"MITTAL", CHEVAL DE TROIE DE WADE
Une bonne lecture des sorties incriminant le nouveau régime, associée à la connaissance du personnage peu fiable de leur auteur, suffit à faire ressortir clairement les motivations réelles de ces actes
Il m'a fallu décrypter tous les arguments autour de ce dossier "Arcelor Mittal" pour arriver à la conclusion que tout ce tollé n'avait pas de sens et n'était que du "machia-wadisme" à l'œuvre : une doctrine de wade directement tirée du machiavélisme.
Si une affaire "Arcelor-Mittal" devait exploser de popularité au Sénégal, il aurait commencé au moment où, par la perfidie d'une famille au pouvoir (père président et fils ministre des Mines), notre État était condamné à payer des milliards à quelque victime. Aucun homme honnête ne peut dans cette affaire, se mettre à soulever des soupçons sur quelque acte conséquent que ce soit, sans auparavant, pour le moins, remonter au commencement, les causes de cette première turpitude, qui a conduit le gouvernement actuel dans un dilemme.
Voilà pourquoi, je souligne avant d'aller plus loin, l'impertinence de certains alliés du pouvoir et membres de la société civile à venir encenser un débat si insidieux et en hisser l'autorité, par la réclamation d'une certaine transparence, exigée du régime en place.
Lebou Ndoye qui, le matin, se jette dans la mer avec sa pirogue, Peul Sow menant son troupeau du matin au soir dans les prairies du waalo, Fatou War Bèye, qui s'échine dans son petit lopin de champ à Thiadiaye, depuis les premières pluies, ont d'autre soucis que la comédie dramatique "Arcelor Mittal" qui se joue à la résidence de Wade. C'est pour ceux-là et leurs pairs que l'État est soucieux de faire des résultats rapidement. Ce sont eux encore, malheureusement, qui payent la note des amendes pour fourberie et les pertes consécutives au détournement de nos deniers jusque-là non recouvrés.
Une bonne lecture des sorties incriminant le nouveau régime, associée à la connaissance du personnage peu fiable de leur auteur et au contexte, suffit à faire ressortir clairement les motivations réelles de ces actes et le déficit évident de bon sens.
Une tactique importune
La tactique "machia-wadique" s'est servie ici d'un amalgame détonant fait de torrents d'émotions et d'allégations extravagantes savamment dosées, qui projette à la face du peuple un crime illusoire aux accents scandaleux, pour juste masquer des faits pertinents d'une infamie bien réelle. Il est devenu alors urgent pour le pouvoir de dissiper la fumée en rétablissant la vérité des faits. Ce que vient de faire le gouvernement. Du ministre des Mines au Premier ministre en passant par le ministre des Finances, nous avons entendu un récit de faits cohérents, étayés par des documents produits. S'ils se sont répétés, c'est parce qu'il s'est agi de rapporter des faits.
Il faut distinguer l'exercice qui consiste à rapporter des faits pour établir une vérité, de celle d'un illusionniste du réel, qui crée des histoires imaginaires. Reprocher au Premier ministre de ne rien avoir apporté de nouveau est une aberration. L'honnêteté veut qu'il ne dise que les faits et comme cela avait été exhaustivement rapporté par le ministre des Mines, rien ne pouvait y être ajouté. Par contre il devait jouer son rôle- fermer la parenthèse "Arcelor Mittal" du coté du gouvernement.
J'espère que cette conférence de presse a clos l'intervention publique du pouvoir dans ce feuilleton. Sinon on en viendrait à ouvrir une porte au folklore. J'ai l'impression que ceux qui demandent au nom de la démocratie, que tous les détails des contrats signés par l'État soient communiqués, ne se rendent pas compte de notre tendance à l'excès en la matière. Nous frisons le ridicule avec plus de deux cent partis politiques pour une douzaine de millions de citoyens, il ne faut pas en rajouter.
Si l'on crée ici un précédent par trop de complaisance, il faudrait s'attendre dans quelques années à ce que l'on nous propose de battre le tam tam et organiser des fora dans tous les villages du Sénégal chaque fois qu'un contrat est signé par le gouvernement, pour en expliquer les tenants et les aboutissants aux habitants.
L'affaire "Arcelor Mittal", ne l'oublions pas, n'était pour le peuple sénégalais qu'une chose banale parmi tant de dossiers gérés par l'ancien régime, jusqu'à ce qu'un jour monsieur Wade s'en saisisse et en fît, grâce à une pernicieuse communication, une affaire d'une extrême sensibilité et urgence. Ce qui veut dire que l'on est face à une stratégie, qu'aucun analyste politique ne peut ignorer et agir comme si tels actes posés par ce dernier étaient spontanés.
Une stratégie sournoise
Cette stratégie "machia-wadiste" procède ici par abus d'analogie. Wade n'a toujours qu'un but au regard de son message bien décrypté- faire libérer son fils le plus rapidement possible des liens de la détention provisoire et le mettre à l'abri, toute sa famille avec, une fois pour toute. Juger son fils, traquer les biens mal acquis, instaurer la reddition des comptes dans le cadre d'une rupture politique, ne sont pour lui, que des absurdités.
Sa stratégie est de démontrer qu'une rupture politique qui distinguerait la façon de gouverner du nouveau régime de la sienne est utopique. Macky ne ferait que la même chose que lui. Il n'y a aucune autre façon de gouverner le Sénégal que celle qu'il a menée.
"Arcelor Mittal" ne serait que son cheval de Troie dans cette bataille. Dans cette affaire, nous dit-il, le Sénégal pouvait escompter des milliers de milliards de francs Cfa, alors que le régime actuel n'aurait accepté de transiger que pour tout juste 75 milliards de francs Cfa.
La disproportion aux dépens du Sénégal, force le peuple à soupçonner une compromission de Macky Sall. Ensuite le gouvernement aurait utilisé l’argent, selon lui, à sa guise en payant gracieusement, au passage, ses avocats "complices" et en dissimulant au trésor public cinq milliards.
Si cela était avéré, la déduction logique serait que le Président Sall ne soit en rien différent de lui. Qu'il serait en train de s'enrichir de la même manière que lui, Wade, et son fils l'eussent fait. Pourquoi donc son fils croupirait-il en prison ? Ça n'aurait pas de sens. Par conséquent, qu'il en sorte et vive librement.
On est là devant un cas d'abus d'analogie. L'on n’a pas besoin de clamer directement le but visé, mais on procède de telle sorte qu'il résulte par déduction, dans la conscience des populations, à partir d'équivoques totalement fallacieuses. Il m'a semblé nécessaire de mettre cela à nu pour aider à une meilleure lecture des actes de Wade.
Ceci dit, le "machia-wadisme" est une politique rodée qui a fait ses preuves et contre laquelle, malgré l'âge et le manque de perspective de son protagoniste, le pouvoir doit demeurer vigilant et anticipatif. Wade, déchu, réussit ce qu'aucun ex-président n'arrive à faire. Carter, George Bush, George Walker Bush, Chirac, Giscard d'Estaing sont tous là, mais vous ne verrez jamais autour d'eux autant de jeunes et de moins jeunes qui ont des prétentions politiques, prêts à les suivre. A étudier.