LES SYNDICATS D’ENSEIGNANTS AFFUTENT LEURS ARMES
Après la victoire du Oui au référendum

Macky Sall aura-t-il le temps de savourer la victoire du Oui ? Au vu des déclarations des différents états-majors des syndicats d’enseignants, tout laisse à penser qu’une confrontation ardue risque encore de plonger l’école sénégalaise, déjà mal en point, dans le gouffre total. Le Grand cadre, le Fuse et le Cusems sont tous en train de concocter des plans d’action «corsés» pour amener le gouvernement au respect de ses engagements. Le Fuse a même décrété deux jours de grève totale, les mercredi et jeudi, en attendant la rencontre du 25 mars avec le gouvernement.
Pas de répit pour le Président Macky Sall et son gouvernement. A peine sortis du référendum, les voilà à devoir se frotter encore aux syndicats d’enseignants. Et c’est le Front unitaire des syndicats des enseignants (Fuse) qui déclenche les hostilités. Les enseignants membres de cette unité d’action syndicale observent aujourd’hui un débrayage à partir de 9 heures.
Cette action sera suivie d’une grève totale de deux jours les mercredi et jeudi, annonce le coordonnateur du Fuse, Abdou Faty. «Nous déroulons tranquillement notre agenda. Celui-ci n’est pas calé sur celui des politiques ou du référendum. La lutte continue jusqu’à ce que le gouvernement respecte ses engagements», tonne M. Faty.
«Les militants vont intensifier la lutte»
La même détermination est observée par le Grand cadre. Un autre front qui regroupe le SaemsCusems, le Sels/Originel, entre autres. «Nous avons constaté qu’avec ce référendum, le Président et son gouvernement n’avaient pas jugé opportun de régler nos problèmes. Cela n’a fait qu’augmenter le degré de frustration des enseignants», confie Mamadou Lamine Dianté, coordonnateur du Grand cadre des syndicats d’enseignants, joint par téléphone à Kolda où il se trouve actuellement pour réclamer la libération de 7 de leurs membres arrêtés par la gendarmerie pour avoir tenu une manifestation «non autorisée».
Selon lui, le Grand cadre ne compte pas baisser les bras. «Les militants vont intensifier la lutte. Ils sont en train de discuter à l’instant (Ndlr : Hier après-midi) sur un plan d’action plus corsé qui va être révélé dans les prochaines heures», annonce-t-il.
Même son de cloche au niveau du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems). Le coordonnateur, Abdoulaye Ndoye, parle de lenteurs dans l’exécution des accords signés. Jugeant le niveau «très faible», le syndicaliste annonce qu’un autre plan d’action sera lancé très prochainement. Selon lui, les points essentiels tels que les soldes, la délivrance des actes administratifs, l’alignement, la formation, la carrière des enseignants, aucun de ces points n’a connu de solution.
«Or, le gouvernement s’était donné des délais qu’il a aujourd’hui largement dépassés. Cela lui a été rappelé d’ailleurs lors des rencontres des 9 et 10 mars derniers au King Fahd sous l’égide du Haut conseil du dialogue social», rappelle Abdoulaye Ndoye, coordonnateur du Cusems.
Son collègue Mamadou Lamine Dianté, déçu des nombreuses rencontres sans succès avec le Haut conseil du dialogue social, indique que l’Etat doit faire preuve de courage et cesser de prendre ce Haut conseil du dialogue comme bouclier. «Il ne s’agit plus de négocier. Il s’agit d’appliquer des accords signés», relève le responsable syndical.
«Qu’on ne nous dise pas qu’il n’y a pas d’argent, il a coulé à flot durant la campagne»
Pour Abdou Faty du Fuse, c’est l’Etat qui a les solutions aux problèmes et doit revoir sa copie. Le syndicaliste annonce que sa structure a même «proposé au gouvernement, lors de la rencontre avec le Haut conseil du dialogue social, d’accélérer la mise en solde des professeurs contractuels en passant de 4 mille enseignants par an à 7 mille, tout en augmentant le budget alloué à la régularisation de ces cas».
