LA GRATUITÉ DE L'EAU À TOUBA EN QUESTION
Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gaïndé Fatman président de la commission communication et culture du Magal, pose le débat
Les rideaux sont tombés sur la 120e édition du grand magal de Touba. Si l’organisation est sans couacs pour cette année, c’est au niveau de l’approvisionnement en eau que les choses ont péché. Mais pour Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gaïndé Fatma, président de la commission Communication et Culture du magal, Il faut un certain courage pour revoir la gratuité de l’eau à Touba. Entretien.
Le Magal, édition 2014, a vécu. Quel bilan peut-on faire de l’orga- nisation dans son ensemble ?
C’est un bilan très satisfaisant que nous tirons de la présente édition du Magal. Au plan organisationnel, mal- gré la très forte affluence, un pro- gramme culturel de qualité était pro- posé et la prise en charge s’est considérablement améliorée. La grande participation de pays étrangers et la présence massive de la presse, qui a fait un excellent travail et que nous remercions vivement, ont égale- ment participé à la réussite du Magal. La contribution des partenaires, publics et privés, n’était pas en reste. Donc au plan de l’organisation, de la mobilisation, de la qualité des partici- pants et du contenu des discours, ce Magal a connu un succès franc aux yeux des observateurs.
L’Etat a-t-il respecté tous ses engagements ?
Comme je viens de le dire, l’ensem- ble des partenaires ont joué leur par- tition parce que le Magal concerne tout le monde. Les services de l’Etat ont été à la hauteur. Les engagements ont été globalement respectés. Vous savez, il y a des aspects qui relèvent de la mission régalienne de la puis- sance publique et à ce niveau, le comité d’organisation ne fait que faci- liter, accompagner et mettre les agents dans de très bonnes conditions d’exécution de leur mission. La colla- boration a été franche et excellente grâce au président du comité, Serigne Bassirou Mbacké Abdou Khadre dont le dévouement pour la cause de Cheikh Ahmadou Bamba dépasse toutes les limites, et à son coordonna- teur Serigne Ousmane Mbacké Gaindé Fatma qui a abattu un travail remarquable, dans la sobriété et la discrétion la plus totale.
Cette année encore, certains quar- tiers ont connu une pénurie d’eau, et pourtant le gouvernement avait pris le taureau par les cornes en déboursant 500 millions F CFA pour booster le débit, mais le problème est resté entier. Selon vous qu’est-ce qui peut résoudre définitivement la problématique de l’eau à Touba ?
Il faut quand même relativiser parce que je me suis renseigné auprès des autorités en charge de la distribu- tion et ils m’ont affirmé que les demandes des populations pour les camions citernes ont chuté de 60% ; cela montre une amélioration certaine même s’il subsiste un déficit important. Il faut aussi saluer le travail de Mawou Rahmati (Initiative Eau de Touba), sous la houlette de Serigne Aliou Mbacké, dont les interventions sur fonds propres, ont beaucoup sou- lagé les populations. Mais il nous semble nécessaire de prendre le pro- blème de l’eau à bras le corps en met- tant en place une capacité suffisante pour satisfaire au moins quatre mil- lions de personnes. Il faut mettre en œuvre une stratégie cohérente, réflé- chie et basée sur le long terme, accompagnée d’une communication claire sur la question. Il faut impliquer tous les acteurs parce qu’il faut non seulement augmenter la capacité mais procéder aussi au remplacement du réseau vétuste, s’attaquer aux branchements anarchiques et à tous les problèmes environnementaux qui menacent la nappe. Ce n’est pas une mince affaire alors que l’eau continue d’être gratuite. Je crois qu’il faut mener une réflexion autour de la question. Subventionner la consom- mation durant les «magal» et faire participer les populations le reste du temps ne serait pas une mauvaise décision, mais cela nécessite un cer- tain courage.
On a constaté cette année que le discours du khalife est plus tran- chant, plus spirituel et plus morali- sateur. Quelle lecture en faites-vous ?
C’est un discours pertinent qui colle aux réalités de l’heure. Il a inter- pellé toutes les couches de la popula- tion pour qu’on revienne sur le droit chemin, pour qu’on abandonne les activités futiles, pour qu’on se mette au travail. Il a aussi magnifié l’éduca- tion, seule base de notre développe- ment ; il n’a pas manqué de mettre le doigt sur les tares de la population en condamnant l’oisiveté, la méchan- ceté, le mensonge et la crise des valeurs de manière générale. C’est donc un discours de très haute facture qui montre si besoin en était la dimen- sion de Cheikh Sidy Mokhtar qui est une référence morale au sein de la Umma Islamique. Nous espérons simplement que sa voix sera entendue par nous tous qui sommes concernés d’une manière ou d’une autre.
Qu’est-ce qu’il y a à améliorer ou à changer dans l’organisation du Magal ?
L’organisation du Magal est un pro- cessus d’amélioration continue. C’est ainsi que nous avons mis en place une organisation apprenante pour mainte- nir très haut les standards de qualité pour relever le défi. Cela passe par les auto-évaluations, l’écoute attentive, l’ouverture, l’humilité, le dévouement, l’utilisation des outils modernes sans jamais altérer le message. Ce dernier reste immuable. Nous devons tout faire pour maintenir très haut le flam- beau et porter partout dans le monde le message de l’Islam. Notre religion est une religion de paix, de pardon, de piété, de ferveur religieuse, de foi, d’amour de Dieu, de dévotion, de générosité, d’entre-aide et de solida- rité pour le triomphe duquel Cheikh Ahmadou Bamba a lutté toute sa vie durant.