METTRE LA BALLE À TERRE
Ceux qui prédisaient des journées de protestation, voire des semaines de tension, ont tapé dans le mille. La première décharge électrique, pour brûler le projet de révision constitutionnelle, est venue, lundi dernier, des femmes
Au pouvoir depuis 27 ans, suite à un coup d’Etat contre son frère d’armes Thomas Sankara, le président Blaise Compaoré fait, aujourd’hui, face à une forte opposition d’une bonne partie de ses compatriotes.
Les plus irréductibles, que l’on retrouve dans les partis politiques, les syndicats, les mouvements des femmes et des jeunes, ainsi que la société civile, lui ont signifié qu’ils ne le laisseront pas se tailler, avec son projet de révision constitutionnelle en chantier, les habits de président à vie au Burkina Faso.
Il y a de l’électricité dans l’air au pays des hommes intègres. Et ceux qui prédisaient des journées de protestation, voire des semaines de tension, ont tapé dans le mille. La première décharge électrique, pour brûler le projet de révision constitutionnelle, est venue, lundi dernier, des femmes.
Slogans hostiles au régime à la bouche et spatule à la main levée en direction de Blaise Compaoré, elles ont marqué leur défiance au chef de l’Etat. La deuxième décharge électrique, lâchée hier, est d’abord l’œuvre des jeunes dans la nuit, ensuite de l’opposition politique dans la journée.
Leur mobilisation monstre d’hier, en attendant la troisième décharge électrique devant venir des populations appelées, par les partis politiques et la société civile, à bloquer le Parlement pour empêcher le vote du projet de loi, a forcément ébranlé la sérénité de Blaise Compaoré dont l’entourage, à l’image du va-t-en-guerre Assimi Kouanda, ne semble pas avoir pris la mesure de l’importance des eaux du ras- le-bol qui, chaque jour, montent davantage et risquent d’emporter le régime.
Dans ce contexte de fortes pressions qui s’exercent sur le président du Faso, la sagesse commande que Blaise Compaoré, pour ses propres intérêts et ceux de ses proches, ne rende pas les conditions du vivre- ensemble burkinabè incertaines et ne conduise pas à la paralysie du pays.
Qu’il tire les leçons de ces dernières quarante-huit heures de tension, en considérant qu’il n’est pas permis, pour son maintien au pouvoir, de jouer avec la Loi fondamentale de son pays, au risque de se mettre à dos la grande masse.
Il doit accepter de rencontrer et de discuter avec tous les acteurs de la crise pour prêcher la compréhension, en acceptant, avant de les y inviter, à mettre la balle à terre.
Dans un contexte comme celui du Burkina Faso, il faut au président Blaise Compaoré, surtout soucieux d’assurer ses arrières, un certain nombre de garanties avant de quitter le pouvoir. L’assassinat, jamais élucidé, de Thomas Sankara et l’affaire Norbert Zongo impliquant le propre frère du président du Faso sont, à n’en pas douter, des dossiers à ne pas exhumer.
L’indulgence et l’amnistie pourront-ils mener à une sortie de crise partout en Afrique où l’on compte sur le tripatouillage de la Constitution pour se maintenir au pouvoir ?