MULTIPLE PHOTOSQUI RÉPOND DE L'ORDRE PUBLIC ?
Cet homme nu, sac au dos, cigarette à la main et chaussures aux pieds, qui poursuit son chemin dans les rues de Dakar comme si de rien n'était, est ce qu'il est convenu d'appeler un fou. (Voir photo). Je vous épargne du reste. Pensez plutôt à ceux qui comme moi l'ont croisé et surtout nos candides petites filles qui ont eu cette malchance. Pourtant la seule réponse des passants à la vue d'une telle impudicité est de tourner lamentablement les yeux ailleurs se contentant de se dire : «c'est un fou».
J'ai voulu mieux faire, l'incident m'ayant rappelé le premier fou que j'ai vu se déshabiller sur la voie publique dans les années 60. C'était juste devant notre immeuble à l'avenue Barachois, j'avais une douzaine d'années et la plupart de nos voisins étaient encore des blancs dans cette partie de Dakar. Ils avaient certainement usé des téléphones dont eux seuls disposaient à l'époque, pour appeler la police et ces derniers avaient fait mieux que les pompiers en terme de diligence, pour arriver sur les lieux et embarquer manu-militari ce cinglé.
Aujourd'hui tout le monde a le téléphone mais personne n'est motivé à appeler la police pour autre chose qu'un accident de la circulation. Il y a là de quoi s'interroger sur notre relation avec la technologie moderne. Pourquoi, contrairement aux citoyens des pays développés, cela ne nous rend pas plus efficient ? Pourquoi les utilitaires les plus indispensables de nos jours deviennent entre nos mains de simples gadgets ?
Voulant faire mieux, j'ai utilisé mon smartphone pour prendre des images probantes et les diffuser espérant que cela servirait d'alerte. S'en arrêter à juste me dire «c'est un fou» ne pouvait être une réponse satisfaisante pour moi, devant un stigmate aussi affreux des stupidités dont souffrent à l'envi notre capitale.
Ce sujet est un malade mental. Tout le monde est d'accord, mais mettez lui ses habits et vous verrez combien il serait difficile de le distinguer de gens supposés normaux dont le comportement dans la rue est exactement comme le sien.
Comment peut-il dès lors se distinguer dans son rôle de fou ? Sinon qu'en exagérant jusqu'au-delà des limites, sa déviation par rapport aux normes sociales. Il fait quand même partie de la société et de par sa façon de vivre, inquiétante toujours aux frontières du normal, il renvoie à nous autres "bienséants" une image qui constitue un formidable révélateur des orientations de notre société. Cette maladie mentale dont il souffre est un cas parmi tant d'autres dans le registre de la "folie".
Quand il arrive à faire des kilomètres dans la capitale en tenu d'Adam, cela nous en dit long des insuffisances de notre système.
Génie ou stupidité ?
Il est devenu banal chez nous de voir le commun des gens se soulager sur la voie publique comme le fait ce malade mental. D'autres se pavaner guère plus propre que lui, avec la culotte ceinturée en dessous des fesses, sans parler de la quasi-totalité de la population qui traverse la chaussée de la même façon que les moutons. Alors regardons la vérité en face, il y a tout autour de nous plus grave que l'exhibitionnisme de ce malade mental.
Prenez la portion de route qui va du carrefour de la foire à l'aéroport Léopold Senghor. Des milliards d'investissement pour qu'à terme nous nous retrouvons avec des piétons qui traversent la voie d’une manière désespérément stupide et plus dangereuse que ce qui prévalait avant. L'on a juste ajouté au piéton un terre-plein central à enjamber, devenu de surcroît un dépotoir et lieu de soulagement.
Réfléchissez sur le cas de ce collectif qui s'était formé pour la défense d'enseignants pris en flagrant délit de tricherie pour devenir des maîtres-assistants, avec pour seul argument le fait que ce statut frauduleusement acquis était vital à leurs familles.
Que dire de ces "religieux" qui se mobilisent pour que l'on épargne un juste procès à des personnes soupçonnées de détournement de deniers publics, au vu des biens faramineux acquis comme par enchantement aussitôt nommés à un poste et ostensiblement étalés devant la population.
Quid de ces dahiras qui squattent la nuit les voies éclairées des quartiers, accrochent leurs hauts parleurs aux poteaux électriques et orchestrent un tapage nocturne, sans se soucier pour le sommeil des voisins, au nom d'une religion qui commande de respecter son prochain ?
Qui peut dire de tous ces gens, le malade mental qui se promène nu, les ordonnateurs d'ouvrages ruineux et désastreux, les gens dont la compassion occulte la raison, les religieux qui entravent la marche de la justice, tous fous d'une certaine manière, qui est le moins nuisible à la société ?
N'est-ce pas le malade mental, car lui, à cause de sa maladie, ne s'associe jamais pour commettre ses gaffes. Vous n'entendrez jamais une mutinerie dans un asile de fous ou un viol collectif perpétré par des fous. C'est pourquoi les autres cas de folie sont plus redoutables et nuisible à la société.
Si on doit être indulgent envers la folie des êtres humains soyons-le envers le malade mental «avéré» et surtout soyons juste avec lui ! Si les autorités doivent sévir avec diligence pour nous épargner ses déviations hors limites, qu'elles fassent de même à l'encontre de toutes les personnes et groupes de personnes menant ces actes pernicieux, qui font le mal vivre des Dakarois. Ce serait injuste de discriminer le sujet malade juste parce qu'il n'y a pas à craindre de lobby ou syndicat de son initiative, capable d'occuper les média ou de mobiliser autour de la place de l'Obélisque.
Le temps de la tolérance zéro
Alors à partir de cet incident insolite, j'invite les autorités et la société civile à aller au delà de l'image choquante de cet exhibitionniste de "malade mental" pour s'intéresser à tout ce que cela révèle et éclaire de notre société- le niveau du laisser-aller qui prévaut dans Dakar et l'indisponibilité de recours pour les citoyens, impuissants à faire face aux affronts et agressions permanents.
À Dakar hélas, la frontière entre la normalité et la folie est très ténue. Ici, presque tout le monde franchit tous les jours la limite de ce qui est établi comme la norme sociale. C'est l'alerte que notre sujet malade, inconsciemment, adresse aux promoteurs du PSE : «corrigez les folies ambiantes et pernicieuses qui gangrènent la société, sans quoi aucun impact positif de votre Plan n'est possible». Qui répond de l'ordre public ? Il est temps que les autorités se posent sérieusement la question avec l’esprit résolument orienté vers des résultats probants.
Le stress fait plus de victimes que le paludisme et le sida réunis à travers les AVC, les hypertensions chroniques et arrêts cardiaque qui emportent chaque jours des vies prématurément. Aucun fond venant de l'extérieur ne viendra s'en occuper à notre place. Il urge pour les autorités de venir au secours des citoyens par la prévention : traquer les causes de stress et les contrôler le mieux qu'elles peuvent. Dakar leur en saura tellement gré.