D’ANCIENS DETENUS MARCHENT POUR EXIGER DE NOUVELLES PRISONS
Hier, à la Place de l’Obélisque qui a l’habitude d’accueillir des politiciens et d’autres syndicalistes, ce sont d’anciens détenus qui ont investi les lieux
D’anciens détenus ont initié une marche hier à Dakar pour exiger l’amélioration des conditions de vie des prisonniers en détention dans les maisons d’arrêt et correction du Sénégal. D’autres mouvements et associations ont pris part à cette marche au cours de laquelle les conditions inhumaines de traitement ont été dénoncées par les participants dont des hommes politiques et anciens détenus à l’image de Barthélémy Dias.
Hier, à la Place de l’Obélisque qui a l’habitude d’accueillir des politiciens et d’autres syndicalistes, ce sont d’anciens détenus qui ont investi les lieux. Ils étaient accompagnés de différents leaders de mouvements qui se sont joints à eux pour dénoncer les traitements inhumains que subissent les détenus notamment à la maison d’Arrêt et de Correction de Rebeuss. En sursis, en liberté provisoire ou totale, d’anciens pensionnaires de la plus grande prison du Sénégal avaient tous effectué le déplacement à la Place de la Nation. A 15 heures déjà, les initiateurs de la marche étaient sur les lieux. Chacun s’est mis sous un arbre pour bénéficier de l’ombre en attendant le début de la marche. En face de ce petit monde, des policiers en grand nombre attendaient le début de la marche pour l’encadrer.
De l’autre côté, la sono venant d’un camion distille un son dans lequel le rappeur Fou Malade parle des conditions inhumaines de vie des prisonniers. Habillé d’une chemise rouge, Bentaleb Sow, un jeune homme de petite taille, n’a pas duré longtemps à la prison de Rebeuss, mais soutient y avoir vécu les jours les plus longs de sa vie. « Les cinq jours que j’ai passés en prison équivalent à cinq siècles, car les conditions de vie étaient inhumaines. Nous étions 180 dans la chambre 12 et l’odeur était insupportable», a dit le jeune activiste et membre du mouvement Frapp France Dégage arrêté en 2017 en même temps que Kémi Séba. Cet infographe et camarade de Guy Marius Sagna propose comme solution à cette population carcérale la mise en place de peines alternatives à la prison en réduisant les mandats de dépôt qui, selon lui, sont faits à la hâte. « Le doyen de notre chambre est resté 9 ans sans être jugé », soutient-il.
Peu avant 16 heures, les marcheurs quittent l’ombre des arbres pour se mettre dans le rang et marcher sur les Allées du Centenaire. Anciens détenus, parents, leaders de mouvement ou autres activistes n’ont cessé de répéter avec le rappeur Fou Malade des slogans comme « Toute personne peut se retrouver en prison un jour », ou encore « le prisonnier n’est pas un animal ». « Nous sommes ici pour dénoncer les longues détentions préventives et les difficiles conditions de vie des prisonniers », a déclaré l’ancien détenu Fou Malade et membre du mouvement Y en a marre. Il soutient que le code pénal a prévu des peines alternatives, mais qui ne sont pas appliquées de même que d’autres dispositions allant dans le sens de réduire le nombre de prisonniers. « Nous voulons dire aux autorités d’agir très vite avant qu’on en arrive à une mutinerie dans les prisons », alerte le rappeur.
BRACELETS ELECTRONIQUES
En plus des maux décriés en chœur, des pancartes étaient aussi brandies par les marcheurs. Sur ces dernières, on pouvait lire : «Le Sénégal maltraite les prisonniers, les prisonniers ont des droits, respect du nombre de détenus dans les prisons». Ancien détenu, l’homme politique Barthélémy Dias tire sur le ministre de la Justice, Grade des Sceaux. « Ce qu’il dit est contraire à ce qui se passe dans les maisons d’arrêt et de correction. Les conditions de vie y sont déplorables, et elles sont dues au surpeuplement carcéral. Le maire de la commune de Sicap-Sacré-Cœur-Mermoz rappelle au Ministre, Me Malick Sall, que les chambres 1, 2, 3, 4 font entre 40 et 50 m2 avec un minimum de 180 à 200 personnes.
Et pour mettre fin à tout cela, il invite le gouvernement à initier le programme des bracelets électroniques pour pouvoir décongestionner les prisons du Sénégal. « Nous voulons que le juge d’application des peines puisse avoir les pouvoirs réels et que le Procureur n’ait pas un droit de vie et de mort sur n’importe quel citoyen sénégalais », a déclaré celui qui a séjourné dans les prisons de Rebeuss, du Camp pénal, de Tambacounda, sans compter ses gardes-à-vue dans les commissariats de police et brigades de gendarmerie de Dakar. Un autre habitué de Rebeuss et des commissariats de police, l’activiste Guy Marius Sagna considère que la question de détenus fait partie de celles qui sont négligées par les gouvernants. « Il n’existe pas de budget pour l’amélioration des conditions sociales des détenus. Nous avons au Sénégal 37 prisons dont les 36 sont pleines », dit-il.
Dans leur déclaration finale, les organisateurs ont demandé à l’Etat de prendre des mesures urgentes pour construire de nouveaux établissements pénitentiaires et réhabiliter ceux qui sont en état de dégradation avancée. Ils ont également exigé la résolution immédiate de la question des longues détentions provisoires par le recrutement de magistrats en nombre suffisant ainsi que l’adoption des peines alternatives à l’emprisonnement pour certains détenus condamnés. A noter que 10 mouvements et associations ont pris part à cette marche qui a pris fin au rond-point de la RTS.