DE LA PROBLÉMATIQUE DU RÉGIME DES JOURS FÉRIÉS ET OU CHÔMÉS ET OU PAYES…
Indissociable de la corrélation travail – productivité, la problématique du régime des jours fériés et ou chômés et ou payés doit être une préoccupation des partenaires sociaux, des pouvoirs publics mais aussi des parlementaires en leur qualité de législateurs.
Ce sont la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974, le Décret 74-1125 du 19 novembre 1974 et la Convention collective nationale interprofessionnelle qui régissent les jours de fête légale, les jours fériés chômés et les jours fériés chômés payés.
Au nombre de quinze, les jours fériés légaux ou jours de fête légale sont déterminés par la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974 modifiée par la Loi n° 83-54 du 18 février 1983 et la Loi n° 89-41 du 26 décembre 1989.
Au sens étymologique, les jours de fête légale ou jours fériés légaux ont juste le caractère de jours fériés mais ne sont pas obligatoirement chômés.
Au demeurant, le législateur sénégalais les a tous déclarés chômés aux termes de l’article 3 de la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974 modifiée. La conséquence en est que le régime des jours de fêtes légales est identique à celui des jours fériés chômés.
Toutefois, sont exclus du champ d’application de cette règle du chômage obligatoire un jour de fête légale, les établissements et services dont le fonctionnement ne peut être interrompu pour des raisons techniques inhérentes à la nature du travail.
L’autre spécificité de la législation nationale en la matière est que les salaires des travailleurs rémunérés au mois ne subissent pas de réduction au cas où ces derniers ne travaillent pas les jours de fête légale chômée conformément à l’article 9 du décret n° 74-1125 du 19 novembre 1974.
Par contre, le travail par les travailleurs rémunérés au mois ou à l’heure d’un jour férié chômé dans la limite de la durée légale de travail n’ouvre pas droit à une majoration particulière des heures travaillées. Aussi, le non travail d’un jour férié chômé n’ouvre pas droit à un salaire pour les travailleurs rémunérés à l’heure.
Certaines journées sont assimilables aux jours de fête légale. Il s’agit :
- des lendemains de korité et de tabaski lorsque ces dernières tombent un dimanche ;
- des journées situées entre une fête légale et un dimanche ou au moins accolées à une fête légale et qui sont déclarées ponts et fériées par décret ;
- des journées déclarées fériées sur décision libre de l’employeur.
Quid de la rémunération des jours fériés chômés payés ?
Le non travail durant ces jours n’affecte pas la rémunération des travailleurs rémunérés au mois. En outre, les travailleurs rémunérés à l’heure qui n’ont pas travaillé ce jour ont droit à une indemnité déterminée sur la base de l’horaire de travail et de la répartition de la durée hebdomadaire du travail d’usage dans l’établissement.
Au cas où les jours fériés chômés payés sont travaillés, ces travailleurs rémunérés
à l’heure ainsi que les travailleurs mensuels ont droit, en sus du salaire pour travail effectué, à une indemnité spéciale égale à ce salaire perçu.
Ces jours fériés, chômés et payés sont au nombre de onze dont trois fixés d’autorité par la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974 modifiée. Il s’agit du 4 avril ou fête nationale, de la journée du 1er mai et de la Tamkharit qui fut consacrée par les soins du député Maire de Louga Mansour Ndiaye Bouna avec la Loi n° 83-54 du 18 février 1983.
Historiquement, ces jours fériés chômés payés fixés par la Loi ont été au nombre de quatre de 1983 à 1989, période de la Confédération de la Sénégambie dont la dissolution a justifié la Loi n° 89-41 du 26 décembre 1989 qui a supprimé la fête légale du 1er février.
A ces trois jours, s’ajoutent huit autres dont six sont choisis d’accords parties entre l’employeur et les délégués du personnel et deux par l’employeur.
