ABDOUL MBAYE, UN GOLDEN BOY ENTRE LES «MAINS SALES» DE LA POLITIQUE
Depuis qu’il a atterri dans le champ politique, le président du parti Alliance pour la Citoyenneté et le travail (ACT) prend conscience d'être dans un domaine impitoyable où tous les coups sont permis
Fils du juge Kéba Mbaye, ancien pensionnaire des Hautes Etudes Commerciales de Paris (HEC Paris), directeur de banque à 29 ans. A cette trajectoire enviable vient s’ajouter le fait qu’Abdou Mbaye est un ancien Premier ministre du Sénégal. Mais force est de constater que depuis qu’il a atterri dans le champ politique, le président du parti Alliance pour la Citoyenneté et le travail (ACT) n’en finit pas de prendre conscience qu’il est dans un domaine impitoyable où tous les coups sont permis.
«Comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! Comme tu as peur de te salir les mains. Eh bien, reste pur ! A quoi cela servira-t-il et pourquoi viens-tu parmi nous ? ». Le « Tu » de cette pièce de théâtre les Mains Sales du philosophe Jean Paul Sartre pourrait bien renvoyer à notre compatriote Abdoul Mbaye, tellement l’ancien Premier ministre est en train de se heurter aux dures réalités de la politique sénégalaise. En effet, la vie de l’’ancien étudiant des Hautes Etudes Commerciales de Paris est loin d’être une sinécure depuis qu’il a des responsabilités politiques. En devenant Premier ministre le 3 avril 2012, Abdoul Mbaye passait quasiment pour un homme providentiel, tellement le président de la République tenait en lui le technocrate à la carrière intouchable. Mais voilà !Depuis, l’ancien président directeur général de la Banque de l’Habitat du Sénégal apprend à ses dépens que la politique est une guerre où on peut mourir plusieurs fois. Ainsi la descente aux enfers commence pour l’ancien directeur général de la Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale quand, en décembre 2012, il fait face à une motion de censure déposée par le groupe des Libéraux et démocrates en raison du rôle présumé d’Abdoul Mbaye dans le placement dans la banque sénégalaise dont il était directeur général de l’argent du président du Tchad Hisséne Habré, en fuite au Sénégal en 1990. Un épisode qui a jeté du sable dans ses relations avec le président la République du Sénégal Macky Sall. Et le fils de l’ancien président de la Cour suprême, Keba Mbaye, sera démis de ses fonctions le 13 septembre 2013.
DES «ACT » MANQUÉS
Jurant de soutenir le président Macky Sall, même après avoir été éjecté du gouvernement, le frère de l’ancien directeur de la SONATEL, Cheikh Tidiane Mbaye, peaufine dans l’ombre son entrée officielle en politique. Et en 2016, il fait le grand saut en lançant le parti l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT). Et comme pour se dédouaner de sa volte-face, il déclarait : «Nous étions dans un projet ; en août 2013, à l’occasion d’une interview, j’ai confirmé mon engagement derrière Macky Sall. De 2012 à 2013, qui était Macky Sall ? Peut-être Macky Sall était encore le même en 2014 ; mais aujourd’hui très sincèrement, je ne reconnais plus mon Macky Sall ». L’ancien président du groupe Interbancaire Monétique de l’UEMOA (GIM UEMOA) ajoutait aussi que quand il s’engageait derrière Macky Sall, il lui avait dit qu’il n’était pas un homme à le suivre dans toutes les directions. Pour sa part, le président de la République dira, après son limogeage, que son ancien chef de gouvernement court comme une tortue. Et depuis, c’est une guerre acharnée qui est lancée entre le premier Premier ministre du régime de Macky Sall et son ancien patron. L’entrée en politique du «fils prodige » est aussi ponctuée par des sorties jugées hasardeuses par certains observateurs, comme ce fut le cas lors du vote de la loi sur le parrainage. Ce jour-là, après avoir manifesté en vain contre cette loi votée finalement par les députés de la majorité, il annonçait dans une chaine qu’il y avait eu un mort durant les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants avant de revenir sur sa déclaration. Un laxisme qui pousse les tenants du pouvoir à le qualifier «d’irresponsable ». Lui-même reconnaitra avoir été trompé par ses sources.
L’enseignant en Politique Monétaire à l’Ecole Nationale D’Administration voit aussi sa réputation trainée dans la boue lors de son procès avec son ex épouse Amina Diack. Il est en effet accusé par sa première femme d’avoir pris une deuxième épouse alors que l’ancien Premier ministre était sous le régime de la monogamie. Relaxé en première instance, le procès est ouvert en appel et le procureur a requis un an de prison ferme contre l’ancien trésorier de la Fédération sénégalaise de Football. Ce dernier trouve que le gouvernement veut le faire taire pour que la vérité sur l’affaire Petro-Tim n’éclate pas. Mais, selon lui, le gouvernement peut déchanter. Pour ce membre fondateur de la Fondation Kéba Mbaye, il va écrire pour demander à être entendu à la DIC parce qu’il est pressé de dire tout ce qu’il sait. Les preuves sont simples, explique-t-il, car ils ont mis dans un rapport de présentation de décrets de Pétro asia et sa filiale Pétrotim qui se dit être un grand groupe avec beaucoup d’expérience, alors que c’est faux. A l’en croire, il a les preuves de ce qu’il avance même s’il reconnaît avoir contresigné le contrat. «C’est vrai mais ce qu’on leur demande aussi, c’est de dire si le rapport est juste ou faux », soutient le président du conseil d’administration de l’Ecole Polytechnique de Thiès
Toutefois sur cette question, certains membres de la mouvance présidentielle trouvent que l’ancien Premier ministre a fait preuve de désinvolture. Pour le journaliste ancien ministre de la culture Abdou Latif Coulibaly, la responsabilité politique d’Abdoul Mbaye est engagée même si ce dernier se dit avoir été trompé. Quoi qu’il en soit, l’ancien Premier ministre qui dénonce un acharnement dans ce procès devra apprendre à encaisser des coups. Car comme le dit l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma, la politique est comme la chasse. On entre en politique comme on entre dans l’association des chasseurs. La grande brousse où opère le chasseur est vaste, inhumaine et impitoyable comme l’espace, le monde politique.