LA "TANIÈRE" DES INCOHÉRENCES DURABLES
"La valeur de l’organisation de jeu de la grande équipe de football dépend de facteurs positifs maîtrisés, qui se situent dans l'option d'un schéma tactique directeur cohérent, la fiabilité des principes d'animation de jeu et l'état d'esprit dans lequel elle est appliquée". L'ancien Dtn du football français, George Boulogne, avait fait de cette conception le principe fondamental de la maîtrise de l'acte tactique en jeu. Il le pensait comme conséquence d'un dynamisme global qui conduit le jeu.
Ce principe fut le leitmotiv de la formation des entraîneurs fédéraux de 3e degré modulaires et des instructeurs du Centre africain des entraineurs de haut niveau. Les contenus techniques ont été pendant longtemps élaborés et menés par des éléments formés à cet effet.
Ce sont les incursions précipitées d'acteurs nouveaux dans l'encadrement, avec la bénédiction de la tutelle ou les complicités de fédéraux complaisants, qui ont déréglé les bases établies. On l’a senti à partir de la préparation de la Can Sénégal-1992. Avec la course aux contrats, aux primes et aux frais de voyages, tout s’est accéléré. Anciens joueurs et professeurs optionnaires en football (surtout) non issus de la formation à la connaissance et à la maîtrise de "l'entrainement fondamental" comme "science et pratique" ont occupé les espaces d'encadrement et de gestion technique du football.
L’origine du flou de la gestion fédérale
Ces incohérences durables ont été aussi facilitées par la mise en place de comités d'exception (Cnp, Cng, Cdp) ayant les coudées franches pour maintenir et consolider les formules d’encadrement hors normes. Traités de "tocards" ou de "non instruits", les instructeurs formés à l'encadrement naturel du football ont été poussés progressivement vers la sortie, l'Etat se complaisant à confier les directions techniques, depuis l'"affaire Mawade", soit à des étrangers, soit à des professeurs optionnaires.
Après les échecs des fédérations dirigées par des cooptés du ministère des Sports, le désastre de la Can-2008 avait poussé la Fifa à accepter la mise en place d'un comité de normalisation. Avec des directives claires, mais jamais observées.
Le flou de la gestion fédérale actuelle vient de là, suite à une confrontation entre le mouvement associatif et l'Etat. La gangrène s’est installée progressivement pour engendrer les échecs successifs enregistrés depuis 2010, avec deux absences à la Can et deux éliminations au premier tour.
Dans ce lot, Augustin Senghor et son équipe portent le chapeau des trois échecs (non-participation à la Can-2013 et élimination dès le premier tour en 2012 et en 2015). Mais cela ne doit pas occulter les autres incohérences techniques.
Les carences de la Dtn
Si la Can-2012 avait poussé à parler d'incompétence de l'expertise locale, l’édition de cette année a démontré les limites de l'expertise étrangère. Regardant Giresse baigner dans ses incohérences, on se demandait s’il avait un chef et quel rôle jouait la Direction technique nationale. On a également été étonné d'entendre que dans cette Can, le superviseur (Amsatou Fall) de l'Afrique du Sud et de l'Algérie n'était autre qu'un ancien Dtn tout récemment poussé à la démission. Tout comme l'actuel Dtn Mayacine Mar était aussi comptable du désastre de 2012 comme adjoint du coach Amara Traoré qui avait été limogé.
Par quels tours de passe-passe ont-il repris les affaires en main autour du sélectionneur ?
Autre rappel : l'actuel Dtn s'était opposé à la nomination de l'adjoint de Giresse, Boubacar Gadiaga, sorti très tôt du football professionnel, donc inexpérimenté et ayant un statut non conforme à la réglementation. Mais il a dû se ranger derrière sa hiérarchie ou ses complicités. De quoi se demander ce que réellement vaut un Dtn au Sénégal.
Giresse, lui, n'est peut-être pas tout à fait responsable. Ses élucubrations entre 3, 4, ou 5 joueurs comme base de ses schémas, ont longtemps montré ses tâtonnements sans que cela ne donne outre mesure des avertissements. On ne pouvait qu’aller au désastre devant des équipes à l’opposition rationnelle.
Dépolitiser le football
L'Etat, de son côté, a toujours cru avoir le bon rôle depuis l'arrivée du ministre Ousmane Paye en 1993, avec ses immixtions abusives sous formes de lettres de mission et de cooptations. Le comble sera atteint avec feu Issa Mbaye Samb, un ministre touche à tout.
Partout où l'on le situe, la "Tanière" est piégée par des incohérences durables. A défaut de dépolitiser la gestion du football au niveau de l'équipe nationale, on ne pourra redonner à la délégation de pouvoirs sa valeur opérationnelle. Mais c’est au mouvement associatif authentique de se remobiliser pour reprendre son flambeau usurpé par le Comité de normalisation de 2009 dirigé alors par Diagna Ndiaye, actuel président du Cnoss.