SIDIKI KABA RÉCUSÉ PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE
À peine nommé ministre de l’Intérieur, Sidiki Kaba fait l’objet de suspicions d’alignement politique de la part de l’opposition mais aussi de la Société civile

A peine la composition du Gouvernement Amadou Ba 2 dévoilée, les premières critiques fusent. Elles sont surtout soulevées par la Société civile qui dénonce la nomination d’un responsable politique, en l’occurrence Me Sidiki Kaba, au ministère de l’Intérieur. Au lendemain de la publication de la liste de la nouvelle équipe gouvernementale, la Société civile a soulevé de vives préoccupations concernant la personnalité nommée à la tête du ministère de l’Intérieur. Tout de même, cette position de la Société civile pose problème eu égard aux derniers scrutins, notamment les locales et les législatives de 2022, organisés par l’ancien ministre de l’Intérieur et marqués par des performances électorales notables de l’opposition.
Me Sidiki Kaba fait l’objet de suspicions d’alignement politique de la part de l’opposition mais aussi de la Société civile. A la lecture de la liste du nouveau gouvernement, ce mercredi 11 octobre, les Sénégalais ont eu la surprise de voir Me Sidiki Kaba migrer des Forces Armées vers le ministère de l’Intérieur. En clair, Me Sidiki Ka aura la lourde « mission » d’organiser la prochaine présidentielle qui aura lieu en février 2024. Visiblement, le président Macky Sall n’a pas voulu satisfaire une doléance de l’opposition, et aussi de la société civile, relative à la nomination d’une personnalité neutre à la Place Washington. Ou, à défaut, la création d’un ministère chargé des élections comme Me Abdoulaye Wade l’avait fait en portant à sa tête l’ancien Directeur général des Elections, Cheikh Gueye. Cette doléance avait fait l’objet, lors de la concertation sur le dialogue politique national, d’une divergence sur l’organe de tutelle en charge des élections. Les Non-alignés, l’Opposition et la Société civile avaient réaffirmé la nécessité d’un organe de tutelle indépendant avec une personnalité consensuelle à sa tête. A défaut, ces trois composantes proposaient de créer un ministère chargé des Elections dirigé par une personnalité non partisane. La Majorité, elle, avait soutenu que le système actuel a suffisamment produit des résultats appréciables gages de crédibilité de notre système démocratique. Et que, donc, il n’était pas question de le changer.
Les préoccupations de la Société civile
En tout cas, au lendemain du remaniement ministériel de ce mercredi, la Société civile s’est dite inquiète par rapport au changement intervenu à la tête du ministère de l’Intérieur à moins de quatre mois de la Présidentielle de 2024. Le Directeur exécutif de l’ONG 3D, Moundiaye Cissé, s’interroge sur la pertinence d’enlever le magistrat Félix Antoine Diome pour le remplacer par Mme Sidiki Kaba, tous les deux étant partisans. « S’il devait y avoir un véritable changement au ministère de l’Intérieur, c’était de mettre un ministère délégué en charge des Elections dirigé par une personnalité indépendante. Cela, ç’aurait pu être apprécié. Le fait de changer uniquement d’homme ne règle pas le problème puisque c’est toujours une personnalité partisane qui organise les élections. Donc, sur le principe, en termes de symbole, il n’y a pas de changement, c’est toujours une personnalité partisane qui va devoir organiser les élections alors que celui qui était là (Antoine) avait déjà une parfaite connaissance du processus. Il a déjà supervisé deux à trois élections (locales, législatives et HCCT).Du point de vue pratique, cela soulève des inquiétudes car il faut maitriser l’administration territoriale, maitriser le Code électoral, prendre le temps » explique le directeur exécutif de l’OGN 3D. Selon Moundiaye Cissé, il y a des inquiétudes par rapport au délai court qui nous sépare de la présidentielle car ce changement peut impacter sur la célérité des opérations à moins que la Direction générale des élections(DGE) puisse faire un travail remarquable. Djibril Gningue, président de la Plateforme des acteurs de la société civile pour la transparence des élections, affiche sa désolation relativement au changement intervenu Place Washington. « Nous nous attendions à ce que le président de la République profite de cette occasion pour répondre à une demande très forte de l’opinion, de la société civile ainsi que de la classe politique. C’est-à-dire la nomination à la tête du ministère de l’Intérieur d’une personne indépendante. Comme c’était le cas en 2000 avec le président Abdou Diouf qui avait nommé le général Lamine Cissé. Ou, à défaut, créer un ministère chargé des élections comme l’avait fait Wade. Malheureusement, c’est Sidiki Kaba qui a hérité de ce poste de ministre de l’Intérieur. Ce qui a été une grosse surprise de la part de la société civile. C’est donc un risque électoral majeur», se désole le membre du Gradec. Pour lever toute équivoque, M. Gningue précisera dans la foulée au micro de RFM que « personne ne doute de ses capacités à diriger un poste. Cependant, Sidiki Kaba est un ministre partisan. Il est un responsable politique à Tambacounda. En tant que tel, on ne peut pas être juge et partie. Il s’agit d’organiser des élections libres, transparentes et apaisées. Après le consensus sur le parrainage, on s’attendait à un meilleur choix pour justement organiser la prochaine élection présidentielle. Surtout que la question des libertés civiles et politiques est loin d’être réglée, avec notamment le cas Ousmane Sonko » ajoute le président de la Plateforme des acteurs de la société civile pour la transparence des élections.
Me Sidiki Ka peut-il influer sur les résultats
Quoique partisan, Me Sidiki Kaba peut difficilement remettre en cause un processus électoral qui a déjà permis à l’opposition d’enregistrer des gains électoraux majeurs. Les derniers scrutins notamment les locales de janvier 2022 et les législatives de juillet 2022 ont permis à l’opposition d’arracher à la majorité présidentielle des bastions électoraux importants au niveau des collectivités locales et à l’empêcher aussi d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale (83 députés pour Benno contre 80 pour l’opposition). Ce qui fait dire à certains observateurs que la récusation de Me Sidiki Kaba parla Société civile manque quelque peu de pertinence.