LES MALHEURS DE DADO
''RAKI'', ROMAN D’ALIOUNE BADARA BÈYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL

Le temps passa rapidement, Dado ne sortait presque plus, elle arrivait difficilement à cacher son état. Son teint avait sérieusement pâli, elle ne portait plus que le grand boubou. Elle prenait soin d’attacher son ventre pour cacher son état. Elle était terriblement gênée.
Un soir, les maux augmentèrent et finirent par alerter Bakar qui sentit une sorte de honte parcourir son corps en la découvrant couchée sur le lit, la tête pendante au-dessus d’un crachoir.
Longtemps, il resta figé devant cette scène. Tout au fond de lui. Il se demandait, comment il pouvait négliger sa femme jusqu’à ce point ?
Comment pouvait-il rester insensible devant les souffrances de cette per- sonne qui à vécu toutes ces années avec lui ? Une personne avec qui il avait partagé autrefois les joies et les peines. Cette femme qui fut son eau pure, la chaîne de ses nuits d’amour.
Tant de réflexions rendirent son visage blême de honte, il ne se reconnaissait plus, il avait mal à se prendre pour un lâche. Pendant un instant, son émotion fut grande, seul l’orgueil l’empêcha de reconnaître sa faute. Il demanda néanmoins :
Qui est qui ne va pas Dado? Elle voulait le retenir quelques instants encore, mais la résistance humaine a des limites. Alors elle articula faiblement : - Awa ! Viens me délivrer ! - Awa ! répéta Bakar, les yeux hagards, l’air honteux.
Aussitôt après, la sage Awa surgit et pria poliment Bakar de sortir de la chambre. Bakar resta un long moment ébahi. Noble Bakar, fit la vieille, Awa, le moment est venu de prier pour ta femme, ta première femme, la voilà à la merci du destin ! la voilà prête à augmenter ton foyer, à attiser les flammes d’un espoir nouveau.
Pardonne-moi Bakar, si je l’ai aidée à conserver si longtemps son secret, pardonne-moi et va vite à la rencontre du souffle des ancêtres. Bakar ne pouvait répondre, son regard était presque livide ; il tituba et chercha dans la nudité des ombres le secours des vents constants. Son regard était maintenant devant la tombe de Lébo- Mikaîlou. Presque anéantit, il prononça :
Baba ! Pardonne à ton fils égaré ! Baba ! Tu m’as enseigné l’amour du prochain, le respect de la femme. Tu m’as appris la bonté du Prophète Mohammed dont je suis le fidèle serviteur ! Tu m’as souvent parlé de ma noblesse de cœur qu’abritait l’âme des sages.
- Baba ! Pardonne à ton fils égaré ! Pardonne-moi d’avoir préféré l’aube à la brise matinale venue de tes bénédictions.
Baba ! Protège Dado ! protège-là des puissances maléfiques et si jamais elle devait souffrir davantage que la malédiction d’Allah s’abatte sur moi.
Que les anges des ténèbres frappent leurs ardents fléaux sur ma tête !