MBOUR RENTRE AVEC DES CERCUEILS DE MORTS ET SES DIZAINES DE BLESSES
CARNAGE AU STADE DEMBA DIOP
L’après-midi du 15 juillet 2017 restera à jamais gravée dans la mémoire collective des Sénégalais en général et des populations et sportifs de la ville de Mbour en particulier. en effet, la finale de la coupe de la ligue entre le Stade de Mbour et l’Us Ouakam (Uso) qui devait être une belle fête sportive s’est transformée en un abominable carnage pour les supporters mbourois. huit (8) d’entre eux ont perdu la vie tandis que plus de 86 blessés ont été enregistrés à la suite de l’affaissement d’un mur du stade qui a cédé au sauve-qui-peut des supporters mbourois attaqués et pourchassés par ceux de Ouakam.
Jamais dans l’histoire du football sénégalais, une tragédie aussi grande que le drame du 15 juillet dernier n’a été vécue. Cette journée qui était prévue l’une des après-midi les plus festives du sport sénégalais a viré à un sinistre carnage. Cette date est désormais marquée au fer rouge. Elle constitue la page la plus sombre de l’histoire sportive du Sénégal. 8 morts et 86 blessés, c’est le bilan de la chasse à l’homme déclenchée par les supporters de l’Uso contre ceux du stade de Mbour.
Dès l’annonce de la triste nouvelle, c’est la panique générale dans la ville de Mbour. Les populations sont tétanisées. On appelle ses proches qui se sont rendus à Dakar pour avoir des nouvelles. Parmi les milliers de supporters qui sont allés soutenir leur équipe, certains y ont malheureusement laissé la vie. Il s’agit de 8 jeunes au total. Aïda Mbodji qui animait un meeting au stade Caroline Faye a aussitôt arrêté la manifestation, car les militants commençaient à rentrer chez eux.
Dépassées par la tragédie, certaines personnes craquent et s’effondrent par terre. Au même moment, d’autres crient vengeance. Comme un seul homme, les Mbourois pleurent leurs fils tombés sur le champ de Demba Diop. «Le département de Mbour se souviendra pour toujours de cette soirée. On vient de vivre un grand malheur. C’est pourquoi, nous avons immédiatement arrêté toutes nos manifestations politiques pour observer le deuil», indique le directeur de Cabinet du président de la République Me Oumar Youm.
En plus de Aida Mbodj en tournée dans le département, Ousmane Sonko a décidé aussi de marquer une pause à la mémoire des disparus. Même décision pour la coalition gagnante Manko Wattu gagnante dont le leader, Abdoulaye Wade avait programmé une visite à Mbour hier dimanche.
UN LENDEMAIN DOULOUREUX DANS LA VILLE
Ce drame a provoqué un énorme traumatisme dans la ville. Dans les quartiers Tiocé Ouest, Tiocé Est, 11 Novembre, Tefess et Médine qui sont endeuillés, les voisins font un tour dans les maisons pour présenter leur condoléance. Chez Danfa Kounda où vivait Boucounta Sow (jeune joueur à l’avenir prometteur) qui évoluait au Football Océan, la famille est atterrée. La soirée du samedi qui devait être festive à l’heure de l’accueil des joueurs a été un moment de récital de coran pour le repos de l’âme des disparus. Dans les mosquées, les jeunes ont organisé des séances de prières jusqu’à l’aube du dimanche. Mbour est en deuil. La barbarie des supporters de l’Uso a dépassé l’entendement.
REACTIONS… REACTIONS…
DAOUDA SOW, PERE DE BOUCOUNTA DIT BEAU : «Ils ont brisé l’avenir radieux de mon fils»
Je suis sous le choc depuis que j’ai appris la nouvelle, mais je m’en remets tout à Dieu. Seul, Lui a la capacité de nous faire surmonter certaines situations. Mon fils était un sportif et très pieux. Lorsqu’il venait chez moi, il faisait des «zikr», ce qui fait que ses frères le taquinaient tout le temps. A 9 ans, il a participé, à un tournoi de football à Paris. Ensuite, il a fait des tests à Diambars et à Génération foot. Il est âgé de 17 ans, il n’avait même pas atteint l’âge majeur et voilà qu’on me l’a arraché de la façon la plus horrible. Mais nous nous en remettons à Dieu, Lui qui est Omnipotent et Omniscient, tout en sachant que ceux qui ont brisé l’avenir de mon fils m’ont brisé le coeur».
BAYE ASS NDIAYE, ONCLE DE WOLY FALL : «On a tué ma nièce qui a laissé une fille de 12 ans»
«Je suis témoin oculaire des faits. J’étais au stade accompagné de ma femme, de mon fils et de ma nièce. Ce qui s’est passé a été très bien orchestré. Dans le stade, il n’y avait pas plus de 20 policiers. Je les ai comptés, ils étaient 4 filles et 16 hommes. Comment, un nombre aussi insuffisant peut-il contenir des milliers et des milliers de personnes. Lorsque le Stade de Mbour a marqué le deuxième but, les supporters de Ouakam ont commencé à jeter des projectiles sur la tribune VIP en ciblant le président du Stade Saliou Samb et Mbaye Diouf Dia (de Mbour Petite Côte) qui n’ont dû leur salut qu’à l’intervention de tierces personnes. Puis, ce fut l’attaque contre les supporters mbourois. Les supporters d’Uso avaient par devers eux des armes blanches et de grosses pierres. Pour sauver leur vie, les supporters Mbourois ont tenté de sauter de la tribune découverte. C’est à partir de ce moment que les forces de l’ordre ont lancé des grenades lacrymogènes contre les Mbourois qui étaient pourchassés par leurs adversaires. Donc c’est faux de dire que toutes ces personnes sont mortes à cause de l’affaissement du mur sur eux. Ces individus ont causé un drame humain et social. Car ma nièce qui travaille à la Croix Rouge laisse derrière elle une fille de 12 ans».
