«IDY THIAM A TRAHI LES COMMERÇANTS DU PAYS !»
Dans cet entretien accordé au «Témoin», M. Dieng fustige, dans le cadre de l’aide alimentaire, le marché de l’huile et de sucre attribué à l’homme d’affaires Idy Thiam, leader de l’Unacois rivale, qu’il accuse de trahison vis-à-vis des commerçants du pays

Directeur exécutif de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois) Yessal, Alla Dieng s’est penché sur la décision du chef de l’Etat de rouvrir les lieux de commerce et la lancinante question relative à l’approvisionnement du marché en denrées alimentaires durant cette fête de Korité intervenant dans un contexte de pandémie du covid19. Dans cet entretien accordé au «Témoin», M. Dieng fustige, dans le cadre de l’aide alimentaire, le marché de l’huile et de sucre attribué à l’homme d’affaires Idy Thiam, leader de l’Unacois rivale, qu’il accuse de trahison vis-à-vis des commerçants du pays.
La décision du chef de l’Etat Macky Sall de rouvrir les lieux de commerce fermés dans le cadre de la pandémie a été très critiquée. Ceci, du fait qu’en plus des craintes liées aux rassemblements publics dans les marchés, au Sénégal, ces lieux sont aussi réputés désordonnés avec un manque criard d’hygiène. Est-ce qu’il n’est pas temps, pour vous commerçants, de songer à la modernité ?
D’abord nous, commerçants, saluons cette décision prise par le président de la République. C’est un ouf de soulagement pour nous et particulièrement les commerçants qui s’activent dans l’économie informelle. Car, avec la pandémie du Covid19, ils sont les plus impactés.
«Il y a une grande pagaille dans les marchés »
Donc la fermeture des marchés avait sonné comme le dernier coup fatal à leurs activités économiques. D’autres part, je reconnais qu’il y a une grande pagaille dans les marchés. Les cantines et les boutiques sont dans une promiscuité telle qu’elle entrave même la circulation des personnes dans ces lieux de commerce. Des vendeurs de produits alimentaires y sont mêlés à des vendeurs de vêtements ou même de produits cosmétiques. Par ailleurs, l’hygiène y fait défaut alors que ce sont des endroits qui accueillent énormément de monde surtout à l’approche des évènements comme la korité. D’ailleurs, je comprends que c’est pour cette raison que les gens redoutent de voir les marchés constituer des lieux de propagation du coronavirus. Mais il faut noter que c’est une responsabilité partagée car, au-delà de celui des commerçants, c’est aussi un domaine de compétence des municipalités. Il y a aussi des structures de l’Etat comme le Service d’Hygiène qui sont censés apporter leur contribution afin que les marchés puissent répondre aux exigences de l’heure.
Justement, si votre responsabilité est engagée dans cette pagaille, n’est-ce pas vous-mêmes, commerçants du pays, qui avez balisé le chemin pour l’implantation des grandes surfaces comme Auchan dont vous fustigez souvent la concurrence ?
C’est vrai ! Et comme j’ai l’habitude de le dire à mes camarades commerçants, au lieu de fustiger ces grandes surfaces, nous devons beaucoup copier leur modèle de business. Certains d’entre nous l’ont même compris. Vous voyez qu’aujourd’hui, il commence à y avoir une prolifération de grandes boutiques bien aménagées et qui répondent aux normes d’hygiène et de qualité du service. D’ailleurs moi, en tant que commerçant, je ne suis pas contre cette concurrence imposée par les grandes surfaces. Parce que nous sommes dans un monde libéral. Et tout consommateur est libre d’aller faire ses achats dans n’importe quel lieu de commerce dont la qualité du service lu convient.
« Il faut privatiser la gestion des marchés au Sénégal »
Cela va même contribuer à améliorer de façon positive la situation hygiénique et l’organisation dans les grands lieux de commerce. Pour cela, j’estime qu’il faut privatiser la gestion des marchés au Sénégal. Par contre, il faut savoir que les grandes surfaces comme Auchan ne ciblent pas tous les Sénégalais mais juste une certaine clientèle. Donc, elles ne peuvent prendre la place des boutiquiers et autres commerçants de l’informel.
Ce même secteur informel qui pourtant domine largement l’activité économique dans notre pays a été le plus affecté par la crise sanitaire en cours. Comment aider des entreprises non identifiées dans un contexte où l’Etat parle de relance de l’économie ?
Au Sénégal, il y a un réel problème au niveau de la formalisation des entreprises. C’est un long processus à suivre. C’est cette problématique qui va rattraper avec cet appui de l’Etat destiné aux entreprises du secteur privé dans le cadre du plan de résilience économique et sociale. Par exemple, sur la ligne de financement de 200 milliards dégagée en ce sens, il y a énormément de points à éclaircir. Certains critères sont très contraignants et beaucoup d’entreprises risquent d’être laissées en rade. Car si les autorités disent que les entreprises éligibles sont celles dont le chiffre d’affaires fait moins de 100 millions, là il va y avoir un large bassin au profit des entreprises informelles. Cependant, les autres critères sont déplorables. Le ministre de l’Economie nous dit également que pour bénéficier de cet appui, il va falloir que l’entreprise ait au moins 5 ans d’existence, avec une création d’au moins cinq emplois en plus de la présentation des états financiers pour les trois dernières années, l’IPRES etc. Or, dans ce pays, plus de 95 % des entreprises au Sénégal évoluent dans l’économie informelle. Et ces entreprises n’attendent que d’être financées pour se développer.
Nous constatons que l’attribution des marchés relatifs à l’aide alimentaire que le Gouvernement entend apporter aux couches vulnérables continue de soulever des polémiques. Par exemple, l’appel d’offres lancé pour l’huile et le sucre a été remporté par l’homme d’affaires Idy thiam. Qu’estce qui explique ces déchirements récurrents entre entrepreneurs du pays à chaque appel d’offres lancé par l’Etat ?
Il faut que les acteurs du secteur privé soient sérieux sinon il y aura toujours des dissensions après chaque attribution d’appels d’offres. Si je n’étais pas dans un journal aussi sérieux que « Le Témoin », j’allais utiliser des mots crus et durs pour qualifier le comportement irresponsable d’Idy Thiam. Car ce qui s’est passé avec le marché de l’huile et du sucre qui lui a été octroyé est un exemple patent de ce manque de sérieux et de professionnalisme. Idy Thiam est plus actif dans le business de la friperie et le foncier à Mbour que le commerce de denrées alimentaires. Donc, pourquoi lui octroie-t-on un tel marché ?
« Pour gagner le marché, Idy Thiam s’est présenté sous le couvert de l’Unacois »
C’est parce que, pour gagner le marché, il s’est présenté sous le couvert de l’Unacois. Or, Il n’est pas spécialisé dans le domaine de l’huile et du sucre. Il a été trop gourmand. C’est même une trahison à l’encontre des commerçants du pays. C’est pourquoi après avoir remporté l’appel d’offres, pour livrer la commande, des problèmes ont surgi. Aujourd’hui, c’est la responsabilité de ceux qui lui ont attribué ce marché qui est engagée. Et tant que l’attribution des appels d’offres sera exécutée de telle manière, il y aura toujours des polémiques.