"L’ORDRE PUBLIC" N’EST PAS CLAIREMENT DÉFINI
LIBERTÉ DE MANIFESTATIONS

Le Pr Abdoulaye Dièye et l’avocat Me Demba Ciré Bathily pensent tous que le concept d’"ordre public" est un "fourretout". D’où tous les problèmes que soulèvent les interdictions de manifestation
Selon le Pr Abdoulaye Dièye, spécialiste du droit administratif à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad, "l’ordre public" est une notion aux contours mal définis.
Ce concept est un fourre-tout, ajoute Me Demba Ciré Bathily, avocat à la Cour. Ils animaient hier une conférence publique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar sur le thème : "Liberté de manifestation à l’épreuve de la préservation de l’ordre public".
Ce débat est initié par la section sénégalaise d’Amnesty international en partenariat avec l’Ucad. L’organisation de ce débat s’explique par les interdictions de manifestation constatées ces derniers temps au Sénégal. "L’ordre public", estime le Pr Dièye, a été défini à travers des éléments classiques comme la sécurité publique, la tranquillité et la salubrité qui sont des éléments mouvants.
"Le droit administratif est souvent présenté comme le droit de la puissance publique. Mais, on se rend aussi compte que c’est un droit de la réconciliation des deux principes contradictoires que sont la liberté de manifestation et la préservation de l’ordre public", a-t-il expliqué. A l’en croire, le droit de manifestation est une liberté garantie par la constitution dans son article 08.
Toutefois, ajoute-t-il, le législateur a déterminé les conditions d’exercice de ce droit constitutionnel et consacré par des lois dont le code pénal et d’autres lois. Il précise tout de même qu’une loi votée ne peut pas être en contradiction avec la constitution. A ce niveau, l’universitaire relève que pour concilier les deux principes que sont la liberté de manifester et la préservation de l’ordre public, le juge a un rôle important à jouer.
"Il faut deux conditions pour interdire une manifestation : d’abord il faut que la menace de l’ordre public soit avérée ; ensuite il faut qu’il soit établi que l’autorité ne dispose pas assez de forces de sécurité pour encadrer la manifestation. Si l’un de ces deux éléments manque, le juge, s’il est saisi, peut dire que l’interdiction n’est pas légale pour défaut de motivation", a fait savoir le Pr Dièye.
Mais, malheureusement, déplore-t-il, le juge est rarement saisi. Pour Me Demba Ciré Bathily, au-delà d’être un droit constitutionnel, la liberté de manifestation est un droit fondamental et sa violation est condamnée.
"On n’a pas besoin de l’autorisation de l’autorité administrative pour manifester comme le pensent certains. C’est juste une déclaration de manifestation qu’on dépose pour permettre aux autorités de prendre toutes les dispositions nécessaires afin d’encadrer la manifestation", a avancé l’avocat.