«L'AUTOSUFFISANCE EN RIZ EST UNE QUESTION DE SECURITE NATIONALE»
DR SERIGNE GUEYE DIOP, CONSEILLER DU CHEF DE L'ETAT CHARGE DE L'AGRICULTURE ET DE L'INDUSTRIE
Ingénieur agronome de formation et Conseiller du chef de l'État chargé de l'agriculture et de l'industrie, Dr Serigne Guèye Diop explique, dans l'entretien qu'il nous a accordé, en quoi le programme lancé par le Président Macky Sall pour l'autosuffisance en riz est d'une importance capitale. Également maire "apériste" de Sandiara, Dr Diop livre les clés du plan qu'il a mis en place pour faire émerger sa commune.
Où est-ce que vous en êtes avec le programme pour l'autosuffisance en riz qui tient beaucoup à cœur le président de la République ?
Ce programme est très important, et il est à notre portée. Pourquoi il est important d'avoir une autosuffisance en riz, mais pas seulement en riz ? Nous devons être auto-suffisants en lait, en viande, en huile, sur tous les produits dont cette nation a besoin. Nous devons être auto-suffisants tout court en matière alimentaire. Il faut même aller au-delà de l'autosuffisance, c'est-à-dire, raisonner en termes de sécurité nationale. Un pays doit produire, non seulement pour être auto-suffisant, mais aussi pour assurer un stock sur un an, deux ans, voire trois ans, en céréales. Un pays doit s'assurer que sa production puisse être transformée localement, stockée, valorisée, et une partie exportée. Mais, dans la première phase où nous sommes, il s'agit d'être auto-suffisant en riz, d'arrêter cette hémorragie en devises qui fait que chaque année nous nous tournons vers les pays producteurs de riz. Pour moi, c'est une question de sécurité nationale. Parce que ces pays producteurs de riz, le jour où ils auront une crise qui va les empêcher d'exporter ce riz vers nos pays, c'est toute notre économie qui sera menacée, d'une part, et la stabilité sociale sera menacée, d'autre part. Si les gens n'ont pas de riz, ne peuvent pas manger à leur faim, ça peut créer des situations explosives sur le plan social. Donc, ce programme se justifie. Il est extrêmement important pour le pays. Il faut le réaliser, et nous sommes dans cette voie. Le ministère de l'Agriculture a mis en place le Pracas qui est en train d'être mis en œuvre, sous la direction du président de la République. Et ce programme prévoit le riz irrigué dans la vallée. 60% devraient venir de là. Il y a ce qu'on appelle le riz pluvial et le riz bas fond. Une autre production dans les zones non irriguées, comme le Sine et le Saloum. En combinant ces deux pôles, nous sommes convaincus que notre pays va atteindre l'autosuffisance alimentaire. Et avoir en plus un stock national important. Il faudra aussi mettre l'accent sur la qualité. Le côté nutritionnel est important.
Que vous inspire, en tant que maire, l'Acte III de la décentralisation qui continue de faire couler beaucoup d'encre et de salive ?
Pour moi, l'Acte III de la décentralisation est une décision fondamentale sur le plan politique, qui aura des conséquences économiques très importantes. Dans un pays, c'est important de prendre ces genres de décision politique. Aujourd'hui, le maire joue un grand rôle. Il a la possibilité d'aller chercher des partenaires, de pouvoir mettre en place des politiques de développement ambitieuses. Pour moi, ça, c'est très important. Le maire peut également faire des emprunts auprès des banques, aller négocier avec d'autres villes dans le monde. Maintenant, pour ce qui concerne l'accompagnement, des mesures courageuses doivent être prises. A mon avis, les maires doivent prendre des mesures pour augmenter leurs sources de revenus. Mais, en même temps, l'État doit appuyer davantage les communes. Si chaque commune, surtout les petites, peuvent bénéficier d'un milliard pendant cinq, voire dix ans, vous allez voir que ce sera extrêmement efficace. Ce sera une sorte de Pudc à l'échelle des communes. C'est une proposition que j'ai déjà faite lors du Congrès des maires du Sénégal. Nous devons voir comment créer des redevances industrielles à partir des usines, des redevances agricoles à partir des projets. L'État ne peut pas appuyer aujourd'hui les collectivités locales à la hauteur de leurs besoins, ce sera un phénomène progressif.
Le chef de l'État, Macky Sall, a appelé à un dialogue national. Vous en dites quoi ?
