CHEIKH MBACKÉ, LE BOTTIER QUI VEUT FAIRE MARCHER LE MONDE
Fabricant de chaussures « Made in Sénégal », le jeune Cheikh Mbacké Thiam est droit dans ses bottes quand il déclare vouloir industrialiser son artisanat
A proximité de l’atelier de Cheikh, s’exhale une odeur de colle et de peaux de bêtes tannées. Devant la cordonnerie, le bonhomme trentenaire n’a pas encore jugé nécessaire d’apposer une enseigne. Sa renommée semble dépasser son quartier de Hamo 3 à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise, où les gens le surnomment « Cheikh Dall (chaussures en langue wolof) ». Son ambition est de transformer cette identité en opportunités, comme hisser sa botterie au niveau des grandes marques internationales.
Donnez du tissu à Cheikh, il vous le transforme en chaussure ! Rien n’est un secret pour lui dans sa fabrication. Il est à la fois designer, formier, patronmodéliste et coupeur. Comme un spécialiste du « système D », il procède également au piquage, à la mise en forme, au semelage et au bichonnage pour à la fin produire des souliers, bottes, espadrilles ou autres sandales.
Pour se faire remarquer dans son artisanat, il a décidé de ne pas faire comme les autres. Si les Africains utilisent le tissu Wax pour leur habillement corporel, il s’en sert plutôt comme une des matières premières de ses chaussures. « Ce qui différencie mes chaussures de celles fabriquées en Occident, c’est d’abord les couleurs vives que j’utilise, mais aussi le Wax et autres accessoires qui rendent plus belles mes créations », souligne-t-il, vêtu d’un t-shirt rouge assorti d’un jean vert.
L’envol ?
Le magasin de Cheikh Dall n’est pas encore le grand luxe, mais l’oiseau fait petit à petit son nid. Pour le moment, deux machines à coudre, un tabouret et une petite planche font le décor. Coupures de tissu et pots de colle, entre autres matériaux, parsèment également ce modeste atelier. Le propriétaire s’y active quotidiennement, à coup d’innovations, pour se faire une place dans un marché fortement dominé par l’industrie de masse et les commerçants chinois.
« Nous avons déménagé ici il y a moins de deux mois. Mais nous n’avons pas encore fini d’aménager », explique le corpulent bonhomme à la taille moyenne, avant de nous indiquer des sacs cossus contenant des peaux de vaches tannées où il installe clients et visiteurs.
Avant de se mettre à l’ouvrage la matinée, il prend le soin de bien nettoyer une de ses machines qui commence à prendre de l’âge. « Elle est vieille et très capricieuse. Et vu que je suis pressé, je ne veux pas qu’elle me joue des tours pendant mon travail », dit-il alors que son téléphone, entre les mains d’un de ses proches, se met à sonner. Mais il ne veut nullement être perturbé si ce n’est une personne qui appelle pour passer une commande.