LA COIFFURE D'ÉPOQUE PERD LA TÊTE
ELEGANCE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

La modernité, c’est comme un cheveu dans la soupe pour les adeptes de la coiffure de grand-mère. Jadis, la technicité s’exprimait dans les nattes. Les mèches étaient tissées avec goût, comme un tissu de grâces sur le chef. Aujourd’hui, les cheveux synthétiques ou naturels charrient une nouvelle culture de la coiffure. D’hier à aujourd’hui, le mythe du cheveu qui chute s’estompe dans le secret des salons.
« DIAMANO COURA », « PUNK », « CORA », « MBEUG », « NDOUNGOU »
La beauté trône sur les « nattes » de grand-mère.
Elles étaient belles, créatives et savaient se mettre en valeur, nos grands-mamans ! Il leur suffisait juste de se faire des nattes « Diamono Coura », «Punk»,«Cora» « Ndoungou »... accessoirisées par un « pésse sa Goro » et... elles étaient toutes « mimi ». De nos jours, la beauté n’a plus la même définition. Etre belle aujourd’hui, c’est avoir une chevelure de rêve, des yeux de biche et des ongles de femme fatale.
Les cheveux représentaient jadis un atout majeur pour la séduction. Au même titre que les bijoux et le maquillage. Nos mamans les assouplissaient avec du beurre de karité, puis les démêlaient à l’aide d’un peigne afro ou en ivoire. Ils étaient ensuite généralement tressés en fines nattes. Nattes collées, tresses horizontales, perpendiculaires ou parallèles en passant par des formes toujours diverses et variées.
En effet, leurs cheveux crépus permettaient une multitude de modèles. La dextérité et l’adresse requises pour l’exécution des tresses relevaient par ailleurs du talent et de l’art. « Je fréquentais une famille griotte et c’est là-bas que j’ai appris les techniques de la tresse. Puis, j’ai commencé à m’appliquer petit à petit. Je faisais toutes sortes de tresses et j’avais beaucoup de clientes.
D’ailleurs, pendant les périodes de fête, je restais des nuits sans dormir, tellement ma maison était pleine de monde », explique « mère » Nogaye Sène, une ancienne tresseuse.
D’après elle, du fait du volume et de la longueur des cheveux, tresser quelqu’un pouvait être un défi ; il suffisait, néanmoins, d’un minimum de technicité pour y parvenir. Et de belles tresses, il en existait à l’époque. Le « Diamono Coura », «Punk», «Ndougou»,«Cora», « Mbeug », étaient en vogue et nos mamans avaient l’embarras du choix.
« Presque chaque semaine, je changeais de tresse. Chaque famille avait sa tresseuse. En fait, il n’était pas donné à n’ importe qui de faire le métier. Les « personnes de caste » avaient ce don, et elles l’exécutaient très bien », explique Adjaratou Sokhna Fall.
Toujours très élégante, elle explique qu’à l’époque, elle faisait appel à sa coiffeuse à l’approche de grands événements. « Mais, je ne confiais pas ma tête à n’importe qui. Car la coiffeuse pouvait avoir une "mauvaise main". Et c’était synonyme de chute de cheveux consécutive à la séance de coiffure. Je prenais souvent celle qui était réputée pour ses belles réalisations ».
En fait, nos grand-mamans ne connaissaient ni le tissage, ni le défrisage, encore moins les extensions. Les tresses étaient, pour elles, la manière de sublimer les cheveux et de ressortir la beauté. « Nos cheveux nous permettaient d’arborer des tresses magnifiques quelle que soit leur épaisseur, grâce à leur texture épaisse et crépue », renchérit « maman » Dieynaba Mbacké, une habitante de Yarakh.
Pour confirmer ses propos, Nogaye Sène explique que les tresses se déclinaient et se portaient de plusieurs manières, toutes aussi belles les unes que les autres. « On pouvait les porter longues, courtes, en chignon, en tresses couchées ou relevées. En somme, il existait tellement de modèles de coiffure et on avait un large spectre de choix».
