NOUS DEMANDONS L'ÉRECTION DE LA CASAMANCE EN ZONE ÉCONOMIQUE SPÉCIALE
Le Directeur général de l'Anrac estime que le développement économique de la région est un levier à actionner pour accélérer le processus qui mène au retour définitif de la paix dans la partie septentrionale du pays

Le Directeur général de l’Agence nationale pour la relance des activités économiques et commerciales en Casamance se réjouit de la reprise de la desserte maritime Dakar-Ziguinchor après six mois d’arrêt à cause de la crise sanitaire liée au coronavirus. Il estime, dans cet entretien, que le développement économique de la Casamance est un levier à actionner pour accélérer le processus qui mène au retour définitif de la paix dans la partie septentrionale du Sénégal. D’où son plaidoyer pour l’érection de la région en zone économique spéciale.
Quel est votre sentiment sur la reprise de la liaison maritime Dakar- Ziguinchor ?
Je salue la décision de la Cosama de reprendre les liaisons maritimes Dakar-Ziguinchor assurées par les navires Aline Sitoé Diatta et Aguène et Diambone. Durant les six mois de suspension de ces liaisons, les populations de la Casamance ont éprouvé d’énormes difficultés dans leurs déplacements. La suspension a eu aussi un impact significatif sur l’économie et les activités au port de Ziguinchor. Ainsi, les populations étaient obligées d’utiliser le contournement par la région de Tambacounda pour regagner Dakar ou les autres capitales régionales avec un coût du transport élevé. Il fallait débourser 11.000 FCfa pour les bus et 18.000 FCfa pour le mode de transport communément appelé 7 places. Cette situation a été rendue plus complexe par la fermeture des frontières terrestres gambiennes. C’est dire que la reprise vient à son heure et permettra de soulager les populations dans la mesure où le Chef de l’État, dans sa volonté de désenclaver la Casamance, avait pris une meure sociale importante consistant à mobiliser des bateaux et à faciliter le coût du transport. Il avait fixé le prix du billet du bateau à 5.000 FCfa pour les places communes. Toutefois, au-delà de cette reprise, j’invite les autorités en charge du transport à engager des négociations avec la Gambie pour la réouverture des frontières terrestres de ce pays sur la base notamment d’un protocole sanitaire bilatéral, en vue de permettre aux populations d’emprunter la voie terrestre.
Quelles sont les actions ou réalisations du Chef de l’État en Casamance ?
La Casamance sort d’un conflit armé qui a duré plus de 30 ans et qui a profondément déstructuré tous les pans de cette région. Le conflit a également occasionné le déplacement de milliers de populations et a causé près de 830 victimes de mines anti-personnelles. Toutefois, depuis l’avènement de Macky Sall à la tête de notre pays, on a noté une véritable politique de rupture dans la gestion du processus de paix ; ce qui a favorisé une accalmie avec des indicateurs de paix liés au retour de la paix, à la fin des braquages armés sur les routes et la levée des nombreux check-points le long des axes routiers. Le Président de la République a opté pour un changement de paradigme notoire dans la prise en charge du dossier de la Casamance dans la mesure où la logique du Désarmement, démobilisation, réinsertion, réintégration (Ddrr) a été remplacée par celle de la Réconciliation, reconstruction et développement durable de la Casamance. Autrement dit, il s’agissait de parvenir à la paix par le développement économique de la région.
À cet effet, un important programme de désenclavement terrestre (interne, externe), maritime, aérien de la région a été mis en œuvre. L’État du Sénégal a pu réaliser la construction du pont de Farafégny qui fut l’une des plus veilles doléances des populations du Sud. Des lignes aériennes assurent près de quatre rotations journalières entre Dakar et Ziguinchor, sans oublier la région de Kolda qui est aussi desservie. En vue d’impulser l’économie de la région, des mesures hardies ont été prises en faveur du tourisme avec l’adoption d’une loi faisant de la Casamance une zone touristique national d’intérêt spécial. Sur le même registre, on peut citer le dragage du fleuve Casamance avec son impact sur le transport de la noix d’anacarde à partir du port de Ziguinchor. Une batterie de mesures ont été prises pour permettre à la Casamance de relever le défi de son décollage économique et entamer une phase lui permettant de rattraper son retard sur le plan économique et de devenir l’un des principaux pôles de développement du Sénégal. L’Anrac envisage l’organisation d’un forum pour vulgariser toutes les actions réalisées par le Président de la République en Casamance et faire une analyse, avec l’ensemble des acteurs, de leur impact dans la relance des activités économiques.
