YAYE FALL JUSQU’AU BOUT DES... ONDES
SEYNABOU SIDIBÉ, CHANTEUSE DE KHASSAÏDE ADULÉE À DIOURBEL

Ses rendez-vous avec les auditeurs sont très courus et aussi bien suivis par les auditeurs et talibés mourides qu’elle berce à travers les chants des khassaïde qu’elle débite sur la chaîne régionale de Diourbel. En transe ou en pleurs, certains fanas n’hésitent pas à faire le déplacement pour venir voir de près ce bout de femme qui les tient en haleine les jeudis et vendredis soir. Agée de 50 ans, Seynabou Sidibé a dédié sa vie au Cheikh du mouridisme.
Le rêve est devenu réalité. Native de fatick, cette fille de sérère n’était pas mouride à ses débuts. C’est en 1998 qu’elle a vu en songe Serigne Fallou Mbacké qui lui prédisait un avenir radieux dans le mouridisme si elle cessait le boulot qu’elle effectuait dans une entreprise de la place. Le songe se révéla réalité.
Dès le lendemain, elle est licenciée par le directeur à 11H comme l’avait dit Serigne Fallou Mbacké en rêve. Le reste de sa vie est une succession d’évènements heureux. Seynabou Sidibé, chanteuse de khassaïde, est une icône à Diourbel. En 1978, elle fait acte d’allégeance à Serigne Modou Diouf Borom Bak. Mais, son destin est au bout des... ondes.
Elle taquine le micro à la radio Touba internationale dirigée à l’époque par Ndella Madior Diouf. Mère de famille, la cinquantaine, cette dame à la démarche alerte, est reconnaissable avec son accoutrement «Baye Lahat». Depuis cette date, elle fond sa silhouette dans l’univers médiatico-mouride où elle est respectée. Et son talent célébré.
Le 14 janvier 2004, elle fait le grand saut : elle commence à animer des émissions à la station Rts de Diourbel. L’intéressée raconte des débuts difficiles. Elle dit : «C’est le 14 janvier 2004 que j’ai débuté. C’était avec Ousmane Tanou Diallo (actuel chef de la station Rts de Kaolack) qui m’a beaucoup épaulée. C’était difficile parce que je quittais Dakar pour venir animer des émissions. Une année durant, j’animais les émissions le mercredi et le jeudi nuit et le lendemain, je rentrais à Dakar. Je n’avais pas de cachet.»
Mais, elle est poussée par son élan de mouride. Elle a su déplacer les montagnes pour se retrouver à sa position actuelle. «Avec ma foi mouride, je savais que tôt ou tard, j’allais exceller dans ce travail et récolter les fruits», sourit-elle. Elle pétille de bonheur au milieu des collègues qui saluent son talent de chanteuse de khassaïde. «C’est un symbole de la Rts», témoigne Mahmoud Myriam Niang.
«Elle est une femme toute dévouée à la cause du mouridisme», ajoute-t- elle. Ces témoignages sont corroborés par Demba Malick Mbodji, le chef de la station Rts de Diourbel. «Il y a un an, lors de notre prise de contact, elle est venue dans mon bureau pour me dire : ««Diawrigne naniou dok si deugue kécé» (Ndlr : Chef, qu’on se dise la vérité). Elle s’est tellement fondue dans son monde et que pour elle, tout tourne autour de la philosophie Baye Fall. Tout est abnégation chez elle. Elle apporte son dynamisme. C’est une femme de défi aussi bien à la radio où elle fait un travail professionnel remarquable que dans ses activités dont elle me rend compte des fois. Humainement, elle est très naturelle. Elle n’hésite pas à dire ce qu’elle pense»», explique Demba Malick Mbodji.
Communicateur traditionnel, Alé Niang relativise ce succès en formulant des conseils : «C’est une professionnelle très passionnée, cultivée qui connaît bien le Cheikh et son histoire mais elle gagnerait à cultiver ses ardeurs. Elle devrait refréner ses ardeurs et parler moins à l’antenne.» Seynabou Sidibé conjugue son temps professionnel à la vie et à l’œuvre de Serigne Touba.
«Les commérages et les parlottes de grand’places», Seynabou Sidibé a décidé de s’en débarrasser pour vivre pleinement sa foi et sa passion. En termes d’audimat, les émissions de Seynabou Sidibé sont très suivies dans le Baol où sa silhouette ne passe plus inaperçue dans les rues sinistrées de Diourbel. Le serveur explose. Emotive, elle craque souvent durant ces rendez-vous avec les auditeurs.
Aujourd’hui, cette passion pour le Cheikh lui ouvre d’autres opportunités. Les retombées sont là : Elle perçoit des adiyas (dons) en nature et en espèces. Elle a trouvé un nouveau créneau pour asseoir son appartenance dans cette confrérie. Depuis quelque temps, elle collecte des tonnes de couscous qu’elle distribue lors du Magal de Touba. Pourquoi le choix du couscous ?
«Il faut se souvenir que lorsque le Cheikh était à Komack, les talibés qui allaient lui rendre visite lui apportaient comme présent du couscous. Une partie du couscous est aussi distribuée dans les daaras pour aider les talibés», répond-elle. Le mouridisme, c’est son opium. En parlant de cette confrérie, ses yeux frétillent d’extase. Elle ne s’arrête pas. Elle est possédée par le Cheikh.
Silhouette sahélienne, Seynabou Sidibé est très respestée dans l’establishment mouride. Invitée dans tous les Magals qui se déroulent un peu partout au Sénégal, Seynabou Sidibé est aussi une médiatrice sociale.
Dans les familles, elle est sollicitée pour régenter les conflits sociaux comme les divorces et les différends familiaux. Apôtre de la paix et de la droiture, Seynabou Sidibé déteste «l’hypocrisie et ceux qui négligent leur religion».