LÀ OÙ EST NÉ YOUSSOU NDOUR
STAR BAND, PÉPINIÈRE MUSICALE

C’est l’école ! Entre 1960 et jusqu’en 1978, Dakar était conquise par le Star Band du vieux Ibra Kassé le perfectionniste, un véritable dénicheur de talents. C’est dans ce sens que de grands noms de la musique y feront un passage. De pape Seck à Youssou Ndour en passant par Yakhya Fall et autres, tous se sont perfectionnés sous la férule d’Ibra Kassé. Avec sa boite, le Miami night-club, ce dernier a également offert un cadre d’expression à ces musiciens.
1960. Le bouillonnement est sans précédent au Sénégal, et même au-delà, sur le reste du continent. Dans les milieux politiques, ceux qui revendiquent l’indépendance finissent par avoir raison. Sur le plan littéraire, Léopold Sédar Senghor et ses condisciples, à la plume alerte et acerbe, rêvent de lendemains en couleurs en entonnant en même temps le chant de la dénonciation.
Le tout Sénégal est sens dessus- dessous. Sur le plan des mélodies, les populations veulent également du neuf. C’est dans ce sens qu’à la lisière des quartiers Médina et Rebeuss, un monsieur visionnaire, à cheval sur certains principes, initie quelque chose de grandiose. Une véritable prouesse qui marquera à jamais la musique sénégalaise.
Ce doux rêveur qu’est Ibra Kassé va offrir à de jeunes musiciens talentueux la possibilité d’exercer leur art. Durant cette période, seul le vieux Kassé avait le matériel nécessaire, la sonorisation et même le local pour des soirées, rappelle Guissé Pène, secrétaire général de l’Association des métiers de la musique (Ams), vice- président de la Femecs (Fédération des métiers de la culture), parolier, consultant et spécialiste dans l’environnement juridique de la musique.
Les outils en place, sans de bons animateurs, la tentative aurait été peine perdue. Toujours dans sa logique de bien faire le job et aussi de développer sa conception propre de la musique, Ibra Kassé va faire un bon casting pour mettre sur pied le Star Band.
Un mélange d’artistes de talent qui, dans leurs domaines respectifs, sont des orfèvres. Dakar s’émeut de cette bande de joyeux lurons, capables de toutes prouesses.
UN MELTING-POT MUSICAL
La particularité d’un métissage, c’est que chacun apporte ses caractéristiques. Et si l’on sait que toute différence est source de richesse, on peut supposer que le Star Band, qui fut un cocktail de musiciens venus d’horizons divers, a été un grand orchestre.
De vrais monstres qui, sur scène, avaient le don de faire frémir plus d’un. Guissé Pène souligne que ce groupe était un mélange de personnalités avec José Ramos le bassiste cap-verdien, Pape Fall et Mor Seck, originaires de Rufisque, Maguette Ndiaye venu de la Petite côte, Amara Soumaré, un originaire de Guinée où il est devenu après une star avec son tube « Nio Nio ».
Star Band fut un bon melting-pot. On y retrouvait aussi la crème, le must de la musique sénégalaise en ces temps-là. En plus des virtuoses Pape Seck et Yakhya Fall, Ibra Kassé pouvait s’enorgueillir d’avoir des as de la trempe de Mady Konaté (qui fut chef d’orchestre), Blin, Lynx Tall, Dexter Johnson (1er chef d’orchestre), Harrison le bassiste.
La musique de ces années 1960 durant lesquelles le Star Band faisait danser Dakar était très teintée de sonorités latines. « On ne pouvait se soustraire à cette influence », confie Guissé Pène. Mais au-delà, ce groupe avait la particularité d’être managé par un véritable dénicheur de talents en la personne d’Ibra Kassé.
Avec lui, la musique est bien faite et chaque artiste était obligé de respecter les notes. « Il avait ses règles et chacun devait s’y soumettre, au risque de se voir exclure de l’orchestre », se souvient Guissé Pène.
Une musique bien travaillée
La rivalité avait ceci de bénéfique, tant au Star Band avec Ibra Kassé à la manette que du côté du Number One avec le métronome Pape Seck, chacun faisait de son maximum pour avoir de belles productions. Et, naturellement, le public en demandait encore et encore, devant cette avantageuse rivalité qui donnait de bons albums.
Cela a participé, souligne le secrétaire de l’Ams, à octroyer à la musique une tout autre dimension et ce, des années durant. Durant ces an- nées de compétition, on travaillait plus à produire un album bon dans l’ensemble. En fait, le disque était, dans son ensemble, un chef d’œuvre.
Dans sa trajectoire musicale, le Star Band a ébloui les mélomanes du Sénégal avec des tubes comme « Malaguena » de Maguette Ndiaye ou encore « Thielly » de Pape Seck.
L’on se rappelle aussi de la voix de rossignol Pape Djiby Bâ qui, à travers le morceau « Chérie coco », sublimait encore une fois les vertus de l’amour.