Quels sont les enjeux pour assurer le décollage économique de la Casamance ?
Aujourd’hui, le règlement des défis liés à la paix et au désenclavement laisse apparaître d’importants enjeux pour le développement économique et social de la Casamance. Il s’agit de la reconstitution d’un tissu industriel dynamique dans la région. La région assure près de 90 % de la production nationale d’anacarde et elle est la première région exportatrice de mangue. Pendant longtemps, la Casamance disposait d’industries qui étaient des champions dans le domaine de la transformation des produits fruitiers et halieutiques. Il faudra encourager une nouvelle dynamique visant à impulser la mise en place d’unités de transformation pour la valorisation des nombreuses potentialités de la région. En le faisant, on apportera des réponses aux préoccupations d’emplois des jeunes et des femmes, mais aussi et surtout la possibilité de créer une plus grande valeur ajoutée aux produits de la Casamance et plus de richesses pour les populations. C’est dans ce cadre que je salue les efforts consentis par la Der dans le soutien à la filière anacarde avec la mobilisation d’une enveloppe de 12 milliards de FCfa pour accompagner les producteurs de la Casamance. Le projet de l’Agropole sud d’Adéane constituera aussi, sans nul doute, une réponse forte à l’industrialisation de la Casamance. Il s’agit d’un important projet que le Chef de l’Etat a décidé de réaliser dans le département de Ziguinchor et qui permettra l’installation d’unités de transformation pour la valorisation des filières mangue, anacarde et maïs. Ce projet permettra la création de près de 150 000 emplois et favoriser l’inclusion économique de toutes les villes de la Casamance. Dans cette dynamique, je fais un plaidoyer auprès du Chef de l’État pour l’érection de la Casamance en zone économique spéciale à l’image de Sandiara, Diass voire Diamniadio afin d’attirer plus d’investissements dans la région.
Qu’en est-il du sort des déplacés ?
C’est l’autre enjeu majeur en Casamance. Et il est lié au retour des déplacés dans leur localité d’origine. Nos statistiques font état de près de 20.000 déplacés identifiés dans les localités de niaguis et de Adéane ainsi que dans la zone de Djibanar, dans le département de Goudomp. Comme vous le savez, ces mouvements de retour ont été entamés dans le nord sindian depuis quelques années et pour cette année, le village de Bissine a donné le ton dans le département de Ziguinchor. Cela suppose un accompagnement que nous essayons d’apporter aux populations en vivres, en construction d’habitats sociaux…. C’est l’occasion pour moi de saluer l’engagement de l’Etat à travers le Gouverneur de la région et l’ensemble des projets et programmes qui interviennent dans la région sans oublier des partenaires tels que l’USAID, le GRPC, la plateforme des Femmes pour la Paix en Casamance, Dynamique de la paix en Casamance. Pour notre part, nous travaillons à mettre en place un cadre, composé de tous les acteurs, pour dégager des complémentarités et des synergies pour la prise en charge des besoins de ces populations, des besoins qu’on a fini d’identifier et qui portent, en plus de ceux que j’ai cités, sur des ouvrages hydrauliques, scolaires, sur l’éclairage et aussi sur la réinsertion économique. A cet effet, je voudrais faire le plaidoyer pour le relèvement et le renforcement de nos moyens d’actions pour la prise en charge de ces questions et inviter tous les partenaires et les acteurs à davantage se mobiliser pour accompagner les populations.
Certaines zones de Casamance restent dangereuses à cause des mines…
Enfin, il s’agira de travailler à la reprise des activités de déminage et pour cela il faudrait une synergie des acteurs pour renforcer le plaidoyer en vue de l’acception du déminage humanitaire afin de créer les conditions d’un retour sécurisé des populations. Le déminage est une condition préalable au retour des populations et il est aussi fondamental pour la reprise des activités maraichères, agricoles et champêtres et donc pour l’insertion et l’inclusion économique des populations. Nous saluons la volonté politique du Président de la République qui a donné les instructions pour la mobilisation du budget nécessaire au financement des opérations de déminage. Cela permettra de boucler les opérations de déminage pour ce qui concerne les 1.200.000 m2 de zones à déminer, représentant un peu plus de 144 localités issues du département de Ziguinchor et de Goudomp. Je voudrais rappeler que plus 1.500.000 m2 de zones ont été dépolluées à ce jour favorisant ainsi le retour des populations dans ces zones.