VIDEOLA FACE CACHÉE DES CASINOS DE DAKAR
PIRE QUE L’ADDICTION À L’ALCOOL ET À LA DROGUE, PUISQUE CES ACCROS DU JEU ONT FAIT BROYER LEUR VIE ET LEUR FORTUNE DANS LES MACHINES A SOUS.

Plusieurs cas de tentatives de suicide et de crises de démence signalés dans les salles de jeux…
Pour un petit pays comme le sénégal, il y a déjà cinq casinos. Ces établissements de jeux de hasard ont pour noms : casino du Cap-vert, casino du Port, casino Terrou bi, casino Terrou Bi Saly et casino Café de Rome. En dehors de discothèques, de restaurants ou d’hôtels, ces établissements abritent un univers pire que l’alcool et la drogue : des casinos ou salles de jeux. De véritables guillotines financières où de nombreux Sénégalais (cadres du privé ou fonctionnaires, richissimes hommes d’affaires, touristes et diplomates, voire simples ménagères misant la dépense quotidienne sont tombés sous le couperet des machines à sous). Des établissements où, en une nuit, on peut devenir plusieurs fois millionnaire. Mais dans lesquels également, en quelques jours, semaines ou mois, en cumulant les pertes journalières, on peut perdre des dizaines, voire des centaines de millions, et être ruinés à jamais. Combien de fois, en effet, des joueurs n’ont-ils pas failli se suicider devant des machines à sous responsables de leur descente aux enfers ? Combien de crises de démence piquées par des gens ayant senti toute une vie financière se dérober sous leurs pieds ? Et comme c’est la ruine des joueurs qui fait leur fortune, les propriétaires de ces établissements multiplient les ouvertures de casinos à Dakar mais aussi sur la Petite Côte. « Le Témoin » a enquêté…
Nous sommes en 1966, et cela faisait juste six ans que le Sénégal venait d’accéder à l’indépendance. Et dans le souci de préserver l’expertise française dans tous les domaines d’activités (commerce, éducation, armée, diplomatie), le président de la République de l’époque, l’agrégé de grammaire Léopold Sédar Senghor, avait accordé une place privilégiée aux coopérants. Ces colons français qui vivaient parmi nous voulaient rester au pays de la « Téranga » aussi longtemps que possible pour accompagner et assister notre jeune nation. Sous prétexte de continuer à former nos jeunes futurs cadres. Mais aussi, même s’ils ne le disaient pas, pour continuer à profiter de notre soleil et des multiples privilèges dont ils bénéficiaient.
D’où la présence massive de très nombreux « toubabs » à Dakar, cette ancienne capitale de l’Afrique Occidentale Française (Aof). Pour respecter le cadre de loisirs et de divertissements de ces ressortissants européens, le président Senghor avait pris un décret portant organisation et réglementation des établissements de jeux de hasard au Sénégal avant de faire autoriser l’implantation du casino du Cap-Vert. Situé sur la route de Ngor, à Dakar, le casino du Cap-Vert est le tout premier établissement de jeux de la sous-région. En autorisant l’ouverture et l’exploitation de ce casino, le président Senghor avait fait fixer des règles du jeu (c’est le cas de le dire !) draconiennes pour que ses jeunes fonctionnaires et opérateurs économiques ne soient pas broyés par les machines à sous.
Ainsi, il fut décidé qu’il était strictement interdit aux nationaux d’accéder aux salles des jeux. Une loi d’interdiction plus qu’un règlement intérieur puisque, depuis 1966 jusqu’à nos jours, tous les commissaires de police d’arrondissement de Dakar montent la garde dans les casinos pour l’application de ces mesures. « Pour les commissaires de police, les casinos ne sont que des lieux pour se reposer puisqu’ils ont du mal à faire appliquer la loi interdisant aux Sénégalais l’accès aux salles de jeux. Comment un policier peut-il veiller sur une telle réglementation dans un casino où il est entièrement pris en charge par le gérant de ce même casino ? » s’interroge cet ancien commissaire divisionnaire à la retraite, histoire de nous montrer que cette loi n’existe que sur le papier du fait qu’elle n’a aucun effet dissuasif.
