« UNE ECONOMIE DE MARCHE A BESOIN D’UN ETAT FORT »
EL HADJI IBRAHIMA SALL AUX COMMISSAIRES AUX ENQUETES ECONOMIQUES
A l’ère de l’évaluation des vingt ans de libéralisation de l’économie sénégalaise, les politiques commerciales de notre pays ont fait l’objet d’une vaste réflexion lors du dîner-débat organisé vendredi dernier par les Commissaires aux enquêtes économiques du Sénégal.
Les Commissaires aux enquêtes économiques du Sénégal se sont retrouvés vendredi dernier pour plancher autour du thème : «Les politiques commerciales à l’épreuve des 20 ans de la libéralisation de l’économie sénégalaise». Ils avaient pour mission de diagnostiquer les politiques commerciales du Sénégal de la dévaluation du franc Cfa à nos jours. Durant la rencontre qui a été présidée par le ministre du Commerce Alioune Sarr, les membres de l’Amicale des commissaires aux enquêtes économiques (Acee) ont passé en revue tous les fléaux qui entravent leur professionet font perdre beaucoup d’argent à l’Etat du Sénégal.
En effet, pour les panélistes dont l’économiste et ancien ministre du Plan sous le régime socialiste El Hadj Ibrahima Sall, «le Sénégal doit avoir un système statistique, des enquêtes économiques au cœur du dispositif de l’Etat pour permettre d’informer sur les prix, les dysfonctionnements du marché et les ressources humaines capitales ». Sans cela, prévient le panéliste, «on ne peut pas connaître le nombre de chômeurs qui existent par tranche et par sexe, comme c’est le cas actuellement».
Cependant, rassure-t-il, les Commissaires aux enquêtes économiques peuvent «contribuer à la réussite des politiques commerciales ». El Hadji Ibrahima Sall estime qu’il y a des préalables pour parler de commerce. Il faut d’abord la mise en place d’infrastructures commerciales de qualité. «Ce qui fait défaut actuellement à notre pays», souligne-t-il pour le regretter.
Fervents défenseurs de la politique du «consommer local», les enquêteurs économiques du Sénégal se sont beaucoup interrogés sur la gestion de l’autoroute à péage, objet d’une grande polémique depuis son ouverture et des avantages accordés aux entreprises françaises. «Si les usagers se plaignent du prix exorbitant du péage, c’est parce que des enquêtes appropriées n’ont pas été faites au préalable», affirmentils.
Depuis l’arrêt du contrôle économique, déplorent-ils, «notre pays a été victime de l’entrée de certains produits d’origine douteuse, nuisibles à la santé des populations».
UNACOIS : «UN ETAT PREVOYANT NE CONNAIT PAS DE FISCALITES DOUANIERES A LA HAUSSE»
Abordant les réformes intervenues en 1994, El Hadj Ibrahima Sall estime que «l’Etat avait un projet de liberté et de libéralisation de l’économie, des paradigmes de marché avec la démocratie et une réussite individuelle ». Et d’ajouter: «quand le marché fonctionne très bien, les prix sont des signaux, car c’est la consécration du marché qui définit le reste».
Très sûr de son sujet, l’économiste rappelle que depuis 1995, après la loi de 1994 sur la concurrence, les prix et le contentieux économique, on a connu une croissance soutenue pendant dix ans. Toutefois, cela a pris fin au milieu du premier mandat de Wade jusqu’à son départ du pouvoir. C’est pourquoi, dit-il, «Wade 1 a été meilleur que Wade 2 sur le plan économique», surtout avec la crise économique de 2007 qui a plombé toutes les économies du monde. Se projetant dans l’avenir, El Hadji Ibrahima Sall pense que c’est cette situation qui arrive actuellement à Macky Sall et va durer jusqu’en 2015. Poursuivant, il y va de son pronostic : «Macky 2 pourrait être meilleur que Macky 1 si des mesures d’accompagnement sont mises en place, car une économie de marché a besoin d’un Etat fort pour éviter des substitutions et des conflits d’intérêt ».
Abondant dans le même sens, Mame Boury Ngom Tall, Commissaire aux enquêtes économiques et Directrice de la réglementation et de la supervision des systèmes financiers décentralisés, a rappelé les politiques sectorielles et les conséquences de la dévaluation du franc Cfa sur les prix, la concurrence et le contentieux économique. Pour elle, l’instabilité de la Direction du commerce au cours des années 90 a été à l’origine de cette situation.
«La direction du Commerce était rattachée à un moment au ministère de l’Economie et des Finances», se souvient-elle en soulignant que cela n’a pas facilité e travail aux commissaires aux enquêtes économiques. Dans son intervention, le ministre du Commerce a annoncé un appui conséquent aux Commissaires aux enquêtes économiques. «Soyez rassurés que le gouvernement ne ménagera aucun effort pour vous appuyer à être plus performants», dit-il avant revenir sur «le processus de libéralisation de l’économie du Sénégal adossé au triptyque : stabilisation, déréglementation et privatisation».
Mais pour le représentant de l’Unacois, Ibrahima Lô, «un Etat qui fait des résultats ne doit pas avoir des recettes douanières à la hausse car les recettes intérieures, pour le développement d’un pays, doivent être plus importantes que les recettes de la douane», clame-t-il.
En conclusion, El Hadji Ibrahima Sall a admis pour le fustiger qu’au Sénégal, nous ne produisons pas assez et préférons le commerce parce que «nous n’avons ni la patience de l’agriculture, ni le sérieux de l’industrie».