LE BONHEUR DE LA REINE DE SARÉ LAMOU
''RAKI'', LIVRE D’ALIOUNE BADARA BÈYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
Le soleil était au zénith quand la charmante Bodiel sortie de ses draps, posa ses pieds sur les récipients que lui tendaient des servantes. Dans chaque récipient, l’eau glissait sur ses jambes félines qui avaient l’air de piétiner le courroux de ces femmes soumises à sa disposition.
Ce jour était un jour de triomphe, elle ira se baigner dans le marigot sous l’escorte de sa cour, dans les caresses des voix charnelles, elle recevra aujourd’hui aussi la bénédiction des sauriens dorés.
Victoire ne pouvait être plus totale. Elle est la seconde épouse de Bakar, elle est la première à lui donner un enfant. Un instant, elle crût qu’elle fût la personne désignée par la providence. La seule capable de faire de Bakar un homme heureux.
Quant elle sortit de l’eau sous les gémissements du khalam, son orgueil s’était presque multiplié. Désormais, elle sera la reine de Saré Lamou, car pour elle, pareille satisfaction ne pouvait arriver à sa rivale, son aînée de dix huit ans de mariage.
Elle sentit la pureté de ses traits sur le miroir que lui tendit Awa, la servante préférée. Son corps, couleur d’ébène maintenant ceigné de perles rappelait les peulhs du Massina, elle était fière. Sa victoire était presque totale quand Bakar tout souriant lui tendit les bras en disant :
- « Guidam », viens te reposer, tu dois être fatiguée. Maintenant je vais aller voir ton aînée.
Un sursaut s’empara de Bodiel, elle voulut le retenir encore, mais devrait elle être encore jalouse de cette femme incapable de procréer après vingt ans de mariage ? Elle sentit une vague de satisfaction et murmura presque :
- « Ya Diomé Galam » : Va mon Maître !
- Bakar était déjà dans la chambre de sa première femme. Les traits tirés, elle a pleuré, elle a certainement beaucoup pleuré et ces larmes n’étaient peut être pas vaines. Elles serviront à adoucir la méchanceté de sa rivale, mais pouvait-elle désormais compter sur son mari ?
Pouvait-elle désormais retenir cet homme qui a vécu avec elle pendant vingt ans sans connaître la joie de la paternité ? Tant d’interrogations hantaient l’esprit de Dado qui sentait l’absence d’un enfant comme le