D’ailleurs, c’est ce qui explique la « dérogation » de cette loi sous le régime du président Abdou Diouf avec une modification permettant l’accès des Sénégalais uniquement au niveau des « machines à sous » (pièce à 100 fcfa) dont les jackpots ne dépassent pas un million fcfa. Et ce, contrairement aux machines à fortes sensations financières comme le « Poker », « Roue de la Fortune », « Cash Game », « Méga Fortune », « Roulette », « Black-jack » et autres où le jackpot peut atteindre progressivement… 50 millions fcfa ! De gros gains du fait que ces machines absorbent des coupures de billets de banque de 1.000 fcfa, 5.000 fcfa ou 10. 000 fcfa. Entre une « machine à sous » et une « machine à roulettes », l’autorisation ou l’interdiction n’est que saupoudrage synonyme d’un « laisser-jouer » qui ne dit pas son nom !
Toujours est-il que les Sénégalais fréquentent régulièrement les casinos jusqu’à se faire broyer ou ruiner à vie par des machines qui sont tout sauf des « machines à fortune » mais plutôt des « machines à guillotine » ! Et comme les établissements de jeux ne profitent qu’aux opérateurs, un ancien inspecteur des jeux d’un casino de la place le jure : « Je suis bien placé pour vous révéler que les 95 % des mises sont programmées à perte ! ». La preuve qui atteste que les bonnes affaires des industries de fortune, le casino du Cap-Vert a jugé nécessaire d’implanter un autre établissement en plein centre-ville : celui du complexe Café de Rome autorisé quand M. Djibo Kâ était ministre de l’Intérieur. A l’époque, beaucoup de rumeurs malveillantes avaient couru sur les contreparties de cette autorisation…
En créant le « casino Café de Rome », les propriétaires du casino du Cap-Vert ont réussi à rapprocher les joueurs de leur salle de jeux et de leur lieu de travail. Et ce tout en concurrençant le « casino du Port » qui est la filiale du « casino Terrou-bi ». Pendant ce temps, les promoteurs de « Casino Saly/Mbour » — qui ne sont autres que ceux du « Terrou-Bi »jouent aux coupeurs de route pour intercepter les nombreux touristes qui ralliaient le Dakar-des-casinos. Le créneau étant particulièrement rentable, les frères Attal de Thiès s’y sont mis. En effet, ils sont en train de construire un cinquième casino à Dakar, et le troisième dans l’espace du Plateau. Cet établissement va être réalisé à l’emplacement du restaurant « Hanoï » que tous les gourmets de Dakar connaissent, en face du centre culturel français, sur la rue Joseph Gomis.
Un bonhomme perd 110 millions fcfa et pique une crise de démence pour se faire… rembourser
Nos investigations nous ont permis d’apprendre que ces « familles dynasties » composées de Sénégalais d’origine libanaise et française construisent en fait leur fortune dans les casinos puisque les hôtels et autres restaurants et boîtes de nuit ne seraient que des réceptifs-écrans. Malheureusement, l’Etat a laissé pousser et prospérer ces casinos qui lui rapportent beaucoup en termes d’impôts. En dépit de la loi qui interdit les jeux aux nationaux, ces casinos sont quand même fréquentés par des Sénégalais dont des hauts fonctionnaires, cadres de sociétés, hommes d’affaires, anciens ministres de la République dont nous avons préféré garder les noms. Des noms, nous en avons une très longue liste. Pire que l’alcool et la drogue puisque ces accros du casino ont fait broyer leur vie et leur fortune dans les machines à sous ou à roulettes. Tenez !
Ruiné au casino, un certain Ayad, sénégalais d’origine libanaise, ne jouit plus de ses facultés mentales. Dans les rues de Dakar, il siffle dans le vent pour se frayer un passage. Nombreux sont des passants dakarois qui tournent leur tête croyant que les sifflets leur sont destinés. Un autre Sénégalais d’origine libanaise, Z., pourtant cousin aux propriétaires d’un des casinos de Dakar, a perdu en quelques mois, tenez-vous bien, la somme de quatre milliards de francs ! Son histoire est connue dans le milieu des Libanais à Dakar. Et cet homme d’affaires du nom de T. D. ? Au casino « Terrou bi-Bi », nous révèle son avocat, cet honorable père de famille a misé et perdu, en moins de trois semaines, plus de 110 millions fcfa dans les machines « poker » et « roulette ». Ayant disjoncté, il avait menacé de casser les machines pour se faire « rembourser ».
