''LES VRAIS RAISONS DE MA DÉMISSION''
BABACAR MBAYE DIOP EX-SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA BIENNALE DE DAKAR

Après 21 mois passé au secrétariat de la Biennale de Dakar, Babacar Mbaye Diop rumine sa colère vis- à-vis de l’Etat sur le manque de reconnaissance dont il a fait l’objet. Sur sa non-rétribution pour services rendus, les difficultés de la Biennale, les problèmes avec la tutelle, ce professeur d’université, qui se définit comme un «amoureux de la culture», de «l’art», pointe du doigt la racine du mal dans le milieu culturel sénégalais et flingue les lobbys présents au niveau de la tutelle. Sans détours, Babacar Mbaye Diop dit tout et sans langue de bois.
Après votre passation de services, doit-on continuer à dire Sg ou ex-secrétaire général de la Biennale de Dakar?
(Sourire) Je pense qu’il faut dire ex-secrétaire général de la Biennale parce que comme vous l’avez vu, ce matin on a fait la passation. Donc mon successeur a pris le relais de secrétaire général.
Permettez-moi, de remercier tous les agents de la Biennale. Ils ont fait un excellent travail. Je voudrais aussi remercier tous les membres du Comité d'Orientation avec une mention spéciale à Mme Thérèse Turpin Diatta.
Vous avez passé 21 mois seulement à la Biennale. C’est quand même une exception depuis que ce poste existe.
Oui, j’ai fait 21 mois exactement. Je suis arrivé vers février-mars 2013 et j’ai rendu ma lettre de démission le 7 novembre dernier. J’ai reçu la réponse du ministre le 19 novembre avec un arrêté fixant mon remplacement.
Beaucoup de rumeurs ont accompagné votre démission sans que votre version ne soit entendue. Quelles sont les véritables raisons qui ont conduit au fait que vous rendiez le tablier.
Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles j’ai voulu vraiment quitter. Déjà en cours d’édition de la dernière Biennale, il y avait des rumeurs. Mais je vous informe que dans chaque rumeur, il y a une part de vérité. D’abord à un mois de la Biennale, l’ancien ministre de la Culture, Abdoul Aziz Mbaye, a changé mon équipe de Com’.
Il y avait Cheikh et Seydou Nourou Sall, deux hommes en qui j’avais confiance. Ces derniers ont tout fait : les spots, les banderoles, les affiches, la pub... Bref ce sont eux qui ont fait tous les supports de communication.
A un moment donné des préparatifs de la Biennale, le ministre les renvoie et amène sa propre équipe de com’. Je me suis dit toute suite que ce qui l’intéresse ce n’est pas la Biennale, mais sa propre communication. Voilà la première raison de ma démission.
La deuxième chose est qu’à la Biennale, et ça je dois vrai- ment le dire pour tous les artistes et tous les gens qui vont nous lire, j’ai voulu vraiment quitter parce que je n’ai jamais été payé. J’ai toujours fait du bénévolat à la Biennale.
Comment du bénévolat ?
J’ai rencontré plusieurs fois le ministre pour lui faire part de ma situation. Mais on me dit souvent : «Babacar, vous êtes à l’université, vous avez une indemnité (il est professeur au département de Philosophie à l’Ucad, Ndlr), vous êtes un fonctionnaire par conséquent vous ne pouvez pas avoir un plein salaire.» Ce qui est normal. Moi ce que je voulais, c’est avoir au moins une bonne indemnité. Je n’ai jamais été payé pendant les 21 mois.
Au mois de mai dernier, je commençais à en avoir ras-le-bol. Cela a été la deuxième raison pour laquelle, j’ai voulu démissionner. La troisième, c’est qu’à un mois de la Biennale, j’ai alerté la tutelle sur le gap important de dette qu’on avait. On avait une dette de 150 millions à 200 millions. Et à un mois de la Biennale, rien n’a été fait.
A une semaine, j’ai alerté de nouveau, rien n’a été fait. Ce qui fait que nous avons organisé la Biennale avec des dettes. Voilà les raisons pour lesquelles j’ai voulu quitter au mois de mai. Mais finalement je me suis dit, avec tous les invités qui sont là, de même que les artistes, par respect pour eux, je ne quitterai pas. Je vais finir cette Biennale, bien que je ne sois pas payé.
Vous n’avez même pas eu d’indemnité ?
Depuis 21 mois, je ne reçois que 60 mille francs Cfa. Cette somme est l’indemnité de tout directeur de service. Je ne sais pas si c’est un manque de respect mais le pire est que chaque fois que je réclamais un salaire ou une bonne indemnité, on me disait : «Tu as un budget, alors sers-toi.» C’est en gros ça.