BAYE FALL, UN RESCAPE : «J’ai vu la mort de prés»
«Ce jour restera à jamais gravé dans ma mémoire, car je n’ai jamais vu autant de barbarie. J’ai vu un supporter de Mbour succomber après avoir reçu une brique sur la tête. Ce gars s’est affalé et le sang giclait. Il ne bougeait plus. J’ai tenté de lui venir en aide, mais dès que je me suis déplacé, on a lancé un morceau de brique qui a failli me briser la tête. J’ai placé mon bras pour l’esquiver. Du fait de cette parade, j’ai été blessé à l’avantbras. J’ai vu les supporters de Ouakam sortir de couteaux, des haches, des armes (bec nawnaw), des gourdins et qui poignardaient les mbourois. J’ai échappé de justesse à la mort.
MODOU NDIAYE, UN RESCAPE : «Ils nous pourchassaient dans les rues comme des vils criminels »
«Après que les forces de l’ordre ont lancé les grenades lacrymogène pour disperser la foule, ce fut le sauve-qui-peut. Les Mbourois qui sont parvenus à sortir du stade ont été pourchassés dans les rues comme des vils criminels. Les supporters d’Ouakam étaient armés des pierres, de machettes et de couteaux. Dès qu’ils voyaient quelqu’un avec le maillot du Stade de Mbour, ils le pourchassaient et le poignardaient. Ce sont les riverains du stade et les habitants de Niary Tally qui nous sont venus en aide. Ils ouvraient les portes de leurs maisons pour nous abriter. Ils nous ont offert des habits pour nous changer afin de semer ces criminels.
PRESIDENT DES SUPPORTERS : «Les représentants de la Ligue ont fauté»
«J’étais à la réunion organisée par la Ligue. Ils nous ont donné des garanties que les deux camps n’entreront pas par la même porte et n’occuperont pas les mêmes gradins. Mais à l’arrivée, ces promesses de Ndoféne Fall, adjoint du président de la Ligue n’ont pas été tenues. Il a raconté des histoires. Je ne comprends pas comment les supporters de l’Uso ont pu introduire des armes blanches dans le stade. Les supporters d’Ouakam sont coutumiers des faits. Ils l’ont fait contre Niari Tally et Jaaraf. Parfois, ce sont les joueurs eux-mêmes qui font entrer certaines armes. La demoiselle qui est décédée a été froidement tuée par des individus armés. C’est un défi que nous leur lançons. D’ici 150 ans l’équipe de Ouakam, ne mettra plus les pieds à Mbour. Notre matériel de sonorisation d’une valeur de 3 millions FCfa, le groupe électrogène et nos tams-tams ont été dérobés.
SALIOU SAMB, PRESIDENT DU STADE DE MBOUR : «NOUS ALLONS PORTER PLAINTE DEVANT LE PARQUET DE DAKAR»
«Actuellement nous vivons les moments les plus durs de notre existence. Nous souffrons affreusement mais dans la dignité sans oublier de s’en remettre à Dieu. Nous appartenons tous à Dieu et nous retournerons tous vers lui, quoi qu’il arrive. Nous pensons aux familles des victimes avec qui nous partageons la douleur. Nous nous attendions à vivre une fête attendue depuis plus de 60 ans par les Mbourois.
Et cette fête a été gâchée par des évènements malheureux. Nous le regrettons et nous avons une pensée pieuse aux victimes. Nous devons récupérer les corps pour les inhumer dans la quiétude et la sérénité. Nous adressons un remerciement aux supporters du Stade de Mbour, à tous les fils de Mbour, au milieu sportif et aux secouristes. Nous remercions aussi le Président Macky Sall pour nous avoir permis de ramener tous nos supporters après le drame à Mbour. Parce que nos bus ont été saccagés. Et il a mis à notre disposition des bus de transport pour ramener tous nos supporters. Nous le remercions vraiment pour cette assistance.
Irrévocablement, les responsabilités vont être situées. La Direction du Stade de Mbour va porter plainte dès demain (Ndlr : aujourd’hui) au niveau du parquet de Dakar pour que les responsabilités soient situées et que toutes les mesures soient prises pour que justice soit faite pour nos victimes, pour Mbour et pour le Sénégal. Le Sénégal ne mérite pas cela. Ceci étant, nous lançons un appel à tous les Mbourois. Nous leur demandons de souffrir dans la dignité et dans la sérénité. J’ai l’impression de vivre un cauchemar. Mais je l’accepte avec beaucoup de dignité et de responsabilité. Nous demandons à nos supporters d’en faire autant. Avec toute la direction du Stade de Mbour et tous les Mbourois, nous ferons face à ce drame pour nous en sortir plus forts. La vie ne s’arrêtera pas aujourd’hui. Nous devons commencer à penser à l’avenir. Si on fausse ce moment-là, notre avenir sera encore plus noir. Je demande aux Mbourois de rester calmes et de nous écouter. Nous allons revenir, faire notre deuil ensemble et situer les responsabilités pour que justice soit faite.»