Pis, le directeur de la salle lui avait interdit l’accès au casino. Face à cette situation, le malheureux s’étranglait de colère et menaçait de se suicider après avoir tout cassé. Alerté, le patron du commissariat de police central de Dakar à l’époque, le commissaire Gorgui Faye avait fait dépêcher des éléments sur les lieux pour cueillir le bonhomme. Un contentieux judiciaire s’en était suivi. « Le Témoin » s’en arrête là ! Finalement, l’établissement, pour éviter du bruit autour de cette affaire, sur les 110 millions perdus par le bonhomme, avait accepté de lâcher quelques malheureux millions en guise de dédommagement. Tout en interdisant au bonhomme de remettre les pieds dans le casino, quoi qu’il arrive ! A propos d’avocat, un ténor du barreau de Dakar, radié il y a deux ans environ, avait misé tout l’argent destiné à l’indemnisation de beaucoup de ses clients dans les roulettes…
Les symptômes de cette véritable descente aux enfers que connaissent certains joueurs du casino sont similaires à ceux des addictions à la drogue ou aux psychotropes. Comme ce fut le cas de ce cadre de la Société Africaine de Raffinage (Sar) qui, après avoir perdu, un jour, une mise progressive de 5 millions fcfa, a piqué une crise de démence dans la salle de jeux d’un casino de Dakar. « Il fallait le voir cette nuit-là comment il cognait les machines pour les supplier de lui « rembourser » sa fortune… » nous explique un richissime opérateur économique, adepte des casinos.
« Non ! Je ne fréquente plus les casinos… Certes, j’ai eu à gagner des fortunes colossales dans les casinos, mais la perte est beaucoup plus immense que la gagne ! Au courant décembre 2011, j’ai fait le cumul de toutes mes mises estimées à plus de 80 millions fcfa alors que je n’avais gagné qu’un jackpot de 12 millions fcfa. Billahi, depuis ce jour-là, j’ai écrit une lettre au ministre de l’intérieur pour lui demander de me ficher et de m’interdire l’accès aux différents casinos de Dakar. Les jeux, c’est comme de la drogue ! Quand on est accro, on ne peut plus se retenir ! Seul le policier de garde peut vous aider en vous interdisant l’accès aux salles de jeux ! »
Nous confie ce célèbre administrateur de sociétés. Effectivement, un ancien conseiller technique du ministère de l’intérieur nous confirme que les joueurs dépendants ont la possibilité de demander une interdiction de casinos afin de ne pas succomber aux sirènes du jeu. Comme quoi, la personne qui souhaite être interdite de casino peut en faire la demande adressée au ministre de l’Intérieur. Une fois la demande reçue, le ministre signe un arrêté dans ce sens pour le transmettre à tous les commissaires de police assurant la garde dans les casinos.
Ces joueurs « compulsifs », c’est –à-dire des personnes incapables de résister à la tentation de jouer et de miser toujours plus, on les voit également dans le milieu du sport. Cet ancien et célèbre international de football en est un exemple ! Et pas plus tard que la semaine dernière, nous révèle-t-on, il a gagné un jackpot de 8 millions fcfa au casino du Café de Rome. Mais avant cela, il avait perdu des dizaines de millions… Souvenez-vous du bonhomme qui tentait de s’immoler par le feu devant le palais de la République lors de la Déclaration de politique générale du Premier ministre, Mme Aminata Touré ?
À la suite de nos enquêtes relatives aux casinos, « Le Témoin » est en mesure de vous révéler que l’homme fréquentait régulièrement le même établissement où il jouait beaucoup. Son geste désespéré était-il lié à sa dépendance aux casinos ? Même question également s’agissant de l’homme qui s’était brûlé à mort devant les grilles du Palais puisque la victime venait d’un casino avant de passer à l’acte. Les habitués et spécialistes des casinos vous le diront, le joueur qui débarque pour la première fois dans les salles de jeux, remporte en général de gros gains. Comme si l’impitoyable dieu des casinos leur tendait une main heureuse, histoire de les piéger et de les entraîner dans la dépendance.