Cependant, les « yoss » (mèches synthétiques) puaient et nos mamans avaient trouvé une astuce pour contourner cet impair. « Le paquet coûtait 25 francs et pour avoir de belles tresses, on en payait pour 100 francs. Mais, avant de faire quoi que soit avec, on mettait de l’encens pour éliminer l’odeur. Après, on pouvait faire de belles coiffures avec », se rappelle Amina Diakhaté.
Celle- ci avoue avoir eu plus de penchant pour les « ndoungous », des tresses en forme de « Davala ». « On laissait beaucoup de cheveux au milieu, et l’on faisait de petites tresses sur les deux côtés. Puis on renforçait les cheveux du milieu avec du « yoss », avant de tresser le tout. Cela ressemblait à du Davala et c’était très joli », témoigne-t-elle.
INSPIRATIONS
L’art de réaliser un chef d’œuvre... sur le chef
La nature n’était pas tellement transfigurée dans ses apparences premières. Il fut des temps où les femmes ne disposaient pas d’une palette aussi sophistiquée que celle dont bénéficient aujourd’hui leurs cadettes. Et pourtant, elles savaient ce que séduction veut dire...
En effet, les tresseuses réalisaient parfois de véritables chefs-d’œuvre. Du cora (de la laine qu’on entrecroisait avec les cheveux) au « diamono Coura », des nattes en « yoss », les créations ne manquaient pas. Et les tresses étaient souvent accessoirisées avec des foulards de tête qui donnaient aux dames des airs authentiques.
Le « pesse sa goro » (foulard de tête qu’on nouait et inclinait sur le côté pour monter une partie des tresses) ou encore le « bourtoungal » (foulard de tête très transparent que les femmes toucouleurs, bambara et sarakholé mettaient lors des grandes cérémonies) étaient très tendance à l’époque. « Le « pesse sa goro » ou le « bourtoungal » étaient juste un prétexte pour montrer nos tresses. C’était très joli et ça faisait ressortir la beauté.
On n’avait pas besoin de mettre du maquillage. Les femmes étaient simples et naturelles, contrairement à ce que je vois aujourd’hui », taquine Dieynaba Mbacké, qui révèle d’ailleurs que certaines femmes intellectuelles préféraient se coiffer un peu plus à l’européenne. Elles aimaient faire des chignons ou plaquer leurs cheveux.
Les bigoudis, appelés aussi « boucleurs » par nos mamans, et le peigne à défriser étaient alors leurs armes secrètes de séduction. Le peigne en fer était utilisé pour lisser les cheveux crépus car, à l’époque, il n’y avait pas de défrisage à froid.
« On mettait le peigne sur le fourneau, histoire de bien le chauffer, après on le faisait passer sur nos cheveux. C’était le défrisage à chaud. Et je me brûlais les mains à chaque application. Mais j’étais toujours satisfaite du résultat. Je pouvais me coiffer comme je le voulais après, parce qu’à l’époque il n’y avait pas de salons de coiffure. Tout se faisait à la maison », confirme Amina Diakhaté.
Les bigoudis permettaient d’ailleurs de donner différentes formes à leurs cheveux. Plusieurs tailles de rouleaux existaient. Les gros étaient utilisés pour détendre les cheveux et les petits pour les boucler. « On les serrait sur nos cheveux toute la nuit et à dire vrai, cela faisait tellement mal.
Des fois, je n’arrivais même pas à dormir. Vous pensez quoi ? Nous aussi on souffrait pour être belle. Seulement, tout se faisait avec modération et classe. On ne connaissait ni les greffages, ni les cheveux naturels, ni les colorations encore moins les maquillages à outrance », ajoute-t-elle.
STANDARDS CAPILLAIRES
Adieu les tresses, bonjour les cheveux naturels !
C’est une question de goût et de coût. Les cheveux naturels ne puent pas comme les « yoss » synthétiques. Mais, il faut un budget que n’hésitent pas à prévoir les filles et les dames. Se faire belle est aussi dur que les temps pour les poches !
l’époque des « yoss », « boucleurs », peigne à défriser et « pésse sa goro » est cependant bien révolue. Aujourd’hui, on fait des nattes pour les cacher sous la perruque en cheveux 100% naturels... avec, s’il vous plait, du brushing pour donner du volume ! Les jeunes filles ont cassé les standards capillaires de l’ancienne génération et cachent leur misère capillaire sous des artifices. Les « yoss » n’existent plus d’ailleurs, (ils ont été remplacés par les mèches). Quid du « Diamono Coura » ?
