BURKINA : LA FAMILLE DU JOURNALISTE NORBERT ZONGO RÊVE DE JUSTICE SEIZE ANS APRÈS SA MORT
Abidjan, 26 nov 2014 (AFP) - Seize ans après sa mort, la famille du journaliste burkinabé Norbert Zongo, dont le meurtre a été classé sans suite par la justice proche du président déchu Blaise Compaoré, entend désormais que "justice soit faite".
Dans cette affaire "nous voulons que justice soit faite au Burkina Faso", déclare à l'AFP Guy Zongo, le fils aîné du journaliste tué, joint au téléphone à Ouagadougou depuis Abidjan.
"Nous avons déjà porté l'affaire devant la Cour africaine des droits de l'homme (à Arusha). Nous allons nous consulter avec nos avocats pour voir ce que nous allons faire", au Burkina, où un régime transitoire vient d'être mis en place pour un an.
Depuis le renversement du régime de Compaoré le 31 octobre, après 27 ans de règne sans partage, "les choses ont pris la bonne direction au Burkina, ça a mis du temps, beaucoup de temps", ajoute ce journaliste de 34 ans, qui travaille au journal l'Indépendant, l'hebdomadaire fondé par son père.
Autre lueur d'espoir pour la famille du journaliste tué: la démission éclair mardi du ministre de la Culture du gouvernement de transition burkinabè, Adama Sagnon, mardi sous la pression de la société civile, qui a dénoncé son rôle dans la gestion de l'affaire Zongo.
"Je suis très content, très satisfait qu'il ait eu le courage de démissionner, commente Guy Zongo, j'avais été très choqué d'apprendre qu'il avait été nommé ministre". Adama Sagnon était procureur du Burkina Faso de 2000 à 2006. Il avait requis un non lieu dans l'"affaire Zongo".
"Je me disais qu'il ne pouvait pas être à la tête d'un ministère, mais la mobilisation a porté ses fruits, et il a démissionné", dit-il. - "le soleil des indépendances"- Guy Zongo raconte avoir encore le souvenir "très précis" du jour où son père, dont le livre préféré était "Le Soleil des indépendances" de l'auteur ivoirien Ahmadou Kourouma, a été tué.
"J'avais 18 ans, dit-il, c'est une journée qu'on ne peut pas effacer. Je suis allé ce jour là constater l'état des corps. Justice doit être rendue, justice sera rendue." Norbert Zongo, 49 ans, journaliste qui enquêtait sur le meurtre d'un chauffeur de François Compaoré, le frère de l'ex-président, a été assassiné avec trois de ses compagnons en décembre 1998.
Les quatre dépouilles ont été retrouvées calcinées dans sa voiture incendiée à une centaine de kilomètres de Ouagadougou. Aucune condamnation n'a été prononcée, malgré le scandale que l'affaire Zongo, journaliste qualifié d'"incorruptible", avait provoqué au Burkina.
Le régime avait même vacillé en raison d'importantes manifestations. François Compaoré était un personnage très influent du régime. Le président du Mouvement burkinabè des droits de l'Homme et des peuples, Chrysogome Zougmaré, le décrivait récemment comme "un homme omniprésent, omnipotent, qui pesait sur l'administration, le monde des affaires, l'armée", quasiment "un petit président".
"Avec la chute du régime, les langues se délient, les gens n'ont plus peur de parler et ceux qui avaient peur avant vont changer de position, tôt ou tard", poursuit le fils Zongo. Il raconte être allé "au domicile de François Compaoré après les évènements".
"De ce que j'ai vu là-bas je me dis que François Compaoré a des choses à nous dire". Des centaines de documents retrouvés durant les pillages commis dans cette ancienne villa luxueuse, désormais en ruines, sont en attente d'authentification.
François Compaoré, un temps inculpé de "meurtre et recel de cadavre" dans le cadre de la mort de son chauffeur, David Ouédraogo, n'a jamais été inquiété dans le dossier Zongo, au retentissement international.
L'épouse de M. Zongo, Geneviève, qui dit non sans ironie faire "partie maintenant du troisième âge", confie que tout ce qu'elle souhaite maintenant "c'est qu'il y ait un jugement".
"J'ai bon espoir maintenant avec le nouveau gouvernement. Je pense aussi qu'il devrait lancer un mandat d'arrêt international contre François Compaoré. Aux dernières nouvelles, il était au Bénin", dit-elle.
En attendant une éventuelle réouverture du dossier, Guy Zongo, Guy se souvient que la chanson préférée de son père, fan du chanteur jamaïcain Jimmy Cliff, était "I can see clearly now" '(J'y vois plus clair maintenant).