Il y a lieu de souligner au passage que les agents du service public bénéficient de quatre jours de jours fériés chômés payés de plus que ceux du secteur privé du fait que leur employeur, l’Etat, considère toutes les fêtes légales comme fêtes chômées payées. Et du fait de l’arrimage des activités de certains secteurs au rythme de fonctionnement de l’Administration, cette dernière imprime le ton à une non négligeable frange de l’économie (presse, professions libérales assujetties au fonctionnement de la justice, restauration, transports, économie informelle…).
C’est ce régime des jours fériés et ou chômés et ou payés au Sénégal qui a fait l’objet d’introspection par l’honorable Député Iba Der THIAM dont le hasard a voulu que la publication de sa nomination dans le corps des professeurs agrégés coïncidât avec celle du Décret 74-1125 du 19 novembre 1974 fixant le régime de la fête nationale et du Premier mai et celui des autres fêtes légales (JORS n° 4392 du 7 décembre 1974).
Introspection sous le prisme de la nécessaire mise en adéquation des fêtes légales chômées et payées avec les inéluctables réalités culturelles propres à notre pays.
A défaut de prendre d’impossibles dispositions pour éviter l’emploi et par ricochet le déplacement des travailleurs hors de leurs résidences habituelles pour leur permettre de passer en famille ces fêtes que sont la Tabaski et la Korité bien appréciées par les diagne, niang, ndoye, gaye et mbengue ; à défaut de garantir suffisamment de moyens de transport aux banlieusards à l’occasion du Magal de Touba, il sera prétentieux d’assurer l’assiduité au travail de tous les travailleurs et subséquemment une croissance soutenue et durable consubstantielle à la productivité au travail.
Sous ce rapport, notre pays s’illustre déjà à la trente troisième place des pays ayant le plus grand nombre de jours de jours fériés chômés payés.
Par ailleurs, selon le classement du Doing Business 2013, en octroyant 24 jours de congés payés annuels à ses travailleurs, notre pays fait partie du troisième groupe comprenant 44 économies qui peuvent être considérées comme ayant des réglementations semi-rigides, avec des congés payés annuels se situant entre 22 et 26 jours ouvrables.
Notre cumul annuel de jours de congés payés et de jours fériés chômés payés qui est de trente cinq nous place dans les cinq pays au monde enregistrant le plus de jours vaqués à la charge des employeurs.
Au risque d’affecter négativement la productivité de nos entreprises, la question de faire du lendemain de la Tabaski, jour férié chômé payé, ne saurait donc être envisagée sous un angle parcellaire mais plutôt dans une dynamique qui puisse à la fois concilier notre législation sociale à la compétitivité de notre économie mais aussi nous réconcilier avec nos réalités socioculturelles.
Pour ce faire, dans une perspective ne bouleversant pas substantiellement le régime et le nombre actuels des jours fériés et ou chômés et ou payés, une piste serait de réformer l’article premier de la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974 modifiée dans le sens de consacrer fêtes légales, tous les événements, qui, du fait de leur impact social, pourraient être chômés payés.
Par ailleurs, avec l’onction des employeurs, une refonte de l’article 4 de la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974 modifiée qui attribuerait le caractère de fêtes chômées payées à ces événements pourrait être le second aspect de cette modification par voie législative.
L’aval des employeurs se justifie par le fait que l’article 52 de la Convention collective nationale interprofessionnelle leur confère la prérogative de fixer d’autorité deux des huit autres fêtes légales comme fêtes chômées payées et de choisir d’accords parties avec les délégués du personnel les six autres jours.
En effet, le dialogue social permet déjà à certains employeurs et travailleurs d’atténuer l’impact des lendemains de Tabaski en les déclarant fériés chômés payés et de manière plus globale d’aménager leur temps de travail tout en prenant en compte les impératifs de productivité de leurs entreprises.
C’est cet important pilier du travail décent dont il faut tirer profit pour réaliser les respectives ambitions d’émergence économique et sociale des pouvoirs publics et des populations.
Oumar FALL
Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale
oumarfall8@yahoo.fr