DES ECONOMISTES SE PRONONCENT …
Alors que la crise sanitaire du coronavirus en passe d’engloutir l’économie mondiale, le président Macky Sall s’engage dans le combat pour l’annulation de la dette des pays africains

Alors que la crise sanitaire du coronavirus en passe d’engloutir l’économie mondiale, le chef de l’Etat Macky Sall, quant à lui, s’est engagé sur deux fronts. D’un côté, éradiquer la pandémie du covid19 au Sénégal, de l’autre, mener au nom de tout un continent le combat pour l’annulation de la dette des pays africains auprès des bailleurs de fonds étrangers. S’agissant surtout de ce dernier combat, continental, des experts s’interrogent sur la pertinence de l’orientation des politiques publiques conduites par le pouvoir en place.
Plus d’un demi-siècle après les indépendances, une quarantaine de pays africains dont le Sénégal croulent toujours végètent toujours dans la pauvreté et sous le poids d’une dette estimée à 365 milliards de dollars. Une dette colossale dans laquelle la part du Sénégal représente 8231 milliards de francs Cfa. Comment pouvoir payer une telle dette, celle du continent mais aussi celle de notre pays, dans un contexte de crise sanitaire où, partout dans le monde, l’économie est au ralenti ?
Pour le chef de l’etat Macky Sall, il ne faut pas chercher loin car, d’après lui, urge d’adopter en faveur du continent « une stratégie d’annulation de la dette des pays africains assortie d’un plan de rééchelonnement de la dette commerciale qui permettra à l’Afrique, dans le cadre du nouvel ordre mondial, d’avoir un nouveau départ ». la réponse à une telle doléance n’a pas tardé du côté des pays prêteurs, notamment ceux regroupés au sein du g20 représentant les 20 plus importantes économies mondiales. en lieu et place d’une annulation, le g20 propose une suspension d’échéances pour une période de 12 mois afin d’assurer la survie des économies africaines. Bien évidemment, ce n’est pas ce que voulait le président Macky Sall !
Expert des questions liées à l’économie internationale, le professeur Malick Sané invite d’abord à une clarification des différentes formules utilisées en matière de dette qui sous-tendent les enjeux autour de ce débat enclenché par le président Macky Sall. a l’en croire, le terme annulation prôné par ce dernier renvoie à un effacement total de la créance ainsi que des intérêts qui l’accompagnent. Or, la suspension accordée par les pays étrangers, notamment ceux du g20, est un simple moratoire autrement dit un arrêt provisoire du paiement de la dette jusqu’à ce que s’améliore la situation de crise sanitaire. « L’autre formule utilisée, à savoir le rééchelonnement, consiste à étaler sur une période beaucoup plus longue le remboursement de la dette. Ce qui veut dire que le remboursement de la dette principale et des intérêts va se faire, mais de façon beaucoup plus souple en matière de paiement. Et cela va constituer en quelque sorte un budget de sauvetage des pays africains lourdement endettés parmi lesquels figure le Sénégal », a clarifié le professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop.
Donnant son point de vue sur l’initiative lancée par le président Macky Sall en faveur de l’annulation de la dette, M. Malick Sané estime que cette nouvelle tournure renseigne sur l’échec de nos politiques publiques. «Les gouvernements sont les premiers responsables d’un telle situation. Car pour avoir une indépendance, voire une autonomie économique, il faut plus de sérieux dans l’orientation des politiques publiques. Aujourd’hui, il est admis que les ressources de cette dette ont été mal gérées à travers des investissements pour la réalisation de grandes infrastructures pour le prestige mais non prioritaires. Le TER (train express régional) est une parfaite illustration de cet endettement massif à coup de milliards qui pouvait servir, par exemple, à réhabiliter le chemin de fer dans tous le Sénégal » soutient l’universitaire, Malick Sané.
À l’en croire, malgré la requête de Macky Sall en faveur de l’annulation de la dette, celle due aux investisseurs privés ne peut être annulée. (ndlr, le président de la république, qui en est conscient, veut juste un rééchelonnement de la dette commerciale). D’après le spécialiste de l’économie mondiale Malick Sané, l’erreur stratégique du gouvernement a été d’aller s’endetter lourdement auprès des investisseurs privés comme le Club de Paris où les taux d’intérêts sont très élevés et les durées de remboursement plus courtes. Et c’est pourquoi, explique-t-il, la situation risque de devenir intenable pour l’etat surtout dans la mesure où la dette privée ne s’annule jamais contrairement aux dettes multilatérales et bilatérales.
MEISSA BABOU, ECONOMISTE : « Le Sénégal ne peut bénéficier d’une annulation de sa dette »
Selon l’économiste Meissa Babou, contrairement aux Pays africains les moins avancés (acronyme PMa), le Sénégal ne peut bénéficier de l’annulation de sa dette. Or, une des possibilités qui s’offrait au Sénégal pour un éventuel effacement de sa dette était de figurer sur cette liste des PMA à l’image de la guinée où même du Mali. Il y a aussi le fait que la part des institutions financières internationales, qui auraient pu régler la situation, ne représente même pas 10 % de la totalité de sa dette. « Mais étant donné que nos politiques vantent le Sénégal partout ailleurs chiffres à l’appui comme étant un pays avancé avec une croissance économique de l’ordre de 7 % ; là on ne peut plus bénéficier de la faveur économique qu’est l’annulation de dette. L’autre réalité, c’est que le pays n’est pas dans une situation de crise incommensurable bien que nous soyons touchés par la pandémie comme d’autres pays. Il convient même de se demander ce qui se serait passé si par exemple tous les pays touchés par le covid19 demandaient la même chose par rapport à leurs créances. Ce sera l’hécatombe financier international», prédit M. Babou dans son analyse du nouveau combat économique porté par le président Macky Sall au nom du continent africain.
Le professeur d’économie à l’Ucad s’est aussi prononcé sur la question de la dette intérieure que l’etat doit au privé national. il rappelle que des entreprises nationales, ou en tout ça exerçant dans notre pays, courent derrière l’état pour obtenir le paiement de la dette colossale qu’il leur doit. il a fallu qu’elles le relancent de façon intempestive pour que le gouvernement décaisse 300 milliards dans une cagnotte à hauteur de 1000 milliards afin de soulager quelques-unes. «Toutes les entreprises qui ont eu à travailler avec ce régime sont dans la dèche. D’ailleurs, deux mois avant la pandémie du coronavirus, le FMI a dû intervenir pour sommer l’Etat du Sénégal de régler la question de cette dette intérieure », a rappelé l’enseignant en économie à l’Ucad.