MULTIPLE PHOTOSUN BUSINESS FLORISSANT
PLANTES ORNEMENTALES
Aux abords de certaines grandes avenues de Dakar, des fleuristes cultivent, entretiennent et vendent des plantes ornementales. Cette activité, la plupart l’ont apprise sur le tas et ont acquis le professionnalisme par la pratique. Cet art est devenu leur principal gagne-pain. Si pour certains une formation de renforcement des capacités, sanctionnée par une attestation est la bienvenue, pour d'autres ce n’est nullement nécessaire. Pourtant, un des rares fleuristes sorti d’une structure de formation se désole de l’intrusion dans ce secteur des personnes dont la pratique ne répond pas aux normes. SenePlus.com, vous emmène dans cet univers des artisans du beau.
Reportage
A Dakar comme dans toutes les grandes villes modernes, l’usage des fleurs est profondément ancré dans les mœurs. Baptêmes, anniversaires, mariages, fêtes, décès et autres, cultes religieux… toutes ces différentes cérémonies témoignent de l’omniprésence de ces plantes ornementales. Elles sont l'œuvre du savoir-faire des fleuristes. Dans la capitale sénégalaise, ces derniers occupent certaines avenues stratégiques pour exercer leur activité.
Nous sommes au quartier Amitié. L’aller-retour des automobiles sur le Boulevard Dial Diop, ce samedi matin détermine le timbre sonore de tout son alentour. Quand on avance sur cet itinéraire, à la hauteur des centres au même prénom -le centre culturel Blaise Senghor et le Lycée Blaise Diagne -, un décor embellit le passage. Tout l’espace est occupé par un jardin atypique. Ce sont des plantes ornementales posées le long de la clôture de ce célèbre établissement d’enseignement. Ce jardin est un véritable business des fleuristes. Ces derniers ont élu domicile ici depuis des années, travaillent pour gagner leur vie. A ce point stratégique du quartier, leurs marchandises s’imposent au champ de vision des passants.
Ils sont une quinzaine de jeunes à exercer ce métier sur ce site. Leur dénominateur commun, c’est qu’ils n’ont eu aucune formation relative à ce métier. Et l’idée de se faire éventuellement former a posteriori ne les émerveille pas particulièrement. Nous les avons trouvés à l’œuvre.
Ici, l’heure est au travail. On balaie, on arrange et on arrose. Bref, on entretient tout simplement. Des plantes sont mises dans des pots. La forme, la taille et la matière de fabrication des pots s’allient au type de plantes qu’ils contiennent. Même si visiblement l’esthétique est également de rigueur.
LA HOUE TROQUE CONTRE L’ARROSOIR
Pantalon retroussé et deux sceaux d’eau en mains, Ndongo Ndiaye avance vers ses multitudes pots soigneusement rangés dans son emplacement. Là, il procède à l’arrosage des petites plantes posées dans de petites vases obtenues par la coupure de bouteille en plastique. Ndongo fait partie des anciens de la place. Il occupe les lieux depuis 1993. Et c’est en personne avertie et expérimentée qu’il explique ce métier qu’il exerce avec passion. «J’étais cultivateur et j’accompagnais mon frère qui entretenait les jardin des gens. Mais en 1981, j’ai opté pour ce métier. J’aime les plantes. Elles embellissent» affirme-t-il. Ndongo et ses 14 collègues sont organisés en regroupement d’artisan.
Sans eau, ce business est impossible. Ainsi, c’est la Sénégalaise des Eaux (SDE) qui alimente directement ces jardiniers. Quatre robinets sont à, cet effet, installés dans le jardin. Les plantes ne sont pas arrosées de la même manière selon leur variété. Il y a une rigueur à respecter en la matière. «Les plantes ne sont pas les mêmes, d’autres prennent beaucoup d’eau comme le Coléus et l’Alpina et d’autre sont peu arrosées » explique le vieux qui pourtant n’a pas eu un certificat en la matière. « Le jardinage, c’est la science. Car tu travailles avec conscience»,philosophe-t-il.