C’est-à-dire tu as des lignes qui te permettent de te payer toi-même. Mais je n’ai jamais voulu me servir de la sorte. Je ne sais pas si les autres le font. Mais j’ai comme l’impression que c’est un peu partout comme cela.
Moi je n’ai jamais voulu me servir de mon budget. Je voulais que le ministre Abdoul Aziz Mbaye, lui-même, prenne ses responsabilités en me disant : «Babacar vous avez un budget, je vous donne tant comme indemnité.»
Ce qu’il n’a pas voulu faire. J’ai rencontré l’actuel ministre (Mbagnick Ndiaye), je lui ai dit que je faisais du bénévolat depuis mars 2013 et que ma situation reste inchangée. Je l’ai rencontré deux fois. Rien n’a été fait. J’ai attendu la fin de la Biennale. J’ai rendu le rapport. Le comité s’est réuni pour finaliser le rapport Dak’art 2014.
J’ai rendu ce rapport le 7 novembre avec ma lettre de démission pour dire au ministre qu’une fois que j’aurai payé les dettes, je partirai de la Biennale... Le ministre a ensuite anticipé mon départ. Mais moi je voulais d’abord payer les dettes parce qu’on est très endetté. Et l’un des plus grands créanciers est Bolloré à qui nous devons beaucoup d’argent.
A peu près combien vous devez à Bolloré ?
La Biennale des arts doit à Bolloré 150 millions. C’est Bolloré qui a pris en charge les transports aller et retour des œuvres des artistes qui sont venus des quatre coins du monde. Mais je m’attendais à cette situation. A un mois de l’évènement, j’avais alerté mais rien n’a été fait. Donc à la fin de la Biennale, j’ai rendu le rapport avec ma lettre de démission.
Dans la lettre, je précise bien que j’aimerais partir ou démissionner de mes fonctions quand j’aurai payé toutes les dettes de la Biennale. Peut-être que ma lettre n’a pas plu au ministre. Car contre toute attente, j’ai reçu un arrêté me remplaçant le 19 novembre dernier. Voilà en gros les principales raisons pour lesquelles j’ai voulu vraiment quitter.
La principale est que je ne pouvais plus continuer à faire du bénévolat. Je ne peux pas accepter de travailler pendant 21 mois et ne toucher que 60 mille francs d’indemnité alors que je peux juste, en tant que universitaire, faire des conférences où en 10 minutes je vais gagner 350 ou 400 euros. Je ne pouvais plus accepter de faire du bénévolat pendant presque 2 ans.
Des copains qui sont mes collègues m’ont dit : «Tu es fou ! Comment peux-tu accepter de faire ça ?» Au début, je le faisais par amour pour l’art et la culture mais surtout pour la Biennale qui est aujourd’hui la plus grande rencontre artistique en Afrique, une fierté en tous cas pour nous.
Est-ce que vous vous êtes renseigné par rapport à ce qui se faisait avec vos prédécesseurs en termes de salaire ?
Avec mes prédécesseurs, il y a une différence parce que tous les trois premiers étaient des fonctionnaires du ministère de la Culture. Donc, ils sont payés directement par la Fonction publique. Mais moi, en ce qui me concerne, je ne fais pas partie de ce ministère mais celui de l’Enseignement supérieur.
On m’a appelé pour juste diriger la Biennale. J’ai commencé mon travail par un arrêté du ministre. Par conséquent, on n’a pas discuté de contrat : c’est peut-être de ma faute, mais dès le début, j’ai proposé un contrat à l’ancien ministre pour lui dire de me faire un contrat de prestation. Ce qu’il n’a pas voulu signer du tout.
Vous fustigiez tout à l’heure le fait que le ministre ait anticipé votre départ. Quelle lecture vous en faites ?
Je ne sais pas si le ministre a souhaité que je continue ou pas. Parce qu’il ne m’a pas rencontré. L’ancien ministre Abdoul Aziz Mbaye, lui, m’a rencontré plusieurs fois. D’ailleurs, ce dernier m’a nommé sans me connaître. Cela a été vraiment une surprise pour moi, parce qu’il m’a juste appelé un jour pour me nommer à la Biennale alors qu’il ne me connaissait même pas. Lui, quand il a entendu les rumeurs de démission, il m’a appelé dans son bureau.
On n’a parlé longuement. Le jour où on a annoncé ma démission en pleine édition de la Biennale, j’étais avec lui à Popenguine : c’était le 16 mai dernier. Le lendemain, je crois, j’étais dans son bureau vers 22 heures, et je suis revenu sur ma décision. Une chose que j’ai faite par respect pour tous les gens qui étaient là.
