PARIS CONFRONTÉE À SES RESPONSABILITÉS DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSIS AU RWANDA
Pour la première fois, l'État français se trouve directement confronté à des poursuites liées à son rôle présumé dans ce génocide qui a coûté la vie à un nombre effroyable de personnes, estimé à plus de 800 000 entre avril et juillet 1994

Une étape capitale vient d'être franchie dans la quête de vérité et de justice pour les victimes du génocide des Tutsis au Rwanda. Vingt et un Rwandais, accompagnés de deux associations, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et Rwanda Avenir, ont engagé une procédure judiciaire inédite contre l'État français. Leur objectif est clair : faire établir et juger les actes responsables de la France avant et pendant les événements tragiques de 1994.
Pour la première fois, l'État français se trouve directement confronté à des poursuites liées à son rôle présumé dans ce génocide qui a coûté la vie à un nombre effroyable de personnes, estimé à plus de 800 000 entre avril et juillet 1994. Les requérants demandent une indemnisation substantielle de 500 millions d'euros pour les préjudices subis.
Ce recours révélé par le site Afrique XXI met en évidence des éléments troublants, pointant du doigt les actions et les décisions de l'État français, ainsi que le rôle de certaines personnalités clés de l'époque. Parmi elles, l'amiral Jacques Lanxade, qui occupait le poste de chef d'état-major des armées de 1991 à 1995, et Hubert Védrine, secrétaire général de l'Élysée pendant la même période, sont particulièrement visés. Selon le document déposé devant le Tribunal administratif, l'amiral Lanxade aurait outrepassé ses attributions grâce à une délégation tacite et implicite de M. Védrine, qui lui-même ne remplissait pas ses fonctions. Ces allégations soulèvent des questions cruciales sur la responsabilité de l'État français dans la non-dénonciation de l'accord d'assistance militaire signé avec le Rwanda, un soutien qui aurait persisté pendant le génocide.
Le recours met également en lumière les multiples signaux d'alerte qui auraient dû inciter la France à être plus vigilante quant à son soutien au régime rwandais, compte tenu d'un "climat génocidogène" perceptible par l'administration française bien avant le début des massacres. Les opérations militaires menées par la France, notamment l'opération Turquoise, sont également mises en cause. Alors que l'armée et l'État français ont présenté cette opération comme une mission humanitaire, des témoignages et des travaux de recherche remettent en question cette version officielle. Certains affirment que l'opération Turquoise avait initialement pour objectif de protéger le régime génocidaire contre l'avancée du Front patriotique rwandais (FPR), avant de se parer d'une façade humanitaire lorsque la situation est devenue insoutenable. De plus, des accusations sont portées contre cette opération pour n'avoir pas empêché la diffusion de la propagande génocidaire de la Radio-Télévision des Milles Collines (RTLM) et pour avoir facilité le départ de membres influents du mouvement extrémiste Hutu Power.