A quelques pas de Ndongo, Birane Barr échange avec un de ses collègues sur la tête de qui trône desdreadlocks. (rasta). De corpulence souple et bonnet crocheté sur la tête, l’état des barbes sur son visage ovale lui prête l’apparence d’un homme du troisième âge. Mais il n’en est rien car l’homme taquine la trentaine. A bouton ouvert, la blouse bleue dont il s’est paré, laisse entrevoir sa poitrine en sueur. Birane vient de remuer à l’aide d’une fourchette le tas de terreau, l’engrais organique dont vivent les plantes.
Le processus de fabrication de cette matière est relativement simple. Birane explique : «On prend le fumier du cheval qu’on mélange avec de la terre végétale. Ensuite, on couvre le tout pendant une semaine environ et chaque matin, on arrose en remuant ». Tout comme de l’eau, le terreau est nécessaire pour la culture des plantes et des fleurs. En effet, les plantes sont rempotées avec une quantité de terreau qui favorise leur existence et leur croissance. Un geste qui mérite une bonne dose d’attention et de pratique. C’est la première étape de soin aux plantes.
DE L’ENTRETIEN DES PLANTES
Pour le reste, c’est un travail quotidien. « On fouine dans les pots afin de déterrer les termites et les vers qui agissent sur les racines des plantes. On évite aussi les insectes, les mouches blanches qui mangent les fleurs. C’est pourquoi parfois on a recourt aux insecticides », informe M. Birane qui poursuit : «C’est pour cette raison que les clients nous sollicitent pour l’entretien de leurs jardins. Autant que nous sommes ici, on assume l’entretien des plantes dans la maison des clients». En clair, le fleuriste n’est pas qu’un commerçant. Il fait parfois office de conseiller pour des clients dans le choix des plantes et de leur entretien.
Entre les épines, les sèves et les racines, les fleuristes passent le doigt quotidiennement. Ils sont au service des consommateurs et des fleurs. Leur présence sur les voies verdoie le paysage. Avec les cisailles, les sécateurs et autres pique-fleurs, ils entretiennent les plantes dont l’usage est apprécié de tous.
La clientèle de ces commerçants inclut en quasi-totalité des personnes majeures et responsables ayant un pouvoir d’achat. Sur les lieux, le seul client trouvé se fait arranger à l’arrière de sa Nissan primera noir, les plantes qu’il a payées. Expert en télécommunication, M. Aliou apprécie bien le travail des fleuristes : « Je viens fréquemment ici payer des plantes. Je pense que les fleuristes nous aident beaucoup. Grâce à eux, on peut avoir des espaces verts chez soi. Ce qui nous donne de l’oxygène».
Il est 11h. Les rayons du soleil commencent par se faire sentir. Sur la piste secondaire du sens retour de la voie de dégagement nord (VDN) qui mène à Liberté 6. Une autre colonie de fleuristes occupe toute la longueur de la clôture du cimetière St-Lazare de Béthanie. Visiblement plus impressionnant que le précédent site, ce marché de fleurs captive l’attention. C’est une immense exposition de plantes ornementales de toute espèce et de différente taille.
Abdoul Aziz Ndiaye, forme svelte porte un tee-shirt vert sur lequel on lit Siba Espace Vert. C’est l’association à laquelle il est affilié comme fleuriste. Debout devant la première loge de plantes, il ausculte un client potentiel. La disposition des plantes suit une logique particulière. «On arrange les plantes selon leur nature. Il y a des plantes extérieures et des plantes d’intérieur comme le Yucca. D’autres ne préfèrent ni d’ombre ni lumière alors il faut trouver un milieu adéquat où les poser » clarifie-t-il. Quand on pousse le regard au fond, on voit certaines espèces de plantes sont à l’ombre sous la tente.
