KEUR DIOGOYE, UN PATRIMOINE INCONNU DES SENEGALAIS
DE MAISON FAMILIALE DES SENGHOR A MUSEE

Keur Diogoye. Un nom plein d’histoire. Une villa chargée de symboles surtout, mais pas très connue des Sénégalais. Keur Diogoye, c’est la maison familiale des Senghor. Mais Keur Diogoye reste un patrimoine inconnu des Sénégalais et ignoré par les autorités.
Situé à Joal, dans la région de Mbour, distant de Dakar 110 Km, Keur Diogoye est la maison familiale de Diogoye Basile Senghor, père du défunt premier Président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Cette maison structurée en 3 bâtiments et construite vers les années 1880, est devenu un musée. Elle reste une maison mythique, chargée d’histoire et de symboles.
Dans le bâtiment central, est exposé l’histoire du papa et de la famille Senghor. Dans le second bâtiment se trouvant à gauche, on découvre la vie et le legs de Léopold Sédar. Quant au bâtiment situé sur la droite, ce sont des oeuvres liées à la culture et à la tradition des Sérères qui y sont exposées. Conservateur du musée de Keur Diogoye, Etienne Guirane Dieng informe que c’est quand Léopold Sédar Senghor est venu dans la maison en 1976, pour son 70e anniversaire, qu’il s’est dit que, «vu qu’ils étaient un peu nombreux les héritiers, donc pour ne pas se partager les pierres de la maison du père, il valait mieux faire de la maison un souvenir pour le papa. C’est comme ça que la maison est devenue un musée. Elle est ainsi passée d’une maison familiale à un musée».
Malgré le fait que la maison soit devenue un musée, elle n’est presque pas fréquentée par les Sénégalais. «Des touristes, il y en a un peu qui viennent. Mais du fait certainement de la crise économique, les gens préfèrent aller plutôt sur l’île de Fadiouth. Mais cela dépend aussi des touristes. Il y en a qui sont plus culturels et qui passent ici. Mais le fait est que Keur Diogoye n’est pas très visitée. Les Sénégalais ne viennent presque pas ici», indique le conservateur.
Pour Etienne Guirane Dieng, cette situation découle d’un manque de communication. Pourtant, Keur Diogoye a été classé patrimoine national. «Le travail de communication, ce n’est pas à moi de le faire. Ce que je fais, c’est un travail de mémoire. Le travail de communication ou de publicité, c’est à une échelle beaucoup plus élevée que moi. C’est peut-être la municipalité ou le syndicat d’initiative ou plutôt le ministère de la Culture qui doit se charger de ça. Parce que je dis souvent que la plupart des touristes qui passent par-là, il n’y a que le centième qui visite la maison et je trouve que ce n’est pas normal», fustige-t-il.
Ces touristes qui viennent principalement de Saly, d’après M. Dieng, «le problème qu’ils posent c’est de dire que la visite est un peu longue. Or, pour eux, time is money (le temps de c’est de l’argent), donc ils n’ont pas le temps de se cultiver. Ils ont plutôt le temps de regarder. Et regarder et partir, ce n’est pas la même chose que visiter. Les tours opérateurs aussi, c’est des gens qui cherchent de l’argent et ils n’ont pas assez de temps pour passer 45 minutes à visiter Keur Diogoye. Ils préfèrent aller sur l’île de Fadiouth faire la balade et puis renter chez eux».
Ainsi, la particularité de cette demeure est le fait qu’elle soit classée patrimoine historique national, mais que depuis qu’elle l’a été, rien n’a été fait pour la valoriser. «Je n’ai pas vu, ni entendu que le ministère de la Culture est passé par là ou a fait quelque chose pour la maison. Et c’est vraiment regrettable. Le problème, c’est que quand vous passez au niveau du ministère de la Culture, ils vous disent que la culture est décentralisée et que ce n’est pas de leur ressort. Quand vous allez au niveau de la municipalité, ils vous disent que la maison est classée patrimoine national et ne dépend d’eux. Vous voyez qu’il y a un flou juridique au niveau du statut de ce musée de Keur Diogoye», se désole-til, avant d’ajouter : «Je suis entre le marteau et l’enclume. Je suis là en train de virevolter entre deux autorités différentes ».
CELEBRATION DE LA FRANCOPHONIE - LE MUSEE DE KEUR DIOGOYE PAS ENCORE DANS L’AGENDA
En prélude au sommet de la Francophonie, prévu au mois de novembre à Dakar, les préparatifs vont bon train. Sur le site du Palais des congrès situé à Diamniadio devant accueillir l’événement, les ouvriers sont à pied d'oeuvre. C'est un événement qui va célébrer le président Abdou Diouf, président sortant de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Et en parlant de Francophonie, on pense aussi à Léopold Sédar Senghor, l’un des pères fondateurs de cette organisation.
Sauf que, souligne Etienne Guirane Dieng, non moins administrateur du musée de «Keur Diogoye» de Jaol, à quelques mois de la Francophonie, il n’a pas été contacté pour parler de l’agenda concernant Senghor ou autre chose. Il dit ne peut pas concevoir qu’on parle de Francophonie au
Sénégal sans commencer par feu Senghor. «Quand nous appelons les autorités, on nous dit qu’on a fait des séminaires sur Senghor. Moi, je dis que ce n’est pas ça, Senghor n’a pas besoin de séminaires, il a besoin de culture. Regardez l’état de la maison, moi je dis que ce n’est pas digne de Senghor, ce n’est même pas digne du Sénégal», a-t-il dénoncé.
Ruminant sa colère, il déclare : «Il faut qu’on cesse de parler de politique, il faut parler de la culture. C’est la culture qui nous lie nous tous. Mais la politique nous divise tout simplement. Je ne peux pas concevoir qu’on parle de Senghor et en retour voir l’état de la maison Keur Diogoye, pour moi c’est honteux».
A la question de savoir qu’est-ce qui a été retenu ou prévu pour l’événement concernant Keur Diogoye, il peste : «Je ne sais pas ce qu’ils ont prévu pour la Francophonie. Mais à ma connaissance et jusqu'au moment où je vous parle, je n’ai vu personne qui est venu pour dire qu’on a trouvé
quelque chose pour la maison. Faire des visites à Joal c’est peut-être dans leur calendrier, mais je ne suis pas au courant».