Mais au fond de moi, je me disais qu’est-ce que je fais encore là. Je ne pouvais plus continuer à faire du bénévolat. En revanche, l’actuel ministre ne m’a pas rencontré. Du moins, après ma lettre de démission. Il ne m’a ni appelé ni donné rendez-vous. Il a juste envoyé un arrêté de mon remplacement.
Dans une interview que vous avez accordée à Rewmi quotidien, vous avez pourtant déclaré que tout était rentré dans l’ordre...Que s’est-il passé après ?
Ce qui s’est passé, c’est que quand j’ai rencontré le ministre Abdoul Aziz Mbaye dans son bureau, il y a eu des promesses. J’ai donc dit dans la presse que les choses étaient rétablies, parce que simplement il y avait des promesses.
Quelles étaient ces promesses ?
Il m’avait promis par exemple que je serai véhiculé. Encore une fois, je suis resté pendant plus d’un an sans voiture. La voiture est venue après la première semaine de la Biennale. Encore que ce véhicule je l’ai acheté en puisant sur le budget de la Biennale. Ce budget tourne autour de 339 millions.
En tout cas, pour 2014. Ensuite, le ministre m’a promis un rétablissement de ma situation. Jusque-là, elle ne l’est pas encore. Donc je suis véhiculé certes, mais jusqu’au 30 novembre dernier je n’ai jamais été payé.
Au regard de la situation, avez-vous le sentiment que les autorités n’ont aucune considération pour la Biennale des arts ?
Absolument ! Je crois que les autorités ne se rendent pas compte de l’importance de la Biennale. Tous les professionnels d’art et de culture connaissent la Biennale de Dakar de même que son importance. Au-delà des enjeux artistiques, il y a aussi des enjeux socio-économiques, parce que nous recevons beaucoup de touristes, des gens qui sont logés à l’hôtel, qui mangent dans nos restaurants, qui prennent nos taxis. Il y a une activité économique importante.
Au- delà de ça, il y a aussi des enjeux sur le plan social. La Biennale, c’est au moins 200 emplois directs. Donc il y a une activité économique qui n’est pas négligeable. Mais je pense que les autorités en général ne se rendent pas compte de l’importance de cette manifestation-là. Les autorités ne donnent pas beaucoup d’importance à la Biennale de Dakar.
Comment la Biennale compte aujourd’hui payer les dettes de Bolloré ?
Avant de partir, j’ai rencontré le nouveau Pdg de Bolloré avec le ministre de la Culture. On n’a parlé longuement dans son bureau. Il a accepté de faire partir les œuvres parce qu’elles étaient coincées à Dakar. De juin à fin octobre, les œuvres étaient toujours à Dakar.
C’est en début novembre que le retour a commencé parce que le Pdg de Boloré a accepté avec comme condition, une lettre de reconnaissance de dette que j’ai faite. Il a accepté de transporter les œuvres pour le retour et d’être payé en 2015.
Cela veut dire qu’avant la prochaine Biennale, il faudra impérativement éponger ces dettes ?
Mais ça c’est récurrent. Quand je suis venu à la Biennale en mars 2013, j’ai payé les dettes de la Biennale de 2012. Comment créer dans ces conditions, une bonne biennale, si chaque fois on est endetté ? C’est impossible !
Il se dit que vous durant votre magistère, vous n’étiez pas très aimé des secrétaires généraux qui sont passés avant vous. Cela est-il vrai ?
Non ! Je ne le pense pas. J’ai eu de très bons rapports avec Amadou Lamine Sall, avec Ousseynou de même que Rémy. Donc je n’ai pas eu de problèmes particuliers avec eux. Personne d’entre eux ne m’a montré en face qu’il ne m’aimait pas.
Le fait que vous ne soyez pas un produit du ministère de la Culture n’a pas été en votre faveur selon certains, et beaucoup de critiques se portaient sur vous ?
Je pense que ça, c’est un faux débat. Quand on regarde le ministère de la Culture, on remarque que des responsabilités sont données à des retraités alors que les jeunes sont là. Il y a des jeunes qui sont bons. Ils ont fait de bonnes formations avec des Masters 2 à l’Iseg, au Cesag, à Alexandrie, à Saint-Louis.
Ces jeunes-là, on pouvait les donner des postes de responsabilités. C’est faux de dire que les universitaires envahissent le ministère de la Culture. C’est vrai qu’il y en a quelques-uns.