En tout état de cause, le gouvernement a intérêt à faire vite, selon Abdoulaye Ndoye, sur cette question. Pour lui, l’alibi de l’indisponibilité des ressources ne passera pas. «Nous avons vu l’argent coulé à flot durant les jours qui ont précédé le référendum pour obtenir le Oui. Nous avons aussi entendu des syndicalistes des Impôts et domaines crier sur tous les toits que l’Etat procède à des renonciations et des exonérations fiscales en faveur de certaines entreprises. Qu’on ne nous dise pas que l’argent n’est pas disponible dans ce pays», vocifère le responsable syndical au bout du fil.
Avec ces menaces, ce ton guerrier et ce gouvernement qui semble traîner le pas quant à l’application des accords, c’est les élèves et les parents qui risquent encore d’en pâtir. A moins que la rencontre du 25 mars avec le gouvernement et les syndicats d’enseignants soit celle qui va permettre de sauver les meubles.
Non-respect des accords par l’Etat: Le Saes et les autres secteurs de la Fonction publique préparent une marche nationale
Macky Sall sort victorieux de son combat contre le Non lors du référendum, mais une autre bataille plus ardue l’attend : la pacification du front social. Celle-ci ne sera pas de tout repos. Puisque la prochaine étape de la lutte des syndicats, aux yeux du secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du supérieur (Saes), Seydi Ababacar Ndiaye, sera une grande marche nationale qui sera organisée de commun accord avec les travailleurs de la justice, ceux de la santé, des collectivités locales, des enseignants et de la Sonatel.
«Nous allons nous battre, car la Fonction publique est remise en cause dans ce pays. En plus, il faut qu’on en finisse avec cette lutte, car la situation de tension permanente dans laquelle nous évoluons ne peut pas sortir ce pays de la pauvreté», note-t-il.
Poussant ses explications, le secrétaire général du Saes lance à l’endroit du chef de l’Etat : «Après le tintamarre et le show qui n’ont aucun sens, nous l’invitons à se consacrer aux problèmes pour lesquels il a été élu.» Il suggère même au Président Sall de se réconcilier d’abord d’avec une partie des Sénégalais qu’il a traités d’adversaires lors de la campagne référendaire. «Il n’y a pas d’adversaires, ce sont les Sénégalais qui étaient appelés aux urnes et non des Américains ou des Français», rouspète Seydi Ababacar Ndiaye.
Le secrétaire général du Saes informe que son mouvement syndical va continuer la bataille. Les militants sont en train d’intensifier la lutte. Ils sont en négociations très avancées avec les autres secteurs du front social, renseigne-t-il.
Revenant sur le respect des accords signés, le secrétaire général du Saes en profite pour s’attarder sur les propos du chef de l’Etat tenus lors de la cérémonie d’ouverture des premières rencontres économiques de Dakar organisées par le directeur du Port autonome de Dakar, Cheikh Kanté. Macky Sall avait déclaré que le syndicalisme était en train de détruire les bases des universités africaines à cause des grèves répétitives.
Pour lui, le chef de l’Etat doit surtout se concentrer sur la matérialisation des accords à propos desquels il a donné des directives pour leur application et d’arrêter d’accuser les responsables syndicaux. «Peut-être qu’il était stressé par le référendum. Maintenant qu’il a gagné, nous l’invitons à plus de sérénité. Nous sommes des partenaires, il ne faut pas qu’il voit en nous des adversaires», rappelle l’universitaire, joint par téléphone hier.
Pour rappel, le Saes réclame le respect des accords signés avec le gouvernement, notamment les points qui concernent la prise en charge des questions sanitaires et des pensions de retraite. Le syndicat a ouvert un autre front. Il a porté plainte contre l’Etat à propos du logement dans l’agglomération de l’université pour violation de la loi 1981 qui régit les enseignants-chercheurs, notamment en ses articles 61 et 10.