C'est très important. Vous savez, le propre même de la démocratie, c'est le dialogue. Chaque citoyen doit avoir son mot dire sur la marche de la République. Tout le monde doit participer à ce dialogue. Le chef de l'État, qui a été élu à plus de 65%, a réussi à maintenir le bloc "Benno bokk yakaar". Il faut maintenant tendre la main à l'opposition, mais aussi à toute la société civile, pour parler du pays. Pour expliquer, écouter, et mieux se faire comprendre. Il faut juste que ce dialogue soit franc. Il ne faut pas qu'il soit conditionné par des préalables. Ce dialogue doit être repris par nous autres maires au niveau local. Nous devons dialoguer en donnant la parole aux uns et aux autres. On ne peut pas faire du développement dans un conflit permanent, quand il n'y a pas de paix, quand les cœurs ne sont pas ne communion. Et je crois que c'est tout le sens que le président de la République donne à ce dialogue politique et social. Au niveau de Sandiara, je pense que nous devons dialoguer entre nous. Au niveau du département de Mbour, il y a des divisions, nous devons nous ressaisir et voir comment travailler ensemble entre nous, renforcer la Coalition "Benno bokk yakaar".
Vous avez lancé le Plan Sandiara émergent. Quelles sont les grandes lignes de cette initiative ?
J'ai mis en place une stratégie de développement sur les dix prochaines années que j'ai appelée le Plan Sandiara émergent. Une stratégie avec une dimension économique. Comment restructurer l'économie, comme pour reprendre l'axe I du Plan Sénégal émergent. Ensuite, comme axe II, on a mis l'accent sur le développement du capital humain. C'est très important. Et pour cela, c'est 12 points avec une méthodologie très simple. C'est la méthodologie du diagnostic. Nous avons fait un diagnostic de la situation sociale pour voir quelles sont les maladies, pour parler médicalement, et voir quelles sont les causes de ces maladies. Le diagnostic nous a permis de voir que les problèmes de Sandiara sont assez nombreux, mais que les causes peuvent être résumées à un manque de connaissance, d'accès à l'éducation, aussi bien primaire que secondaire, à la pauvreté. Il n'y a pas assez de cadres, les gens n'ont pas de travail, et leur système de production agricole est très peu performant. Les femmes n'ont pas accès à des financements. Ensuite, il y a le manque d'infrastructures. Il n'y avait pas de routes ni d'eau ni d'hôpitaux à proprement parler ni d'électricité. C'est ça le tableau que le diagnostic a permis de montrer. On a tout fait pour ne pas confondre les causes et les conséquences. Une fois qu'on a vu les conséquences, il fallait maintenant proposer des solutions. Les 12 points, il fallait les sérier. Nous les avons résumés en slogans. Ce qui a permis aux populations de mieux les comprendre. Le point le plus important, on l'appelle, le 1-10-10. Le pilier, c'est l'éducation. Cela veut dire une famille, dix cadres en dix ans. Il fallait s'assurer que, dans chaque famille, qu'on est des jeunes qui travaillent. D’où l'action qui consistait à généraliser l'enseignement secondaire et la formation professionnelle, avec un programme de zéro abri provisoire. Cela se traduit par des lycées. Certains sont terminés, d'autres sont en cours de construction. Le lycée technique et professionnel du président de la République est en cours de construction. L'idée est d'amener l'école vers les populations. Ça nous permettra d'augmenter le taux d'achèvement.
La commune de Sandiara, dans le département de Mbour, dont vous êtes le maire, était récemment sous les feux des projecteurs avec une affaire foncière. Que s'était-il réellement passé ?
Ce n'est pas le premier problème foncier à Sandiara. Avec le Plan Sandiara émergent, nous avions dit que nous allions restructurer l'économie. Donc, le Conseil municipal, après des consultations avec les paysans, a décidé de voter deux projets importants. Le premier, c'est la zone industrielle de Sandiara. Nous avons, donc, retenu 50 hectares. Et l'autre, c'était un projet de Hlm. Pour ces projets, l'opposition, qui les avaient votés à l'époque, a voulu, à un certain moment, instrumentaliser un certain nombre de personnes de son côté pour s'opposer à ces projets. Ils ont voulu occuper la zone des Hlm. Nous leur avons demandé de partager cette zone entre les anciennes parcelles qu'ils avaient et une autre façade qui pouvait servir pour les Hlm. Vous savez, l'opposition souhaite toujours ralentir les programmes des maires. C'est de bonne guerre. Mais, quand une zone est en train de faire sa révolution, de créer des emplois, c'est irresponsable de s'opposer à ce projet. Pour moi, ça dépasse le cadre politique. Il faut qu'ils nous fassent confiance par rapport à l'utilisation des terres. C'est un dialogue qui est en cours. Il y a juste que, à un certain moment, ils ont voulu faire un coup de force en voulant arrêter l'un des projets. Nous avons juste montré qu'il fallait respecter la loi. Une fois que cela a été fait, le conflit est maintenant terminé.