En effet, rien que l’accès facile aux tables de jeux, mais surtout aux machines à sous, provoque un appétit financier plus fort chez le joueur. Au fur et à mesure des paris, le joueur continue à miser pour espérer regagner la somme perdue précédemment. D’ailleurs, c’est ce qui est arrivé à cette fille d’un ministre de la République. N’ayant que le tort d’accompagner sa belle-sœur au casino, M. Diop a fini par élire domicile dans ces établissements de jeu où elle a gagné 5 millions fcfa dès son premier jour avant perdre toute sa fortune (y compris ces bijoux en or mis en gage). Pis, la malheureuse femme a même misé à perte son ménage du fait qu’elle a été répudiée par son mari.
L’ex-belle-mère d’un célèbre musicien, jadis belle comme une déesse, est également devenue une loque du fait de la fréquentation assidue des casinos où elle lève sans cesse le coude pour combattre le stress. De même que ce couple camerounais en service dans une institution financière internationale dont les fréquentations régulières au casino du Port ont fini par avoir raison de leur leur ménage. « Non seulement, ces époux n’ont plus rien, mais encore ils ont divorcé » nous confie un ancien inspecteur des jeux après plus 30 ans de service dans les casinos. Et notre inspecteur de nous révéler plusieurs cas de tentatives de suicide et de crises de désespoir étouffées dans les casinos.
Les Mauritaniens et les chinois en tête du classement
Sortir du cercle infernal de la dépendance aux jeux d'argent, n’est pas chose facile ! Et si on vous révèle que de richissimes hommes d’affaires et diplomates mauritaniens quittent Nouakchott tous les week-ends par la route ou par avion pour venir jouer à Dakar, vous n’allez pas nous croire ! Et pourtant, c’est la triste réalité. La Mauritanie étant comme tout pays islamique où les jeux de hasard sont strictement interdits et réprimés, les Mauritaniens, très passionnés des jeux, se rabattent sur Dakar pour faire « fortune ». Et comme les casinos sont encore réservés aux étrangers puisque les nationaux n’y sont pas légalement autorisés à jouer, les Mauritaniens viennent en tête du classement parmi les étrangers fréquentant nos établissements de jeux. Au casino du Cap-vert comme à celui du Port, la plupart des joueurs mauritaniens y débarquent le vendredi pour rentrer le dimanche soir, uniquement dans le but de jouer.
Même les femmes de la jet-set mauritanienne s’adonnent au jeu. Dépendances des roulettes et autres machines, certaines se prostituent dans les salles de jeux pour avoir de quoi miser. Des sommes misées qui dépassent largement les gains. « Une anecdote ? Une très belle femme mauritanienne, après avoir perdu plus de 2 millions fcfa en une nuit, a piqué une crise de folie dans une salle de jeux en se déshabillant toute nue comme un ver. Cette nuit-là, c’est un grand homme d’affaires très influent dans le mouridisme qui lui avait offert un billet de 10.000 fcfa pour la calmer. Pour montrer l’ingratitude des inspecteurs des jeux que nous sommes, même si tu perds un milliard fcfa, personne ne va te donner en crédit la moindre tasse de café. C’est un « règlement » intérieur dans les casinos, histoire de te chasser des lieux comme un malpropre ! » se désole notre spécialiste des jeux.
Après les ressortissants mauritaniens, viennent en seconde position les commerçants chinois établis à Dakar. Dès qu’ils ferment boutique le soir, la plupart des commerçants chinois envahissent les casinos où ils misent de très fortes sommes d’argent. Comme les Mauritaniens, les joueurs chinois préfèrent les casinos du Café de Rome et du Cap-vert pour éviter toute identification puisque ceux du Port et du Terrou bi seraient équipés de vidéos de surveillance.
Il est temps que le président de la République et le ministre de l’Intérieur fassent appliquer avec vigueur la réglementation interdisant l’accès des casinos aux nationaux. Et freinent la prolifération de ces établissements. Car même si le fisc gagne un peu au change, c’est la société sénégalaise, à travers des vies, des carrières et des couples, qui s’y consume. Pour la plus grande fortune des propriétaires de ces établissements !