L'AMÉRIQUE FACE À SON PASSÉ ESCLAVAGISTE
L'historien Mohamed Mbodj, le consultant Athanase Karayenga et l'analyste politique René Lake commentent la perspective d'une compensation des États-Unis en guise de réparation pour les préjudices causés par l'esclavage

La commission des affaires judiciaires de la Chambre des représentants a adopté, mercredi 14 avril, un projet de loi portant le principe d’une compensation financière pour réparer les méfaits de l’esclavage aux Etats-Unis. Le texte a été adopté par 25 voix contre 17, les démocrates votant tous pour et les républicains tous contre. Ce vote historique s’inscrit dans un climat de tension causé par la mort dimanche de Daute Wright, 20 ans, à Brooklyn Center, banlieue de Minneapolis où se déroule actuellement le procès de Derek Chauvin, accusé du meurtre en mai 2020 de George Floyd.
La chambre basse du Congrès, où les démocrates sont majoritaires, devra ensuite approuver en séance plénière à une date indéterminée ce texte, appelé H.R.40, en référence à la promesse, non tenue, aux esclaves afro-américains libérés après la guerre de Sécession de donner aux anciens esclaves « 40 acres [de terre à cultiver] et une mule [pour tirer une charrue] » (« 40 acres and a mule »). Mais le sort du texte est incertain au Sénat, où les démocrates devront obtenir les voix d’au moins dix républicains pour qu’il soit finalement adopté.
Propositions d’indemnisation, opposition républicaine
Le projet de loi prévoit la création d’une commission d’experts qui serait chargée de faire des propositions sur l’indemnisation par le gouvernement des descendants des quelque quatre millions d’Africains amenés de force aux Etats-Unis entre 1619 et 1865, date de l’abolition de l’esclavage.
Il s’attaque à « l’injustice, la cruauté, la brutalité et l’inhumanité fondamentale de l’esclavage » et aux disparités dont souffre encore aujourd’hui la minorité noire américaine.
Ce vote « historique » est destiné à « poursuivre un débat national sur la façon de combattre les mauvais traitements subis par les Afro-Américains pendant l’esclavage, la ségrégation et le racisme structurel qui reste aujourd’hui endémique dans notre société », a déclaré avant le vote le président de la commission des affaires judiciaires, le démocrate Jerry Nadler.
La démocrate afro-américaine Sheila Jackson Lee a imploré ses pairs de ne pas « ignorer la douleur, l’histoire, et la sagesse de cette commission ».
Le président Joe Biden, lui aussi démocrate et qui a rencontré mardi des élus afro-américains au Congrès, s’est « engagé » à soutenir ce texte, a-t-elle dit.
Mais les membres républicains de la commission, tout en reconnaissant la brutalité de l’esclavage, s’opposent à cette législation. « Elle nous éloigne de l’important rêve de juger quelqu’un sur le contenu de sa personnalité et non la couleur de sa peau », a déclaré un représentant républicain, Chip Roy.