NOUS NE SOMMES PAS OBLIGÉS DE NOUS TAIRE PARCE QU'IL S'AGIT D'UN MARABOUT
Et si l’attaque du quotidien Les Echos annonçait un recul de la liberté de la presse au Sénégal ? Dans l’espace où travaillaient les journalistes, c’est la désolation

Après le saccage du quotidien « Les Echos » par des partisans d’un chef religieux, les journalistes s’inquiètent pour la liberté de la presse au Sénégal.
Et si l’attaque du quotidien Les Echos annonçait un recul de la liberté de la presse au Sénégal ? Dans l’espace où travaillaient les journalistes, c’est la désolation. Seuls deux appareils électroniques fonctionnent encore, les écrans des ordinateurs sont brisés, la carcasse du poste de télévision gît en morceaux… Ce mardi 4 août, l’organe de presse portait encore les traces des actes de vandalisme de la veille. « Nos locaux ont été attaqués vers 13 heures par des hommes qui se sont présentés comme des disciples du guide religieux Serigne Moustapha Sy », raconte Mbaye Thiandoum, le rédacteur en chef.
Lundi, le journal avait affirmé en une que ce dignitaire de la confrérie des tidianes, président du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), avait été hospitalisé à Dakar, atteint du Covid-19. « Cette information n’a pas plu à certains disciples, qui sont venus tout casser », résume Mbaye Thiandoum, encore abasourdi. Il affirme avoir reçu, peu avant l’attaque, un appel téléphonique d’un proche du marabout se plaignant du contenu de l’article.
Dans un communiqué, le PUR avait dénoncé les « mensonges éhontés » du journal, affirmant que leur président était « bien portant ». Ce texte menaçait d’ailleurs à mots couverts l’organe de presse d’un « Laissez-le tranquille si vous voulez la paix », sans pour autant appeler au vandalisme. Aujourd’hui, une source proche du PUR, qui souhaite garder l’anonymat, assure que « ces actes n’ont pas été dictés par le parti » et qu’à ses yeux « ce sont des jeunes incontrôlés de la communauté politique ou religieuse qui ont agi de leur propre chef ».
« Coquille vide »
« Les contestataires ont la possibilité de demander un démenti ou de recourir à la justice s’ils s’estiment diffamés. Nous ne sommes pas obligés de nous taire parce qu’il s’agit d’un marabout ! », s’offusque Mbaye Thiandoum, qui s’inquiète pour la liberté de la presse dans son pays. Pour lui, « de tels actes doivent être punis, sinon la presse n’osera plus parler des marabouts et toute personne se sentant diffamée pourra s’attaquer aux journalistes ».