UN PATRIMOINE EN QUÊTE D’UNE NOUVELLE JEUNESSE
FORT FAIDHERBE DE PODOR

Le Fort Faidherbe de Podor est dans un piteux état. Ce patrimoine historique et culturel, érigé pour la première fois en 1774 par Pierre Barthélémy David, menace ruine. Certes, une partie a été réhabilitée en 2006 par la France, mais si rien n’est fait, un pan important de notre mémoire risquera d’être perdu.
Le Fort Faidherbe de Podor est dans un état de dégradation avancé. Il menace ruine. Selon Abdourahmane Niang, un historien de 82 ans, le premier fort fut construit en 1774 par Pierre Barthélémy David, gouverneur de la concession du Sénégal pour la compagnie des Indes.
« Pierre David a acheté le terrain de 4 hectares des mains du Satigui du Fouta Konko Boubou Moussa, l’oncle de Samba Guélaguédji. Il y a érigé le fort en 1774 », renseigne M. Niang, enseignant à la retraite. S’intéressant beaucoup à l’histoire de la zone, il ajoute que la construction de l’édifice prit fin en 1854.
« Le Fort a été construit en 6 mois avant d’être abandonné. Faidherbe l’a reconstruit en 45 jours », précise-t-il.
Le Fort est situé au quartier Thioffi, au nord-est de la ville. Au départ, il s’étendait sur près de 4 hectares, selon M. Niang. Dans le même temps, le fort était étendu jusqu’au fleuve, sa façade correspondant en partie à l’emplacement actuel du Cem Thierno Mountaga Amadou Tall. Cette extension a aujourd’hui totalement disparu.
Depuis l’indépendance et le retrait des Français, il s’est considérablement rétréci. Actuellement, le Fort n’occupe qu’une portion congrue. L’espace a été morcelé. Les autres bâtiments et espaces sont occupés par d’autres services. Une partie du musée abrite la bibliothèque municipale, un autre bâtiment a été réhabilité et transformé en hôtel (Résidence Belly Torodo).
Selon des témoignages, l’hôtel de ville et la Case foyer sont également construits sur une partie de ce qui constituait l’ancien fort. Maintenant, regrette Abdourahmane Niang, le fort ne donne plus accès au fleuve et n’est que l’image d’un lieu abandonné à son triste sort. Jusqu’en 1960, le fort était occupé par les Français.
Haut lieu de la pénétration coloniale
Le Fort Faidherbe est composé d’un bâtiment imposant avec deux autres en annexe surplombant un mur de clôture, le tout aux couleurs jaunes et ocre. Une fois la grande porte d’entrée franchie, l’on fait face au bâtiment central, un étage avec un rez-de-chaussée quadrillé par deux bâtiments annexes situés aux extrémités gauche et droite.
A la véranda du grand bâtiment, deux portes: l’une donne accès à une chambre à gauche menant vers les escaliers et une salle faisant également office de bibliothèque où des tableaux et photos sont accrochés aux murs et des livres sont superposés sur deux tables.
La porte de droite conduit à quatre chambres: un salon donnant à une suite avec une porte de sortie vers l’arrière du bâtiment et deux autres à droite où sont exposés dans des vers, le matériel d’un photographe du musée, dans la première salle, et des objets anciens abandonnées par des Sérères.
L’une des pièces, explique le vieux Ibrahima Sy, collaborateur du conservateur, servait de chambre au gouverneur Faidherbe. On y retrouve un lit en fer, une valise en bois de couleur noire. Avant cette chambre, il y a le salon avec une salle à manger et une petite armoire. Dans une autre chambre, on y retrouve une monture et un fusil.
A défaut d’avoir le conservateur, nous nous sommes contentés des explications de son collaborateur Ibrahima Sy. C’est en sa présence que nous avons visité l’intérieur de ce labyrinthe. Des expositions à travers des cartes retracent l’histoire, la situation géographique, des objets archéologiques, photos d’archives accrochées un peu partout sur les murs.
On y retrouve également des expositions sur l’archéologie des peuplements anciens et recherches archéologiques, sur Louis Léon César Faidherbe (1818-1889), ancien gouverneur du Sénégal, sur la colonisation notamment l’occupation commerciale des Européens, des Portugais, Français, Hollandais et Anglais, sur El H. Omar Tall : l’homme et ses périples, ses conquêtes et œuvre, sur l’Islam et la guerre maraboutique et sur la restauration du Fort.
Réhabilitation partielle en 2006
En dehors du bâtiment central, le Fort est composé de quatre tours de contrôle avec des canons qui donnaient une vue directe sur le fleuve et le reste de la ville. Le bâtiment qui se trouve à gauche à l’entrée servait de magasin d’habillement alors que celui qui est à droite était destiné à l’armement.
Ce fort vieux de près de 240 ans est dans un état de délabrement très avancé.Certes une partie a été réhabilitée en 2006 par la France, mais ce patrimoine historique et culturel est en quête d’une nouvelle jeunesse. Les murs de couleur jaune sont défraîchis et fissurés. Certaines tours ne sont plus fréquentables car elles menacent de s’effondrer à tout moment.
C’est le cas de la tour 4 située tout juste à l’entrée et qui servait d’écurie aux colons. « N’entrez pas. Depuis quelques temps, nous interdisons aux visiteurs de pénétrer dans cette tour car elle commence à s’effondrer », nous lance M. Sy.
Recevant la visite des touristes et autres, le fort est sans eau, ni électricité. « Il attire beaucoup de touristes mais il doit être bien géré. Il n’a ni eau ni électricité. Il a tout ce qu’il faut pour abriter des manifestations culturelles », déplore Eric Sylvestre, cogérant d’une résidence hôtelière.
Cette situation sera bientôt qu’un mauvais souvenir selon le collaborateur du conservateur. « Des travaux ont été entrepris par le ministère de la Culture pour l’installation de sanitaires et l’électrification du fort. Il ne reste qu’à faire la demande à la Senelec. Pour l’eau, il reste encore », s’empresse d’ajouter Ibrahima Sy. Le fort est transformé en musée régional et confié au ministère de la Culture.
Le Fort selon Le chevalier de Boufflers
Croulant sous le poids de l’âge, ce patrimoine historique classé reçoit néanmoins des touristes étrangers et des nationaux. « La visite est gratuite pour les nationaux, mais les étrangers déboursent 1.500 FCfa par personne pour y accéder. Cette somme est demandée pour faire face aux problèmes d’entretien. Il n’y a n’a pas de budget pour faire face aux charges », informe M. Sy.
Il déplore tout de même le fait que les Podorois ne s’intéressent pas à ce patrimoine qui renferme une partie de leur histoire. « Nous recevons beaucoup de touristes. Rien que le bateau Bou El Mogdad peut verser jusqu’à 80 visiteurs par mois sans compter ceux qui viennent individuellement », ajoute M. Sy.
« Des Sénégalais visitent le fort mais les Podorois ne s’y intéressent pas. C’est déplorable », fulmine-t-il. « A défaut d’aller à Gorée, nous faisons visiter à nos élèves le fort qui renferme une bonne partie de notre histoire coloniale », renseigne Sana Badji, professeur d’histoire et de géographie au Cem Thierno Amadou Tall.
En 1787, le fort se présentait ainsi selon le chevalier de Boufflers : « C’est une cour carrée entourée de quatre mauvais bâtiments à rez-de-chaussée, sans plancher, sans plafond, couvert de planches mal jointes et dans chaque coin des espèces de tourelle dans l’une desquelles demeurent le commandant ».