VIDEOLA PRESSE SÉNÉGALAISE EN LUTTE
Face à la suspension de près de 400 médias, le CDEPS annonce un recours contre l'arrêté ministériel, qualifié d'"illégal et arbitraire". Un nouvel épisode dans la longue crise qui affecte la presse nationale depuis l'avènement du régime de Diomaye Faye

Le patron du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS), Mamadou Ibra Kane, monte au créneau contre la récente décision gouvernementale visant à suspendre près de 400 médias. Dans une interview accordée à la télévision Future Média lundi 28 avril, il annonce un recours imminent contre l'arrêté ministériel du 22 avril qui impose "l'arrêt immédiat de la diffusion et du partage de contenu non conforme aux règles établies par le code de la presse".
"C'est un acte illégal et arbitraire," affirme M. Ibra Kane, rappelant que "la création d'un média n'est pas assujettie à une autorisation administrative" selon la législation sénégalaise. Il précise que "seule une décision de justice peut ordonner la cessation de parution d'un média, non le ministre de la communication".
Cette nouvelle tension intervient dans un contexte de crise profonde du secteur médiatique sénégalais. Le patron du CDEPS souligne que les difficultés ont commencé dès 2015 avec la hausse des prix du papier, avant d'être exacerbées par la pandémie de Covid-19. "Les entreprises de presse n'ont pas bénéficié des fonds d'aide de 1000 milliards destinés aux entreprises en difficulté," déplore-t-il.
La situation s'est encore détériorée avec l'arrivée du nouveau régime qui a refusé l'effacement fiscal accordé par le gouvernement précédent. "Non seulement on nous a asphyxié au niveau fiscal, mais également au niveau économique", explique-t-il, pointant également le gel des subventions à la presse votées dans le budget 2024 et la demande de "résiliation unilatérale des contrats publicitaires" avec les entreprises de presse.
Au-delà de ces tensions avec les autorités, Mamadou Ibra Kane reconnaît une part de responsabilité du secteur dans sa propre crise. "Nos médias sénégalais sont au 20e siècle alors que le monde est au 21e siècle", admet-il concernant l'échec de la mutation technologique. Il plaide néanmoins pour une vision plus stratégique de l'État envers un secteur qu'il considère "névralgique" pour la démocratie et le rayonnement international du Sénégal.
"Dans le monde du 21e siècle, c'est l'information qui est l'arme principale de domination et de concurrence entre les États", conclut-il, appelant les autorités à "ne pas considérer telle télévision, telle radio ou tel journal comme un opposant politique".