CES MAUX QUI PLOMBENT LA GRANDE MURAILLE VERTE
BAISSE DE FINANCEMENT, MANQUE D’EAU, ABSENCE DE MAIN D’ŒUVRE ET ENCLAVEMENT
La Grande muraille verte, un projet d’édification d’une ceinture verte pour le Sahara et le Sahel de Dakar à Djibouti. Développé par l'Union africaine la Grande muraille verte est une initiative qui a pour but d’affronter les effets préjudiciables tant socio-économiques qu'environnementaux de la dégradation des terres et de la désertification dans le Sahara et le Sahel. Au Sénégal, où son démarrage est effectif depuis plusieurs années avec la plantation d’arbres dans les zones (presque) désertiques du pays, la Grande muraille verte est en proie à plusieurs difficultés. La baisse de financement, le manque d’eau et l’absence de main d’œuvre sont des problèmes qui entravent la mise en œuvre de la Grande muraille verte.
La Grande muraille verte, un projet de chefs d’Etat africains visant à reboiser les surfaces désertes dans plusieurs pays du sahel et du Sahara, est dans sa phase active au Sénégal. Cependant sa mise en œuvre est entravée par plusieurs facteurs. Selon le directeur technique de l’Agence nationale de la Grande muraille verte, colonel Pape Sarr, le projet est en proie à une baisse du budget de fonctionnement. « L’Etat du Sénégal est le principal bailleur. Dans les premières années, 1 milliard de F Cfa était injecté dans les activités. Pour cette année 2015, seuls 700 millions sont disponibles pour le financement», soutient-il.
La somme débloquée par le gouvernement est en baisse depuis 2008 où elle est descendue à la barres des 800 millions de F Cfa, ajoute le colonel Pape Sarr. Cependant, le directeur technique de la Grande muraille verte garde l’espoir quant à un changement de la situation car le budget de l’Etat ne saurait suffire. Ainsi donc des bailleurs ont promis leurs soutiens à partir de l’année 2016. C’est ainsi qu’il est attendu 1,5 milliard de F Cfa du Projet pour le développement inclusif et durable de l'agrobusiness au Sénégal (Pdidas). La somme vise à financer cinq années d’activité. Une contribution du Fonds des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture du mécanisme mondiale et de l’Union économique et monétaire Ouest africain (Uemoa) est aussi espérée.
1,5 MILLIARD A MOBILISER CHAQUE ANNEE
Ce n’est pas que l’argent qui fait qui fait défaut pour la bonne conduite des activités de ce programme au niveau national. Le manque d’eau constitue aussi un fardeau au niveau des sites de la Grande muraille verte. La pluviométrie dans les sites de reboisement est faible et varie entre 100 et 400 millimètres par an. Elle dure entre 4 et 5 semaines. Or, les activités de reboisement ne sont possibles que durant cette période, indique le directeur de l’Agence de la Grande muraille verte, le colonel Pape Waly Ndiaye. S’agissant toujours du manque d’eau, le directeur technique de la Grande muraille verte, le colonel Pape Sarr relève que la nappe hydrique dans la zone se trouve à 230 mètres du sol. Ainsi, la ressource en eau ne peut être tirée que par les forages. Cependant, ceux (forages) existants sont distants de 30 km et ne sont destinés qu’à l’alimentation du bétail. La protection des surfaces reboisées est également chère, ce qui empêche un suivi correct des plants. Selon le colonel Pape Sarr, pour une bonne marche de la grande muraille verte 1,5 milliard de F Cfa doit être mobilisé chaque année.
FAIBLE IMPLICATION DE LA POPULATION LOCALE
L’implication de la population autochtone dans la mise en œuvre de la Grande muraille verte est faible du fait de la transhumance. Les habitants des sites concernés par le projet, composés en majorité d’éleveurs, se déplacent avec leur bétail vers d’autres zones pendant la saison sèche et ne reviennent qu’après l’installation de l’hivernage. Néanmoins, le directeur de l’Agence nationale de la Grande muraille verte au Sénégal, le colonel Pape Waly Ndiaye mise sur la sensibilisation pour que l’implication des autochtones soit beaucoup plus accrue.
Pour sa part, le directeur technique, colonel Pape Sarr, espère qu’avec les retombées du projet, les bénéficiaires seront beaucoup plus conscients de l’importance de la muraille dans leur quotidien. En guise d’exemple, soutient-il, «en période de soudure, seules les parcelles clôturées ont des réserves fourragères, ce qui constitue une source de motivation».
Selon le directeur de l’Agence nationale de la Grande muraille verte, colonel Pape Waly Ndiaye, le projet a contribué à la stabilisation de l’effectif scolaire dans la zone de Widou Thiengoly. Les classes qui étaient jadis fermées ou qui avaient 10 élèves sont maintenant à 27 pensionnaires. Les familles tirent profit des réserves fourragères et les recettes tirées des activités de la Grande muraille verte permettent de prendre en charge les cantines scolaires. Les surfaces reboisées sont ouvertes après 3 ou 4 années de vie. Elles servent ainsi de lieux de pâturage.
LA MURAILLE VERTE, UN GAGNE PAIN POUR LES JEUNES
Même si la participation de la population locale n’est pas grande, des jeunes tirent profit des activités de la Grande muraille verte. Au moment où les participants étrangers ne sont pas rémunérés, les habitants de la localité gagnent 55.000 F Cfa pour leur engagement. Ils travaillent pendant le mois d’août. «Le projet nous permet de couvrir nos besoins pendant les vacances et préparer la rentrée scolaire», soutient Ndeye Anta Niang, élève en classe de 3ème au Collège d’enseignement moyen (Cem) de Mbeuleukhé.