D’ailleurs, on voyait qu’on gênait un peu. Mais nous apportons seulement notre expérience. Et pis, la Culture n’appartient pas seulement à ceux qui travaillent au ministère de la Culture. Il faut que les gens le sachent. Je ne suis pas un produit du ministère. Mais je crois que j’ai fait un bon bilan.
Quel est ce «bon bilan» ?
En moins de 2 ans, j’ai organisé un symposium sur les métiers des arts visuels, c’est-à-dire une formation qui a été destinée aux acteurs culturels mais aussi aux artistes. Pendant deux semaines, on formait des jeunes. J’ai également fait un Salon sur la sculpture africaine contemporaine.
Et ça, ce sont des activités qui sont faites hors de la Biennale. Cela faisait d’ailleurs longtemps que la Biennale n’organisait pas des activités de la sorte. J’ai fait aussi la Biennale de 2014 qui a été une réussite malgré les dettes et les problèmes que nous avons rencontrés.
Tous s’accordent pour dire que cela a été une réussite. Je voulais numériser tous les dossiers des artistes de 1990 à 2014, les mettre dans une base de données ainsi que les ouvrages, les catalogues et les documents audiovisuels. On l’a commencé et je pense que mon successeur va le continuer. L’autre chose, est que j’ai réalisé en moins de deux ans, un documentaire sur l’histoire de la Biennale.
J’ai réalisé aussi un clip qui a été une première pour la Biennale. Ce clip, aujourd’hui sur Youtube, est à plus de 4 000 mille vues. On a aussi une page Facebook qui a aujourd’hui 4 000 amis. Tout cela est disponible dans le rapport qui est public. Je pense avoir fait un bilan positif malgré tous les problèmes que nous avons rencontrés.
Vous avez également signé un partenariat avec la Royal Air Maroc. Ce pacte sera-t-il toujours en vigueur après votre départ ?
Cela aussi, c’est l’un des points forts de mon bilan. Pour la première fois dans l’histoire de la Biennale, j’ai signé des contrats mais importants. La Ram (Royal Air Maroc) nous a octroyé 60 billets d’avion.
Donc tous les artistes et invités ont pratiquement voyagé gratuitement. Et ce contrat-là, va continuer heureusement pour trois éditions, c’est-à- dire 2014, 2016 et 2018. Mon successeur va continuer ce contrat avec eux.
Quels sont les grands acquis que vous léguez à votre successeur ?
Les grands acquis, ce sont les activités inter biennales. Je pense que rester deux ans sans rien faire, ce n’est quand même pas bien. On a tellement de choses à faire. C’est la numérisation de tous les documents, tous les dossiers de la Biennale, tous les livres, les ouvrages et revues de la Biennale de 1990 à maintenant...
Ce sont aussi les partenaires que j’ai pu avoir. Cette Biennale a été aussi une réussite diplomatique parce que j’ai invité le Maroc et l’Algérie, deux pays qui, sur le plan diplomatique, connaissent des difficultés. Mais heureusement que la culture permet de réunir les peuples. Les deux pavillons des deux pays étaient face-à-face et il n’y a pas eu de problèmes...
Avant vous, il y a eu des démissions : Massamba Guèye à Sorano, Pape Massène Sène au Secrétariat du ministère de la Culture, Mariama Ndoye Mbengue de la direction du Livre. Finalement, est-il difficile de collaborer avec la tutelle ?
C’est très difficile ! Ça je vous le confirme. Le problème n’est pas Mbagnick Ndiaye ou Abdoul Aziz Mbaye. Ce sont des lobbys qui existent dans ce ministère. Je vous l’ai dit tout à l’heure, il y a des retraités qui sont là et je me demande qu’est-ce qu’ils font et pourquoi on ne donne pas la responsabilité aux jeunes ?
Le problème ce sont ceux qui sont autour du ministre. Je me rappelle très bien d’une phrase de Youssou Ndour qui disait qu’il peut être un bon président de la République parce qu’il va recruter de bons conseillers. Si le ministre est bon et que ses conseillers sont mauvais, ça ne marchera pas. Je ne citerai pas de noms, mais ses plus proches collaborateurs, ce sont eux le problème et non le ministre.
Il y a un lobbying qui est là formé par les collaborateurs du ministre. Là où il y a un problème avec le ministre, c’est que parfois il confond la culture et le folklore. Je n’ai rien contre le ministre Mbagnick Ndiaye mais on ne peut pas réduire la culture au NdefLeng. C’est beaucoup plus vaste que cela. Il faudrait qu’on sache que la Culture est très complexe. Elle est différente du folklore.