UN CACTUS A 120.000F, LE SAPIN A 70.000F MINIMUM
Les prix des plantes varient. La variété, l’espèce sont autant de caractéristiques qui déterminent le prix de ces végétaux. En montrant du doigt, un cactus posé dans un pot en ciment, le jeune jardinier explique : «Ce cactus peut coûter environ 125000 francs cfa. On les vend rarement. Le prix minimum des sapins est de 70 000 francs cfa et en période de Noël. Ils sont achetés par des chrétiens. Il y a aussi le cycas qui coûte environ 60.000 francs cfa».
Les fleurs sont prisées surtout pour les célébrations. On note des moments de grande affluence vers les jardiniers.« A l’approche des fêtes de Tabaski et de fin d’année, les gens veulent améliorer leur jardin. Ce sont des périodes dans lesquelles nous vendons beaucoup », estime Pape Ndour, fleuriste et potier qui s’affairent à dessiner sur ses pots. Contrairement à ses autres collègues, Pape Ndour est l’un des rares fleuristes à se montrer favorable pour des sessions de perfectionnement en jardinerie. Enthousiaste, il rêve obtenir un diplôme en la matière.
Sur ce plan Papis Ndour pourrait trouver un soutien sans faille auprès d’un professionnel du métier qui l’a appris avant de se lancer. Il s’agit de Alcine Yock qui regrette que ce métier soit aujourd’hui aux mains non expertes.
ALCINE OU LE PAPE DES CACTUS
Nous sommes sur les bords de la route des Mamelles. Les fleuristes sont présents sur le flanc droit en allant vers le siège principal de la Bank Of Africa (BOA). Sac en bandoulière, Olivier Gelinet est un Français vit au Sénégal depuis sa tendre enfance. Il est un féru des plantes ornementale. Et en la matière, sa préférence est le cactus. Même quand il ne vient pas s’en procureur, il vient alimenter ses sens par ces plantes «Aujourd’hui, je ne suis pas venu acheter, mais je veux me mettre du vert dans les yeux. », dit- il à Alcine Yock, qu’il surnomme affectueusement «Alcine le Pape des Cactus», à juste titre.
En effet, Alcine est un professionnel des plantes. Il exerce le métier depuis trente ans. Quinquagénaire, il a suivi des formations en arboriculture. C’est même un legs de son père. C’est donc naturellement qu’il en parle avec fierté. «J’ai été formé à l’école d’arboriculture de Cambérène. Mon père était jardinier donc très tôt, on s’est appliqué. On est basé sur la route de Rufisque depuis l’ère du président Senghor », raconte –t-il avec fierté. Autour de lui, on peut retrouver des cactus de différentes formes qui sont entreposés. L’intrusion des personnes non formés dans ce métier n’est pas du goût de Alcine.
«Ce métier est gâté. Beaucoup se sont improvisés jardiniers ou fleuristes. Après avoir assisté des professionnels ou arrosé les gazons, ils se disent professionnels» se plaint Alcine en regardant son jeune fils, assis sur une natte sous sa tente conçue avec des feuilles de plantes.
Aussitôt, il prend son portable et défile des images pour nous montrer son savoir-faire. Ce sont des jardins qu’il a aménagés. On y trouve des compositions florales splendides. C’est un fin connaisseur du langage des fleurs.«C’est un métier qui exige de la créativité. Le fleuriste est artiste. D’un bouquet de mariage au design d’une piscine, il faut avoir de l’imagination ».
Comme dans tout métier, celui des fleuristes n’est pas exempt de difficultés. Alcine, le Pape des Cactus pointe du doigt le vol, le montant élevé des factures d’eau et la mévente. Ce dernier phénomène s’est accentué, selon lui, avec l’implantation de la BOA dans leur environnement immédiat. «Les vigiles de la banque empêchent les clients de se garer pour acheter. Depuis qu’ils sont venus, on constate des baisses de nos chiffres d’affaire. Depuis le début de cette semaine, je n’ai encore rien vendu », se plaint le fleuriste professionnel.