Pour Mamadou Dia, éleveur et habitant Widou Thiengoly ses activités dans le projet lui permettent de subvenir à ses besoins. 55.000 F Cfa est une somme qu’Astel Sow n’a jamais empoché. Cette année, son travail lui permettra d’avoir les moyens d’acheter quelques moutons, soutient-elle.
A l’image de Ndeye Anta, nombreux sont les élèves du Cem de Mbeuleukhé qui se sont engagés dans la campagne de reboisement. «Les activités que j’exerce me permettent d’assurer mes propres dépenses. Nous sommes en vacances et j’ai du temps libre. Si ce n’était pas la campagne de reboisement je resterai dans l’oisiveté», dit Ifra Sow, élève en classe de 2e L.
Son camarade de classe, Kalidou Sow, quant à lui, est d’avis que les jeunes de la localité doivent s’impliquer davantage dans le reboisement du fait de l’avancée de la désertification. «Avec la rareté des pluies, il est nécessaire que nous nous impliquons dans le reboisement pour lutter contre la désertification. En plus de ce que nous y gagnons cela nous permet de servir notre pays» dit-il.
UNE RECONSTRUCTION DE L’ECOSYSTEME NOTEE
Pour cette campagne de reboisement de la Grande muraille verte, 1500 jeunes vont participer dans les activités. Ils viennent de Kaolack, Tendouck et Kolda. Des jeunes seront aussi déployés dans les sites de reboisement par le ministère de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Construction citoyenne. Parmi ceux qui participent aux activités de la Grande muraille verte, il y a également des ressortissants français. Le lycéen Hugues Latopski justifie sa présence à Widou Thiengoly par la production d’un rapport sur l’impact de Grande muraille verte dans le quotidien des populations de la zone. Il travaille pour le Centre national de recherche scientifique (Cnrs) basé à Paris.
Selon le professeur d’Ecologie à la Faculté des sciences et techniques (Fst) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Aliou Guissé, dans les zones reboisées, en plus de l’apparition de nouvelles espèces, il y a une régénération naturelle. Mieux, la masse de graminées devient beaucoup plus importante. Le professeur Aliou Guissé d’ajouter, par ailleurs, que certaines espèces en disparation sont réapparus. En outre, il explique que les insectes qui arrivent sont mangés par les souris. Ces dernières sont dévorées par des carnivores. La chaine trophique est ainsi reconstruite. Cela crée une richesse aussi bien sur la faune que la flore, conclut-il.
1.720.000 PLANTES A REBOISER
En tout, 1.720.000 plantes ont été produites cette année dans les sites du tracé. Ils sont répartis entre Sakal, Mbarou Toubab, Labgar, Koely Alpha, Widou, Tésé Kéré et Lougéré Thioly. A l’instar des années précédentes, l’objectif des responsables de la Grande muraille verte est de reboiser 5000 hectares. Depuis le début du projet en 2008, 30.000 hectares et 15.000 autres hectares de mise en défense ont été reboisés. La mise en défense consiste à faire des plants à l’intérieur des champs dans les zones agricoles et le renforcement de la végétation existante dans les sites peu dégradés. Les régions de Louga, Tambacounda et Matam sont concernés par le projet qui passe par 16 communes. La mise en œuvre a commencé en 2008 par le reboisement du site de Tésé Kéré. Il s’en est suivi Lougéré Thioly et Labgar en 2009. Le projet est étendu en 2010 à Mbarou Toubab dans la commune de Syer puis à Mboula en 2012 et Sakal en 2013.
En somme, 127 km ont été déjà reboisés sur les 545 kilomètres à replanter par le Sénégal. En plus du reboisement, des jardins polyvalents villageois de 5 hectares sont mis à la disposition des femmes pour le développement d’activités maraichères et horticoles. Une réserve naturelle communautaire est aussi prévue à Koely Alpha. Le site est déjà identifié et clôturé, annonce le directeur technique de la Grande muraille verte, le colonel Pape Sarr.
PRESENTATION DE LA GRANDE MURAILLE VERTE : Quand l’Afrique décide de barrer la route au désert
La Grande muraille verte, ou Initiative Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel, est un projet développé par l'Union africaine pour affronter les effets préjudiciables de la dégradation des terres et de la désertification dans le Sahara et le Sahel. L'idée d'une muraille verte est apparue en 2002 lors du Sommet spécial tenu à N'djamena, au Tchad, à l'occasion de la Journée mondiale pour combattre la désertification et la sècheresse. Cette idée fut approuvée lors de la septième session de la Conférence des chefs d’Etats et de gouvernements africains de la Communauté des États sahélo-sahariens à Ouagadougou, au Burkina Faso, les 1er et 2 juin 2005.
Depuis lors, le concept de Grande muraille verte a fortement évolué. Les leçons tirées du barrage vert algérien ou de la muraille verte chinoise ont permis de mieux comprendre le besoin d'une approche multisectorielle pour des résultats durables. C’est alors qu’une initiative de plantation d'arbres a vu le jour et la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel est donc devenue un outil de programmation du développement. Lors de la 8ème session des chefs d’Etat et de gouvernements africains tenue les 29 et 30 janvier 2007 à Addis-Abeba, en Éthiopie, les chefs d’Etat et de gouvernements africains ont approuvé l'initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel. 11 états sahélo-sahariens sont concernés par le projet. Il s’agit du Burkina Faso, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan et Tchad.