Certaines filles d’aujourd’hui ne savent même pas ce que cela signifie. « De nos jours, elles veulent ressembler à des Européennes. Je ne comprends toujours pas pourquoi elles mettent des tonnes de faux cheveux sur leur tête et du maquillage à outrance. A notre époque, il n’y avait même pas de salons de coiffure.
La dépigmentation et le maquillage étaient pour les filles volages », se désole « mère » Nogaye Sène. En effet, qui ose sortir de nos jours avec du « Ndoungou » sur la tête ? Certainement pas les jeunes filles hyper branchées de Dakar !
« C’est la première fois que j’entends ces noms ! Vous dites que ce sont des tresses ?» s’étonne Mamichou, une « apprentie » mannequin. D’après elle, niveau coiffure aujourd’hui, ce sont les extensions de cheveux, les rajouts, les colorations, les tresses américaines entre autres qui tiennent le haut de la ... tête.
Lassées de leurs cheveux crépus difficiles à entretenir, les femmes ont trouvé refuge dans les poses d’extensions. La nouvelle manne du marché de la coiffure ! La preuve : les salons de coiffure fleurissent à chaque coin de rue. « J’ai ouvert mon salon depuis 2009. J’ai fait ma formation en coiffure avant de faire le grand saut. Je rends grâce à Dieu je m’en sors très bien car les femmes d’aujourd’hui aiment prendre soin d’elles. J’ai une liste de clientes qui, presque chaque semaine, viennent se coiffer », explique Ndèye Aïda Fall, coiffeuse à la Médina.
D’après elle, la mode capillaire a bien changé car les greffages et cheveux naturels facilitent la tâche aux jeunes filles. « On ne met plus des jours à se tresser comme à l’époque de nos mamans. Avec les greffages et autres coiffures à la mode, les clientes ne perdent plus leur temps. Au maximum, au bout d’une heure, on est toute belle ».
On coupe désormais les cheveux, les colore et les coiffe différemment.Teints en rouge ou en blond, rasés à la Barthez (ancien gardien de but de l’équipe de France de foot, ndlr), ou rallongés de 20 centimètres... Les jeunes filles ne reculent plus devant rien. Et, en quelques années, la demande des « faux cheveux » a explosé.
Cette nouvelle consommation capillaire a généré un trafic. Des cheveux viennent d’Inde, du Brésil entre autres pays. Puis, ils sont revendus par des grossistes. « Je vends des cheveux naturels, tissages brésiliens et greffages synthétiques et j’ai beaucoup de clientes. Vous savez, les femmes d’aujourd’hui sont indépendantes. Elles travaillent et gagnent durement leur argent. Donc elles peuvent se permettre d’acheter des cheveux naturels et de prendre soin d’elles », défend Issakha Fall, vendeur au marché Hlm.
Dans la palette d’accessoires du corps (faux cils, faux ongles....), les cheveux tiennent une place à part. Et maintiennent la barre placée très haut. En fait, chez les femmes, les cheveux sont restés une véritable arme de séduction. La beauté, la brillance, parfois la couleur, jouent un rôle essentiel. « Il ne faut pas oublier toute la sensualité d’un geste : écarter une mèche, passer nonchalamment sa main dans ses cheveux, c’est tellement doux et attirant. C’est pourquoi je dépense tout mon argent pour avoir une belle coiffure. J’aime attirer les regards, surtout ceux des hommes. Et sans mes longs cheveux, ce n’est pas possible », assume Maria Ndiaye.
Même son de cloche chez Fanta Diouf, une belle Sérère aux « cheveux de sirènes ». « Porter de faux cheveux permet non seulement d’avoir de belles longueurs, mais aussi une crinière de rêve. Je ne me vois pas mettre des nattes comme à l’époque de grand-mère. C’est révolue cela. « Damay défar ba mou bakhe ! Et les hommes aiment bien nous voir en beauté», assène-t-elle.