RÂLER CHANGE AVEC ORANGE
Les députés chargent la Sonatel : redevances non versées, tarifs élevés, faible couverture et mauvaise qualité du réseau...
C'est une véritable motion de censure contre la SONATEL que les députés ont votée hier à l'Assemblée nationale. Les élus ont profité du passage du ministre des Télécommunications et des Postes pour dire tout le mal qu'ils pensent de la première société de téléphonie au Sénégal. Couverture réseau, tarifs, redevance, tout est source d'insatisfaction pour des parlementaires qui demandent le non-renouvellement du contrat de concession.
Le jour où la direction de la communication de la SONATEL aura envie de mesurer l'image de la société auprès des élus, elle n'aura pas besoin d'étude de terrain. Il lui suffira d'attendre le passage du ministre des Télécommunications et des Postes à l'Assemblée nationale pour connaître leur appréciation.
Yaya Abdoul Kane était hier à l'Hémicycle, mais on en oublie même parfois que son département ne se résume pas à la téléphonie, tellement le ministre a été interpellé sur la SONATEL. Les parlementaires ont exprimé toutes leurs frustrations à l'encontre de la première société de téléphonie, allant même jusqu'à demander à l'État du Sénégal de ne pas renouveler le contrat de concession qui arrive en expiration en fin 2016.
Les récriminations sont essentiellement de trois ordres : la couverture et la qualité du réseau, les tarifs et le paiement des redevances, avec comme toile de fond les 800 milliards et chiffres d'affaires et les 170 milliards de bénéfice annuel. Le point qui est revenu le plus est celui du paiement de la redevance. C'est à ce niveau qu'il faut mesurer le fossé qui existe aujourd'hui entre la SONATEL et les collectivités locales. Zator Mbaye par exemple s'en est pris violemment à la société, lui reprochant de ne participer aucunement à la résorption du chômage. Et au même moment, ajoute-t-il, elle partage de forts dividendes tout en refusant de payer des taxes.
Son collègue Barthélemy Dias a voulu donner des exemples sans doute pour rendre plus concret le problème. Selon lui, la SONATEL a proposé cette année à la commune de Mermoz-Sacré-Cœur la somme de 1 889 990 francs "pour tout le linéaire aérien et terrestre sur le territoire de la commune, en plus des chambres et des antennes".
En guise de comparaison, il révèle que la SENELEC, une entreprise déficitaire, lui a payé 128 millions. Et la SDE a déboursé trois fois plus que ce que la SONATEL propose. Le Socialiste se demande comment une entreprise, qui fait 800 milliards de chiffres d'affaires, peut lui proposer moins de deux millions. Il reconnaît cependant que le problème se situe plus sur les textes, largement dépassés par le contexte, que sur la SONATEL.
N'empêche, d'autres députés ont aussi crié leur indignation. Babacar Diamé lui déclare avoir renoncé aux 45 000 F qui lui ont été proposés. Pour toutes ces raisons, Zator Mbaye demande à l'État d'agir pendant qu'il est temps. "Il ne faut pas attendre que les collectivités locales prennent leurs responsabilités et enlèvent les équipements. Il faut avoir une démarche d'anticipation", suggère-t-il.
L'autre point est relatif à la couverture et à la qualité du réseau. Les élus nationaux n'arrivent pas à comprendre que depuis son existence et malgré tout l'argent qu'elle brasse, que la SONATEL n'arrive toujours pas à couvrir le territoire national. Ce qui fait que des parties du territoire national ne sont pas couvertes. C'est le cas au Sud où la population capte souvent les réseaux de la Gambie et de la Guinée Bissau et au Nord qui est souvent connecté au réseau de la Mauritanie.
Me El Hadji Diouf, avocat de la SONATEL
Le troisième point est lié à la cherté des coûts du téléphone. Une question qui concerne les autres opérateurs mais qui est restée centré sur la SONATEL, opérateur historique. Le député Diop Sy demande à celle-ci d'avoir pitié au moins de la population. Lui aussi trouve excessifs les 170 milliards de bénéfice annuel. Mbayang Guèye Dione aussi a un problème avec les prix, mais son intervention est axée sur les tarifs que la SONATEL impose à Hayo, un opérateur basé à Matam. "Il est temps que l'ARTP joue son rôle et fixe les tarifs", assène-t-elle. Compte tenu de tout ce qui précède, les députés estiment en définitive que "ce comportement arrogant de la SONATEL ne donne satisfaction ni aux communes, ni à l'État, ni aux citoyens sénégalais tout court".
Interpellé sur toutes ces questions, le ministre de tutelle a montré que son ministère n'est pas loin d'être une coquille vide. Yaya Abdoul Kane a tout déversé dans la corbeille de l'ARTP et de la commission dirigée par le ministère des collectivités locales pour étudier la question des redevances. Sur chacun des points, il s'est contenté de dire qu'on va demander à l'ARTP de faire jouer davantage sa mission de régulation et que toutes les questions soulevées seront étudiées.
Heureusement pour la compagnie téléphonique, El Hadji Diouf a porté son robe d'avocat pour la défendre. Une plaidoirie qui nécessite un déplacement vers l'estrade. "On doit faire attention. J'ai vu des tirs groupés sur la SONATEL. Parler d'arrogance me paraît excessif. On a même demandé de ne plus renouveler le contrat, je ne sais pas pourquoi. La SONATEL emploie des milliers de jeunes et verse des milliards à l'État. Elle a défendu ses consommateurs puisqu'elle s'est battue contre la hausse des appels entrants, allant jusqu'à défier le décret de Wade devant le tribunal."
Ainsi, afin de dissiper tous ces ressentiments, des députés comme Hélène Tine ont appelé à la mise en place d'une plateforme de dialogue. Laquelle permettra que les questions qui divisent soient étudiées, afin de trouver des solutions apaisantes pour toutes les parties.
Le budget du ministère des Postes et des Télécommunications est à 3, 850 milliards contre 1,038 milliard l'année dernière. Une hausse qui s'explique par les investissements, le Parc des technologies numériques et une aide d'un milliard à la Poste.