VIDEOLA DÉTRESSE DES OUVRIERS DU BÂTIMENT
La suspension "temporaire" des chantiers de construction dure depuis maintenant un an, plongeant des milliers d'ouvriers dans la précarité. Face à l'absence de perspectives, certains envisagent l'émigration

La suspension des chantiers de construction décidée il y a un an par les autorités, a provoqué une grave crise sociale pour les ouvriers du secteur. Chaque matin, au rond-point de Keur Massar en banlieue de Dakar, une centaine de travailleurs du bâtiment se rassemblent dès l'aube, outils à la main, espérant décrocher une journée de travail qui souvent ne vient pas.
"C'est très difficile en ce moment. Parfois je peux rester ici 15 jours, un mois sans travailler. Chaque jour je viens à 6h, je reste jusqu'à midi ou 13h. Si je ne trouve rien, je rentre," témoigne l'un d'eux, illustrant le désespoir qui s'est installé parmi ces hommes.
Selon les organisations syndicales, cette décision gouvernementale a mis en péril plus de 15 000 emplois dans le secteur formel et des dizaines de milliers d'autres dans l'informel. Seuls les ouvriers disposant de contrats bénéficient d'un maintien partiel de salaire, laissant la majorité sans ressources.
Les travailleurs, qui avaient placé leurs espoirs dans le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et sa promesse de changement, expriment aujourd'hui leur déception. "Les nouvelles autorités ne peuvent pas régler les problèmes du jour au lendemain, mais il faut qu'ils pensent à la jeunesse", déclare un maçon, ajoutant que beaucoup envisagent l'émigration comme seule issue face à cette situation.
Le secteur du BTP traverse également une crise financière majeure, les entreprises dénonçant plus de 300 milliards de francs CFA d'impayés de l'État. Cette situation a entraîné une chute de 10% de leur chiffre d'affaires au dernier trimestre 2024.
Initialement présentée comme temporaire pour permettre l'audit d'un secteur jugé opaque, la suspension des chantiers n'a toujours pas été entièrement levée. Malgré la reprise de certaines constructions, aucune information n'a été communiquée sur l'avancée des audits ni sur un calendrier de reprise complète. Les sollicitations auprès du porte-parole du gouvernement et du ministère de l'Urbanisme sont restées sans réponse.
Face à cette situation, les syndicats appellent à une concertation. "Nous voulons que ce pays marche, mais l'idéal serait qu'on puisse nous appeler autour d'une table pour négocier et prendre les devants afin que cette situation ne nous impacte pas davantage", plaide un représentant syndical.
Pendant ce temps, à Keur Massar, les ouvriers continuent d'attendre, jour après jour, un travail qui se fait de plus en plus rare.