AIR FRANCE ET CORSAIR SE BOUSCULENT AUX PORTES D’AIR SENEGAL
Six ans après sa création, la compagnie aérienne nationale Air Sénégal connait une croissance fulgurante malgré une organisation décriée et une planification des vols à améliorer.
Six ans après sa création, la compagnie aérienne nationale Air Sénégal connait une croissance fulgurante malgré une organisation décriée et une planification des vols à améliorer. Un succès qui pousse les deux compagnies aériennes françaises, à savoir Air France et Corsair, à multiplier les manœuvres diplomatiques et les acrobaties financières pour entrer dans le capital d’Air Sénégal. Des manœuvres qui suscitent des craintes et des réticences au niveau des cadres de la compagnie nationale craignant une éventuelle arrivée de Corsair ou Air France qui, selon eux, risque de plomber les ailes d’Air Sénégal.
Depuis quelques mois, la situation sécuritaire, politique et diplomatique s’est détériorée au Sahel et plus généralement dans toute la sous-région ouest-africaine. Un ciel nuageux et menaçant qui a poussé la compagnie aérienne Air France à suspendre ses vols vers Ouagadougou (Burkina Faso), Bamako (Mali), Conakry (Guinée) et Niamey (Niger) jusqu’à nouvel ordre. Ce alors que, jusque-là, Air France était considérée, du fait de ses nombreuses liaisons régulières et de la qualité de ses services, comme la porte d’entrée directe des Maliens, Burkinabés, Guinéens, Nigériens vers l’Union Européenne. En même temps, c’est elle qu’empruntaient les nombreux ressortissants de ces pays dans l’espace Schengen pour rentrer chez eux. Souvent, d’ailleurs, la compagnie hexagonale était la seule à effectuer des vols directs en provenance de ces pays vers la France.
Hélas, du fait de la dégradation de la situation sécuritaire dans le Sahel et des nombreux coups d’Etat militaires qui se sont survenus, la multinationale Air France a perdu d’importantes parts de marché en Afrique de l’Ouest. Et ne compte pas laisser les opportunités de croissance créées par son désengagement volontaire ou subit à d’autres concurrents comme Air Sénégal qui bénéficie d’un atout majeur du fait de la position géographique et de la stabilité politique de notre pays. La compagnie aérienne nationale enregistre en effet une croissance plus rapide que la moyenne mondiale et continuer de capter, ces derniers temps, une très large clientèle composée de passagers maliens, nigériens, burkinabés et guinéens obligés de transiter par Dakar pour rallier l’Europe et le reste du monde. Ou, dans le sens inverse, de s’arrêter dans notre capitale avant de rejoindre leurs pays. Le fleuron en plein essor qu’est devenue Air Sénégal aiguise donc l’appétit des compagnies françaises Air France et Corsair qui font des pieds et des mains pour entrer dans son capital.
« Le Témoin » a d’ailleurs appris que les directeurs généraux de Corsair et d’Air France auraient sollicité directement le président de la République Macky Sall pour pouvoir acquérir des actions et « soulager » l’Etat du Sénégal par rapport à la réalisation de ses ambitions pour Air Sénégal. Toujours est-il que le ministre des Transports aériens, Doudou Ka, et le directeur général d’Air Sénégal, Alioune Badara Fall (réticents au départ) ont finalement engagé des discussions sur les modalités d’un éventuel partenariat que des employés-cadres sénégalais qualifient de « non-bénéfique » à long terme pour Air Sénégal.
« Dakar-Diass », un hub à conquérir !
Selon un cadre sénégalais d’Air Sénégal, ces Français ne viennent pas pour booster la croissance de notre compagnie nationale mais plutôt pour freiner son élan et son potentiel. « Ces drôles d’associés français viennent surtout pour prendre des parts de marché à Dakar histoire de récupérer celles qu’ils ont perdues dans les autres pays comme le Mali, le Burkina, le Niger et la Guinée où les compagnies françaises n’opèrent plus ! » confie ce cadre. Avant d’ajouter : « Depuis presque deux ans, la croissance d’Air France en termes de vols en Afrique est très limitée à cause des crises politiques provoquant des ruptures diplomatiques et autres restrictions avec la France. Donc, les compagnies Air France et Corsair veulent se rabattre sur Dakar pour en faire un « hub » régional où elles auront la possibilité de disposer de créneaux aéroportuaires pour connecter leurs réseaux de vols. Donc tout l’enjeu réside dans ce domaine stratégique. Pire, les Français vont imposer à Air Sénégal leur propre planning visant à détourner les passagers de la sous-région à partir de Dakar pour l’Europe et le reste du monde » estime notre interlocuteur.
Il est vrai que Corsair et Air France sont des géants du ciel en termes de chiffres d’affaire, de flotte, d’expansion de marchés etc. Malheureusement, la clé de leur succès repose en général sur une agression commerciale, une concurrence déloyale et une géopolitique de la ruse qui ne profitent guère à des compagnies remorques ou partenaires de second…ciel. A preuve par les droits de trafic entre Dakar et Paris que Corsair exploitait durant la période de faillite de Sénégal Airlines. Des droits de trafic qui ne rapportaient que des miettes à l’Etat du Sénégal.
Une chose est sûre, compte tenu de la tournure des négociations, il y a de très fortes chances de voir Air France ou Corsair entrer dans le capital d’Air Sénégal. En tout cas, il va falloir faire vite pour boucler ces négociations car si le président Macky Sall ne peut rien refuser à la France, il n’est pas dit que son successeur sera aussi accommodant que lui avec l’ancien colonisateur !