FATOU BENSOUDA “MAINTIENT” GBAGBO ET BLE GOUDE… EN PRISON
Nouveau rebondissement dans le feuilleton judiciaire international impliquant l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et son ancien ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé

La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a fait appel hier, lundi 16 septembre, de l'acquittement prononcé le 15 janvier dernier en faveur de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et de l’ancien ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé, par ailleurs ex- chef des Jeunes patriotes de Côte d'Ivoire. La décision d’acquittement des deux hommes avaient été suspendue le 1er février dernier à la demande de la Procureure de la CPI.
Nouveau rebondissement dans le feuilleton judiciaire international impliquant l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et son ancien ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé. Après la suspension (le 1er février) de la décision des juges prise le 15 janvier 2019, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a fait appel de l'acquittement de Laurent Gbagbo et de l'ancien chef des Jeunes patriotes de Côte d'Ivoire, Charles Blé Goudé.
Selon RFI, Fatou Bensouda estime que les juges auraient dû demander un non-lieu et non un acquittement. Déjà en janvier dernier, ils avaient acquitté les deux Ivoiriens en soulignant l'extrême faiblesse des preuves présentées par l'accusation. Après l’audition des témoins de la Procureure, alors que les accusés devaient présenter leurs propres preuves à décharge, deux des trois juges avaient estimé que la poursuite du procès était inutile, dénonçant «l’extrême faiblesse» des preuves de la Procureure et critiquant une «démonstration biaisée» sur cette période de l’histoire ivoirienne. Minoritaire, la troisième juge estimait que le procès devrait se poursuivre et c’est peut-être sur ces bases-là que la Procureure, qui avait contesté cette décision, aurait décidé de faire appel hier. Pour Fatou Bensouda, la différence est importante: l'acquittement innocente les deux Ivoiriens tandis que le non-lieu laisse ouverte la question de la responsabilité dans les crimes qui leur étaient reprochés, à savoir des crimes contre l'humanité dans la crise qui avait suivi l'élection présidentielle de 2010.
ASSIGNATION A RESIDENCE
La Procédure doit désormais être assez longue, comme elles le sont souvent à la CPI dont le fonctionnement est complexe et où presque chaque décision peut faire l’objet d’appel. Comme c’est cas avec cette décision de justice concernant le président Gbagbo et son ancien ministre de la Jeunesse dont la séquence qui a débuté par l’acquittement en janvier dernier suivie de leur maintien en détention en févier et se termine par l’appel de la Procureure introduit, hier lundi. Pour l'instant, ayant interjeté appel, la Procureure n'en dit pas plus. Elle ne dit pas notamment si elle compte demander une reprise du procès. Elle compte détailler ses arguments dans le mémoire qu'elle doit présenter au juge de la cour d'appel d'ici décembre. Les avocats de la défense, qui défendent Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo, devront ensuite lui répondre.
D’ailleurs, du côté de la défense, la démarche de la Procureure est loin d'être une surprise, explique maître Emmanuel Altit, l'avocat de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, sur RFI. «C'est une éventualité que nous avions anticipée. Cet appel porte notamment sur des points techniques. La défense répondra à cet appel quand le document aura été déposé, dans un mois.» Après la réponse de la défense s'ensuivront éventuellement quelques jours d'audience avant que les juges de la Chambre d'appel ne délibèrent sur les questions soulevées par le bureau de la Procureure. En attendant, l'ordonnance émise le 1er février contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé qui limitait leurs déplacements, suite à l’acquittement prononcé le 15 janvier dernier en leur faveur, reste valable. Ils ne sont pas pour l'instant libres de leurs mouvements et ne peuvent retourner en Côte d'Ivoire. L'ancien président ivoirien, qui est toujours à Bruxelles placé sous contrôle judiciaire, n'a en effet jusqu'à présent pas eu l'autorisation de la CPI de quitter la capitale belge. Gbagbo ne peut se déplacer hors de la capitale belge sans l’aval de la Cour. Même chose pour Charles Blé Goudé qui se trouve toujours à La Haye (non plus à l’hôtel), mais dans un appartement privé.
DES «ERREURS» DE DROIT ?
En son temps, pour étayer sa demande de suspension de l’acquittement des deux hommes devant la Chambre d’appel, Fatou Bensouda, avait relevé qu’il existe un «risque concret» que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ne prennent la fuite avant une éventuelle poursuite de leur procès. La procureure avait estimé également que les juges de la Chambre de Première instance avaient commis des «erreurs» de droit. Autre argument: la Côte d'Ivoire, pays signataire du Statut de Rome, n'a pas donné de signes convainquant d'une franche collaboration avec la CPI ces derniers mois. Une allusion aux déclarations d'Alassane Ouattara, le 4 février 2016, qui affirme qu'il n'enverra plus d'Ivoiriens devant la CPI. C'est lors d'une visite à Paris que le président ivoirien avait fait cette déclaration. En témoigne «l'échec», selon la Procureure de la Côte d'Ivoire à livrer l'ex-Première Dame, Simone Gbagbo, amnistiée le 6 août 2018, mais sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI. C’est pourquoi, elle avait recommandé, en cas de remise en liberté, de placer les deux personnes acquittées dans un pays qui coopère avec la Cour.
L’APPEL DE LA PROCUREURE DE LA CPI ET LA PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE DE 2020
Ce nouveau rebondissement n’est pas sans intérêt pour les Ivoiriens, surtout les partisans de l’ancien président Gbagbo, à l’horizon des élections présidentielles prévues en octobre 2020. En ce sens qu’avec l’appel de Fatou Bensouda, Laurent Gbagbo ne pourra pas quitter Bruxelles, du moins dans un premier temps. Et même si l’ex homme fort de la Côte d’Ivoire venait à rentrer au pays, il ne devrait pas être complètement débarrassé de ses ennuis judiciaires. En janvier 2018, la justice ivoirienne l’a condamné à 20 ans de prison ferme dans l’affaire dite du «braquage» de la BCEAO durant la crise post-électorale de 2010-2011. N’empêche, après leur meeting réussi samedi 14 septembre aux côtés du PDCI, les inconditionnels de Laurent Gbagbo n’espéraient plus qu’une seule chose: le retour au pays de leur président et de l’ex-leader des Jeunes patriotes Charles Blé Goudé. Car, un retour au pays de Gbagbo redistribuerait fortement les cartes du jeu politique ivoirien. Et permettrait aussi de faire face aux divisions internes au FPI. Mais les militants FPI qui déjà ne se faisaient pas de fausse joie, vont déchanter avec la dernière décision Fatou Bensouda qui risque de maintenir encore loin du pays leur leader pendant plusieurs mois.
Ibrahima DIALLO, avec RFI.FR