A vous entendre, on dirait que vous partez de la Biennale avec un goût amer ?
Un goût amer ? En tout cas, j’ai eu de très bons contacts. Je ne le regrette pas. J’ai eu un très bon carnet d’adresses. J’ai voyagé partout et rencontré beaucoup d’experts de l’art. On a reproché beaucoup de choses aux jeunes de mon équipe. Mais ils sont compétents...
Ce sont des jeunes dévoués compétents et qui savent ce qu’ils font et qui sont là depuis 10 ans, 20 ans. J’ai même envie de dire qu’ils bossent mieux que moi. J’ai eu des contacts qui ont fait que je n’ai pas regretté de diriger la Biennale.
Parce que j’ai rencontré des gens vraiment sympas. Par conséquent, je ne peux pas dire que je pars avec un goût amer. Je fais juste un constat : tant que les problèmes ne seront pas résolus, la Biennale sera toujours confrontée à des difficultés.
Quels ont été vos plus grands regrets durant votre magistère ?
Mon plus grand regret, c’est de ne pas accompagner les réformes de la Biennale. D’ailleurs, j’ai été nommé pour cela. Il m’avait dit qu’il veut que je porte les réformes de la Biennale. On les a entamées et je voudrais souligner une chose sur les rumeurs et tout ce qui a été dit. Le projet de réforme de la Biennale, c’est une question qui est là depuis longtemps.
Ça ne vient pas de l’Union européenne, même si elle a participé récemment en nous envoyant un expert. Là aussi, il y a problème. Cette année, l’Ue n’a rien fait pour la Biennale. En même temps, elle nous envoie un expert pour la réforme de la Biennale. Je ne comprends pas ce deux poids, deux mesures. S’ils ne veulent pas financer la Biennale, qu’ils nous laissent tranquilles.
J’avais établi un chronogramme qui fait que d’ici à 2016, la Biennale allait devenir une fondation. C’est vraiment mon plus grand regret. Quoi qu’on puisse dire, la Biennale ne doit plus continuer à être rattachée au ministère de la Culture.
Est-ce que vous vous attendiez à tout ce que vous avez vécu là-bas ?
Non. Je ne m’y attendais pas. Mais cela a été une bonne expérience. Vu de l’extérieur, tout le monde pense que la Biennale draine beaucoup d’argent, n’a pas de problèmes. Nous on fait tout pour leur montrer un visage reluisant de la Biennale. Mais elle se tient avec des problèmes. Le principal problème est pécuniaire.
Comment voulez-vous qu’une structure comme la Lonase, qui donne des millions dans les autres manifestations, n’octroie qu’un million à la Biennale ; le Port autonome de Dakar qui gère des milliards ne nous donne que 3 millions, la fondation Sonatel qui pouvait faire plus, n’a donné que 6 millions. D’ailleurs, on n’a même pas encore reçu ces 6 millions. Donc nos partenaires locaux ne font presque rien. Ils ne participent pas au développement de la culture.
C’est tout le contraire des partenaires étrangers comme Eiffage. Même si elle n’est visible que dans le Off. L’Etat est le premier grand financier. La moitié du budget est prise en charge par l’Etat. Ce dernier a financé la Biennale de 2014 pour 339 millions.
Au-delà des difficultés que vous évoquez, est-ce que la Biennale n’est-elle pas menacée ?
J’espère que mon successeur est conscient de tous ces problèmes et qu’il va tout faire pour y remédier. Je suis convaincu d’une chose, si on passait à la fondation, la Biennale pourrait être pérenne parce qu’il y a beaucoup de sociétés qui refusent de financer la Biennale parce qu’elles se disent qu’en la finançant, elles en font de même pour l’Etat sénégalais.
Mais il ne faut pas confondre autonomie et indépendance. Dans tous les cas, la Biennale aura besoin de l’Etat sénégalais de soutien financier et matériel. Si on a une fondation, le secrétaire général sera nommé par les conseillers de la structure...
Quels sont aujourd’hui vos projets ?
J’ai beaucoup de projets au courant de l’année 2015. J’avais une agence d’art que j’ai créée depuis 2010, que j’avais arrêtée parce que les activités de la Biennale ne me permettaient pas d’être actif. Donc je vais la reprendre. Il y a aussi des projets d’expositions en cours de l’année 2015, des sites de conférences par rapport à mes cours de Masters 2 dans les galeries, les instituts.
Donc je vais sortir un peu du campus avec les étudiants. En mars 2015, je dois animer des cycles de conférences à l’école nationale de Bourges en France. En gros, ce sont là mes projets