d’art, à New York, à Casablanca, à Berlin, à Vancouver (Canada), à Ryad, à Paris, à Cabildo en Argentine, etc., les œuvres de Kalidou Kassé ont toujours participé au rayonnement culturel du Sénégal sur la scène internationale.
Evoquant la particularité du travail picturale de Kassé, A. Badiane voit en lui un peintre qui s’exprime avec la couleur. « Il y va carrément avec un maximum de contrastes, de couleurs dans la palette », analyse le critique d’art relevant qu’il ne fait pas dans la nuance. Sur la même ligne, Alioune Badiane salue la « grande générosité » de l’artiste envers les jeunes.
... Un parcours artistique revisité du 19 au 21 novembre
La célébration des 35 ans de parcours artistique du peintre Kalidou Kassé sera rythmée par un programme qui s’articule autour de trois concepts qui se dérouleront sur trois jours, et à plusieurs endroits : la journée du jeudi 19 novembre sera consacrée à « L’art au service du social » ; le vendredi 20, ce sera la cérémonie officielle avec le vernissage de l’exposition des œuvres de Kalidou Kassé (tapisseries, installations, tableaux et dessins) au Musée Théodore Monod.
« Ce sera l’occasion de présenter des œuvres inédites avec un travail entamé depuis deux ans. A l’occasion, M. Kassé a pris du recul pour se concentrer sur ce projet. « Ce sera le reflet d’une nouvelle démarche artistique, somme des 35 ans d’expérience acquise symbolisés à travers des œuvres majeures très dépouillées après la maîtrise des matériaux, formes et traits pour aller à l’essentiel », promet le pinceau du Sahel.
Il y aura également des dessins. L’exposition sera marquée par la sortie du prochain livre sur Kalidou écrit par le sociologue et critique d’art Jean-Bernard Ouédraogo : « Kalidou Kassé, peintures, Expériences de la forme » disponible à Paris et Hong Kong. Ce sera également la projection en continu de films documentaires sur le peintre.
Au troisième et dernier jour de cette célébration, une conférence internationale sur « l’art et l’économie » pour voir l’apport de la culture dans l’économie au moment où l’on parle d’économie créative. Le clou des festivités sera la cérémonie de la quatrième édition des Palettes d’art. Pour le journaliste Moustapha Guèye, membre du Comité d’organisation, Kalidou Kassé est une icône qui a révolutionné l’art sénégalais postcolonial.
D’après lui, il ne faut pas laisser l’initiative aux autres pour le célébrer. « Avec cette reconnaissance officielle, ce sera l’occasion de s’arrêter et de rembobiner le film de sa vie sur 35 ans car, argue M. Guèye, il a partout porté haut les couleurs du Sénégal ».
Pour la présidente du Comité d’organisation, Mme N. Anta Sow Camara (Sense Group), « c’est un rêve, un souhait de voir cet hommage rendu de son vivant à Kalidou Kassé, un homme qui rassemble les gens ».
Selon elle, ce sera un moment de conscientiser les populations pour une reconnaissance des artistes. Et avec le thème de la conférence internationale, « Art et économie », il s’agira, dit-elle, de « faire la promotion de la destination Sénégal pour attirer les collectionneurs, amateurs d’art ».
Des sommités internationales participeront à la manifestation. Ce sera également l’occasion de remercier nos amis collectionneurs, particulièrement Abdou Fatah Diagne, ancien directeur général du Holding Kébé, qui est le premier à nous mettre dans les dispositions de travailler.