VOL AU DESSUS D'UN NID DE COQUINS
Même s’il est prématuré de dire qu’Aïda Ndiongue s’est tirée d’affaire, il demeure que cette affaire interpelle. Il s’agit de répondre à une exigence, à savoir la nécessité de la reddition des comptes sans connivence ou combinazione
Poursuivie pour détournement de deniers publics et escroquerie portant sur 20 milliards de francs Cfa, Aïda Ndiongue a été relaxée hier jeudi 28 Mai, par le tribunal correctionnel de Dakar après un séjour carcéral de 18 mois à la prison pour femmes du Camp Pénal de Liberté 6. Si pour son avocat, c'est bien la preuve que notre pays regorge de "magistrats courageux", pour d'autres, c'est plutôt la résultante d'arrangements et de combinaisons souterraines. A moins que disent d'aucuns, cela ne soit tout simplement le reflet d'une terrible légèreté. Aussi certains de prédire la libération prochaine de Karim comme si celle de l'ancienne sénatrice libérale rendait caduque toute velléité de lutte contre les biens mal acquis et ouvrait de grands boulevards à l'expression de l'impunité. Faut-il le rappeler , des biens en argent , en bijoux précieux estimés à 47 milliards de francs Cfa avaient été transférés des comptes de Mme Aida Ndiongue logés à la Cbao à la Caisse des dépôts et consignations.
Autant d’argent qui circule pouvant constituer une arme de destruction massive susceptible de procéder à de véritables coups d’Etat “judiciaires”, bousculant tout sur son passage. Est-cela qui fonde la confiance soudaine de Karim jusqu’à donner rendez-vous à ses frères et sœurs de parti pour bientôt ?
Le journal l’As relevait ainsi qu’en recevant en mars dernier plusieurs jeunes libéraux Karim Wade leur a tenu un discours quelque peu sibyllin. “Les affaires judiciaires ne doivent pas vous préoccuper ; il y a des gens qualifiés qui s’en occupent” a-t-il indiqué. Se voulant rassurant il leur a dit : «Tout le monde sait que je suis injustement condamné, mais ne vous en faites pas, je vais bientôt recouvrer la liberté”. Les invitant à descendre sur le terrain, il s’est fait catégorique : «Ne vous souciez pas des problèmes de logistique, je m’en occuperai».
Si l’on ne peut se réjouir de l’incarcération de telle ou telle personne, il reste que l’on ne peut accepter que ce pays qui souffre du chômage des jeunes, de la malnutrition des enfants ; de la grande pauvreté des couches paysannes, puissent être pressurée en toute tranquillité. Voilà un pays pauvre qui regorge de milliardaires, non point pour avoir créé des usines, produit de la richesse mais au contraire pour avoir été l’expression d’une bourgeoisie parasitaire qui s’est construite du fait de la seule proximité avec les pouvoirs en place. Que n’a-t-on entendu pour justifier des fortunes immenses . “On m’a fait cadeau de ceci, de cela. L’Etat m’a fait des commandes”; mais jamais l’on ne vous dira :” j’ai créé une usine, une ferme avec un chiffre d’affaires de tant, des bénéfices nets de tant après déduction des diverses taxes et impôts” . Non on se refugie plutôt derrière l’Etat.
Même s’il est prématuré de dire que Mme Aïda Ndiongue s’est tirée d’affaire, vu que le procureur a interjeté appel et que Alioune Ndao, l’ancien Procureur spécial de la Cour de répression de l’enregistrement illicite (Crei), avait saisi la Commission d‘instruction qui après avoir ouvert une information judiciaire, l’avait inculpée pour enrichissement illicite portant sur un montant de 41 milliards, tout en se gardant de lui décerner un second mandat de dépôt, il demeure que cette affaire interpelle à plus d’un titre. Il s’agit en effet de répondre effectivement à une exigence fondatrice et salvatrice, à savoir la nécessité de la reddition des comptes qui ne saurait souffrir d’aucune connivence ou combinazione. C’est le prix à payer pour que le Sénégal puisse emprunter le chemin du développement réel.
En effet si d’aucuns pensent que leur liberté leur a été volée il n’en manque pas pour penser que la justice leur a été volée. On ne sait plus qui est qui, plongés que nous sommes dans une nébuleuse où tout le monde est à la fois coupable et victime. Aussi peut-on s’interroger, avec ce haut vol au dessus d’un nid de coquins, s’il ne faudrait pas tout simplement fermer les prisons pour ne pas risquer d’y isoler les seuls voleurs de poules ?