L’AFRIQUE DES LUMIÈRES
ENTRE EUX ET NOUS

Ce Mondial s’achève, où on a eu à montrer la contribution des Noirs dans l’ancrage du football dans le sous-continent sud-américain.
C’était d’autant plus important, dans une compétition jouée au Brésil, que cette discipline, par sa popularité, fait partie des éléments constitutifs de l’identité nationale dans tous ces pays latino-américains.
Mais pouvait-on quitter ce Mondial sans revenir à la terre mère, à l’Afrique des origines ? Car si des étoiles en sont parties, d’autres y ont brillé pour contribuer à la galaxie des étoiles noires du foot.
Président de la Confédération africaine de football (Caf) de 1972 à 1987, premier grand joueur éthiopien, c’est en toute logique qu’on pense à Ydnekatchew Tessema.
Ce dernier incarna, en effet, jusqu’à sa mort, la lutte contre le régime de l’Apartheid en faisant exclure l’Afrique du Sud de la Caf naissante et en obligeant Stanley Rous, Président de la Fifa jusqu’en 1974, à écarter ce pays du football mondial.
Le 8 février 1957, à Khartoum, Tessema faisait partie des fondateurs de la Confédération africaine de football, une instance qui, à ce jour, reste la meilleure manifestation concrète, viable et durable de l’Unité africaine.
En 1972, un des actes forts qu’il posa fut d’envoyer une sélection d’Afrique au Brésil pour la Coupe de l’Indépendance qui célébrait les 150 ans de ce pays. Dans la sélection, figuraient deux Sénégalais : Louis Gomis et Edouard Gnaccadia.
Joueur puis entraîneur et sélectionneur national, avant de devenir dirigeant, Tessema est un des primus inter pares qu’a suivi le Ghanéen Charles Kumi Gyamfi, encore vivant, qui a abandonné sa carrière de footballeur professionnel en Allemagne (Fortuna Düsseldorf) en 1962, pour répondre à l’appel du président Kwame Nkrumah auquel il est resté fidèle comme joueur puis entraîneur du «Black Star» qu’il a conduit à la victoire aux Can de 1963 et1965 d’abord et puis de 1982, quand il a repris du service sous le président Rawlings, disciple de Nkrumah.
Comment ne pas parler de Salif Keïta, premier Ballon d’Or africain en 1970, qui a refusé la nationalité française alors qu’on lui déroulait le tapis rouge. Son départ de Saint-Etienne s’en est suivi.
On pourrait citer d’autres modèles de lutte et de vecteurs de la conscience noire comme Mario Coluna, qui a choisi en 1975 de rentrer au Mozambique appuyer la guérilla du Frelimo (Front de libération du Mozambique) confrontée à l’agression militaire permanente de l’Afrique du Sud de l’Apartheid, alors qu’il aurait pu s’installer au Portugal comme Eusebio en avait fait le choix.
Que dire de Pelé qui, ministre des Sports du président Cardoso de 1994 à 1998, a fait voter la «loi Pelé» qui a permis aux footballeurs du Brésil, dont les Afro-Brésiliens, de pouvoir s’engager où ils le désirent ?
Avant cette loi, les joueurs au Brésil étaient à la merci des clubs sur le plan contractuel.
George Weah aussi mérite d’être cité, lui qui fut candidat à la présidentielle au Liberia contre Mme Ellen Johnson Sirleaf, dans la lignée des sacrifices consentis en faveur de l’équipe du Liberia qu’il a porté à bout de bras à travers l’Afrique.
Ce n’est pas parce que Tessema, Gyamfi, Salif Keïta, Coluna, Weah, N’Jo Léa et autres ne sont pas cités dans un livre spécifique, qu’on peut en conclure que des joueurs de football noirs ou le football n’ont contribué en rien à la prise de conscience de nos peuples. Il faut les honorer.
A propos de Tessema, Gyamfi et autres footballeurs noirs éveilleurs de conscience, les ouvrages de Mahjoub Faouzi, le journal Miroir du Football de l’époque ou les Dvd The History of Soccer sont assez évocateurs de leur apport.
Ils sont nombreux, ces lumières, jusqu’à l’équipe du Sénégal victorieuse des Jeux de l’Amitié à Dakar, en 1963, après avoir battu le 19 avril 1963, en demi-finales, une équipe de France où évoluaient dix (oui 10 !) joueurs de Division 1. Ce sont aussi des lumières.
Dr Oumar Dioume
Ingénieur, Lauréat du Mois de l’histoire des Noirs (Black History Month) en 2003 à Montréal