FCFA, LE COUP FINAL ?
Diomaye a réaffirmé sa volonté d'émancipation monétaire, tandis que Tidiane Thiam, favori à la présidentielle ivoirienne, défend une "zone crédible, autonome et bien gérée". Un mouvement qui s'accélère avec le retrait déjà acté de l'AES de ce système

Le président de la République Bassirou Diomaye Faye, lors de son face-à-face avec la presse, a réaffirmé la volonté de son gouvernement d'avoir une souveraineté monétaire. La même velléité est notée en Côte d'Ivoire où l'un des favoris pour la prochaine présidentielle, le candidat du PDCI Tidiane Thiam, souhaite lui-aussi, lorsqu'il sera élu, prendre ses distances avec cette monnaie. Des annonces qui viennent se greffer sur la volonté des trois pays de l'AES de sortir de cette «colonisation».
Le vent de l'Afrique en matière monétaire rame actuellement à contre-courant du FCFA. Et c'est le moins qu'on puisse dire. En effet, si par le passé, cette question semblait être un vœu pieux des dirigeants de cette zone, force est dire qu'avec la nouvelle génération de décideurs, la souveraineté monétaire est au cœur des préoccupations, des revendications pressantes et des objectifs, à commencer par le Sénégal. Les nouveaux tenants du pouvoir qui ont battu leur réputation sur la nécessité d'aller vers une indépendance totale à l'égard de la France. Et pour ce faire, Ousmane Sonko et le Pastef n'avaient pas lésiné sur les moyens quand ils étaient dans l'opposition pour montrer toute leur volonté de se séparer de tout ce qui reste de la Françafrique comme les bases militaires et le FCFA. Muet sur cette dernière question depuis son accession à la magistrature suprême, le Président Bassirou Diomaye a affirmé vendredi dernier, face à la presse, que son gouvernement «reste toujours sur cette même trajectoire». «On ne renonce jamais dans la quête de la souveraineté intégrale d'avoir notre propre monnaie» a soutenu le chef de l’Etat avant d'ajouter : «On a trois leviers pour financer notre économie, ce sont la fiscalité, l'endettement et la monnaie. Mais un pays qui n'a pas une souveraineté monétaire ne peut rien décider. Durant le covid, si des pays comme les États unis ont pu battre monnaie pour donner du souffle à leur économie et soulager leurs populations, c'est grâce à leur souveraineté monétaire. «Nous, on ne pouvait pas parce que qu'on a pas notre propre monnaie».
Ainsi pour le président Diomaye Faye, l'objectif premier est de travailler à avoir cette souveraineté dans le cadre communautaire avec l'UEMOA ou la CEDEAO. «Mais si on constate des lenteurs à long terme, on devra avoir notre propre monnaie», fait-il savoir sans langue de bois. Même son de cloche concernant les trois pays de l’AES. Pour rappel, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé en septembre 2023 la Charte créant l’Alliance des États du Sahel (AES). Ces trois pays ont annoncé leur retrait de la CEDEAO. Ils annoncent aussi avoir entamé une réflexion sur la sortie de la Zone franc et la création d’une monnaie commune. Pour recouvrer, disent-ils, leur souveraineté totale et cesser d’être la «vache à lait» de la France. La messe est dite. La Côte d'Ivoire qui est aussi un pays très important économiquement dans la zone risque de s'aligner sur ces pays dans les semaines et mois à venir.
Tidiane Thiam, candidat du PDCI en Côte d'Ivoire : « Ma vision serait d'avoir une zone crédible, autonome et bien gérée »
En effet, un des favoris de la prochaine présidentielle, le candidat du PDCI Tidiane Thiam, est pour une monnaie souveraine. « Je pense que la monnaie est un attribut essentiel de la souveraineté. Je pense qu'une nation qui n'a de contrôle de sa monnaie n'est pas vraiment souveraine», constate l'héritier d'Houphouët Boigny lors d'une récente interview sur France 24 non sans signaler toutefois que le fait d'avoir une zone monétaire a de gros avantages. Et il faut, d'après lui, arriver à gérer une monnaie. «Avec tout ce que cela comporte, notamment le taux de change et la parité externe», précise-t-il avant de déclarer : «Ma vision serait d'avoir une zone crédible, autonome et bien gérée». Vestige colonial, le FCFA reste la monnaie de 15 pays d’Afrique, avec un soutien de la France. Mais près de 80 ans après sa création, sa remise en cause est aujourd'hui une tendance lourde dans les pays de l'Afrique de l'ouest.