LA CAMPAGNE DE COMMERCIALISATION DES NOIX D'ACAJOU DEMARRE ENFIN
Après plusieurs semaines d'incertitude, on assiste enfin au démarrage de la commercialisation des noix d'acajou en Casamance.

Après plusieurs semaines d'incertitude, on assiste enfin au démarrage de la commercialisation des noix d'acajou en Casamance. Une commercialisation qui demeure toutefois très timide. Depuis quelques jours, on voit passer de temps en temps des camions chargés de noix débarquer à Ziguinchor où les magasins détenus par les professionnels de la filière sont en train d'ouvrir petit à petit leurs portes.
Aux devantures de certains de ces magasins à Ziguinchor, on a même commencé à sécher les premiers arrivages de noix d’acajou. Preuve que la campagne a bel et bien démarré. Mais, encore une fois, ce n'est pas encore le grand rush et on est encore loin de l'effervescence habituelle. En fait, la plupart des opérateurs indiens, qui sont les principaux acheteurs, sont encore absents. Les magasins sont gérés par leurs représentants. D'où la très faible quantité de noix réceptionnée. Mais toujours est-il que ce démarrage au petit trot fait renaître un peu l'espoir chez les producteurs qui avaient commencé à se lamenter quant à l'issue de cette campagne.
Ils craignaient l'éventualité d'une campagne blanche cette année à cause de la pandémie du coronavirus qui a bloqué toutes les activités économiques à travers le monde. Ce début de campagne ne les rassure toutefois pas tout à fait dans la mesure où le prix du kilogramme de la noix a considérablement chuté par rapport aux années précédentes. Actuellement, en ce début de campagne, ce kilo est cédé à 250 francs bord champ contre 350 francs à la même période l'an dernier. Ce qui crée un manque à gagner énorme pour les producteurs. Beaucoup d'entre eux sont aujourd'hui partagés entre l'idée de vendre à perte tout de suite leurs récoltes ou d'attendre une éventuelle hausse des prix. C'est le cas de Landing Diédhiou, un producteur habitant dans un petit village à l'ouest de Ziguinchor, qui dit être désemparé par rapport au prix très bas ayant cours actuellement sur le marché. Avec ce prix, toutes ses prévisions seront faussées, autrement dit il n'aura pas les ressources nécessaires pour assurer la survie de sa famille d'ici les prochaines récoltes de riz. « La campagne a enfin commencé, on n’y croyait même pas à cause de ce coronavirus. On commence à vendre petit à petit nos noix, mais c'est le prix qui pose problème.
Les quelques acheteurs qui se présentent à nous, proposent 250 francs le kg. Cela ne nous arrange pas du tout », confie-t-il. A l’en croire, en vendant à ce prix sa récolte, ses ressources risquent de s'épuiser dès le mois d'août, alors que les premières récoltes de riz sont prévues début novembre. Cela créera un déficit vivrier pour sa famille, souligne-t-il. « Si je vends mes noix à 250 francs le kg, je vais subir une perte de près de 200 000 francs par rapport à mes ventes de l'année dernière. Cela créera un déficit vivrier pour ma famille, à partir du mois d'août je n'aurai pas de quoi faire face aux besoins quotidiens de ma famille, alors que les premières récoltes de riz n'interviendront pas avant fin octobre. C'est pour cela que je dis que ce prix ne m'arrange pas. Je voulais attendre quelques jours pour voir si les prix vont remonter un peu, mais là aussi il y a un risque parce qu'on ne sait pas si la campagne va se poursuivre à cause du coronavirus. Si tel n'est pas le cas, les pertes seront encore plus importantes puisqu'il va sans dire que les prix baisseront davantage ou il n'y aura même pas vente », relève notre interlocuteur.
Les opérateurs asiatiques démarquent en Casamance
Aka Mpamy, un autre producteur a, lui aussi, la même préoccupation. il dit qu'en vendant ses noix au tarif actuel, il ne va pas s'en sortir car il aura un déficit de ressources pour couvrir les besoins de sa famille durant la dure période hivernale. Raison pour laquelle, il dit hésiter entre vendre tout de suite sa récolte, qui avoisine les trois tonnes, ou jouer la montre. S’il se précipite, il craint que les prix montent après dans l’éventualité que les opérateurs asiatiques débarqueraient en Casamance. Auquel cas, il n’aura plus que ses yeux pour pleurer. « Actuellement, je suis à la fois confus et découragé car vendre mes noix à 250 francs me causera d'énormes pertes. Je vais perdre au moins 100 francs par kg car l'année passée le plus bas prix était de 350 francs le kg à bord champ en début et fin de campagne. On avait même vendu les récoltes de deuxième génération arrivant à maturité au mois de mai à 550 francs le kg. Je me demande donc s'il faut vendre au prix actuel ou s'il faut attendre en espérant que les prix monteront si éventuellement les opérateurs indiens viennent », hésite-t-il.
Les intermédiaires en position de force
Du côté des intermédiaires qui sont les principaux acheteurs, pour l'instant, l'on indique que l'augmentation éventuelle des prix n'est pas possible à l'état actuel des choses parce que leurs partenaires indiens ou chinois pour qui ils travaillent ne sont pas prêts à dépasser les 350 francs pour le kg rendu à Ziguinchor. « Nous ne pouvons pas prendre le kg à plus de 250 francs en brousse parce que nos partenaires indiens ou chinois pour qui nous travaillons nous ont dit de ne dépasser la barre des 350 francs à Ziguinchor.
Par conséquent, nous ne pouvons pas aller au-delà de ce prix. Vous savez que les noix d'anacarde sont cotées en bourse », confie Abdourahmane Diallo, un intermédiaire selon qui relève en Guinée-Bissau voisine, un grand producteur de noix d’anacarde, c'est également le même tarif qui a cours.
Selon lui, cette année également les prix risquent de ne pas beaucoup monter car non seulement il y a cette pandémie du coronavirus qui bloque toutes les activités économiques, à travers le monde, mais il y a aussi et surtout le fait que de plus en plus de pays produisent la noix d’acajou à travers le monde notamment en Afrique et en Amérique latine comme au Brésil.