DIAGNOSTIC DES CORPS DE CONTRÔLE
Ofnac, Parquet financier, Cour des comptes, Ige…La réforme de la Finance publique est une condition sine qua non pour améliorer le cadre de lutte contre la corruption
La réforme de la Finance publique est une condition sine qua non pour améliorer le cadre de lutte contre la corruption. Alors que l’Assemblée nationale a adopté la loi modifiant celle de 2012 portant création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et celle relative à la déclaration de patrimoine, les mécanismes de lutte contre la corruption traînent toujours des lacunes et insuffisances. Le nouveau régime promet sans tarder, une «politique hardie de bonne gouvernance économique et financière». Le dispositif est là mais la machine n’est pas aussi huilée. Bés Bi fait le diagnostic des obstacles au bon fonctionnement des corps de contrôle.
Le régime de Diomaye Faye, qui promet de s’attaquer aux mauvaises pratiques de gestion, a du pain sur la planche, dans un contexte où le Sénégal peine à remédier aux insuffisances stratégiques du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Lbc/Ft) pour sortir de la liste grise du Groupe d’action financière (Gafi). Dans son premier discours à la nation, le Président Faye a promis d’engager «sans tarder une politique hardie de bonne gouvernance économique et financière, par la lutte sans répit contre la corruption» mais également la publication des rapports de l’Inspection générale d’Etat (Ige), de la Cour des comptes et de l’Ofnac. En attendant la poursuite des présumés mis en cause par des rapports des corps de contrôle, le nouveau Président compte changer de paradigme dans la reddition des comptes pour renforcer la transparence dans la gestion des affaires publiques et instaurer «une culture de gestion axée sur les résultats avec le détachement immédiat des corps de contrôle de la tutelle de l’Exécutif et la nomination d’un Procureur financier indépendant». S’il est vrai que le régime de Macky Sall a dernièrement adopté la réforme de l’Ofnac avec des pouvoirs renforcés, l’organe reste dans le collimateur du nouveau régime. Les nouveaux dirigeants envisagent de lever le coude sur les rapports qui moisissent dans les tribunaux. La loi portant création de l’Ofnac- ou sous une autre appellation- va être reformée et l’organe ne sera plus rattaché à la présidence de la République. Le Pool judiciaire financier a été déjà intégré dans le Code pénal et le personnel nommé lors du dernier Conseil supérieur de la magistrature (Csm). Mais les nouveaux dirigeants ont annulé ces nominations.
Cour des comptes : La responsabilité des ordonnateurs en question
L’année dernière, le Secrétaire général de la Cour des comptes, Aliou Niane, avait reconnu des retards dans la publication des rapports publics annuels, «mais qui ne se justifient pas». Il a ajouté que la Cour avait pris l’engagement à partir de maintenant de publier régulièrement aussi bien son rapport public annuel que le rapport particulier sur son site et dans les journaux de grande diffusion. «Nous avons aujourd’hui 3 rapports publics qui sont prêts à être publiés. Nous avons décidé d’intégrer pour le rapport public 2021-2022 dans un seul rapport afin qu’il n’y ait pas de stock de rapport non publié», a-t-il déclaré lors de la publication du «Recueil des textes de base régissant les finances publiques au Sénégal» du Pr Abdoul Aziz Daba Kébé, au mois de juillet dernier. Cette rencontre avait permis de relever les obstacles qui l’empêchent de faire correctement son travail, c’est-à-dire traquer les délinquants financiers. C’est notamment la loi organique sur la Cour des comptes et le statut des magistrats de la Cour. «Par exemple, sur les procédures de la Cour, il est évident que nous devrons intégrer inévitablement les réponses à la problématique du statut du débet. Il faudrait que nos lois organiques règlent la question de la responsabilité des ordonnateurs. Nous avons d’importantes réformes qui, en réalité, sont aujourd’hui dans nos pipelines, c’est par exemple la responsabilité de certaines autorités au niveau de la discipline financière, mais aussi le statut de l’amende», avait estimé le Secrétaire général de la Cour des comptes.
Ofnac, Cour des comptes, déclaration de patrimoine… : Les réformes proposées par Pr Abdoul Aziz Kébé en 2023
Au Sénégal l’article 79 de la loi organique constitue un obstacle pour la Cour des comptes car ne lui donnant aucun pouvoir de juger les délinquants financiers, à l’image des personnes épinglées dans le rapport sur le Fonds Covid. Cet article stipule que «si l’instruction ou la délibération sur l’affaire laisse apparaître des faits susceptibles de constituer un délit ou un crime, le premier président de la Cour saisit, par référé, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et en informe le ministre chargé des Finances». Au mois de juillet dernier, le directeur du Centre d’études et de recherches en ingénierie juridique et financière (Cerif), Pr Abdoul Aziz Daba Kébé, lors de la présentation du «Recueil des textes de base régissant les finances publiques au Sénégal» avait noté les réformes de bonne gouvernance, engagées par le gouvernement de Macky Sall, avec la création de l’Ofnac et le renforcement des moyens de la Cour des Comptes. Il avait plaidé pour la réforme sur la cour des comptes, plus de pouvoirs à la Cour des Comptes, avec la création d’un parquet financier. «Il faut réformer la responsabilité des ordonnateurs. Aujourd’hui, tous les ministres sont des ordonnateurs du crédit. Il faut permettre à la Cour des comptes du Sénégal de pouvoir juger directement les ministres comme cela se fait dans d’autres démocraties. Il faut parachever la réforme sur la déclaration de patrimoine en durcissant les sanctions. Aujourd’hui, si vous ne déclarez pas votre patrimoine, les sanctions prévues sont relativement faibles par rapport à d’autres pays. Au Bénin, ce sont des sanctions pénales, au Cameroun, vous ne déclarez pas, vous êtes inéligible», avait-il martelé.