LE SÉNÉGAL PERD UN PIONNIER DES ARTS PLASTIQUES
Décès de Pape Ibra Tall
Le monde des arts visuels est endeuillé avec le décès de l’artiste Pape Ibra Tall. Il est considéré comme un artiste de talent et un pionnier des arts plastiques.
L’artiste peintre Pape Ibra Tall est décédé dimanche dernier à l’âge de 80 ans. Il a été inhumé hier à Tivaouane (région de Thiès). Dans un communiqué, le ministre de la Culture et de la Communication, Mbagnick Ndiaye, a rendu « un vibrant hommage à ce grand artiste qui a marqué son époque et qui a beaucoup contribué au rayonnement culturel et artistique du Sénégal à travers le monde ».
Dans son témoignage, le ministre a salué « un créateur fécond, s’inspirant de l’histoire et des paysages, ses œuvres ont parcouru le monde à l’occasion d’expositions et de salons ».
A cette occasion, le ministre le considère comme un « pionnier des arts plas- tiques au Sénégal, peintre de talent », qui, sous l’inspiration du président Léopold Sédar Senghor, crée la Manufacture nationale des tapisseries qui deviendra plus tard les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès (Msad).
Joint au téléphone, l’artiste plasticien Kalidou Kassé, qui a fait ses débuts aux Msad de Thiès, a retenu du défunt un précurseur qui a tracé la voie. « Pape Ibra Tall incarnait le modèle achevé de la rigueur, de la détermination dans le travail », a souligné K. Kassé.
Pour lui, le défunt avait une démarche artistique au sein de laquelle les couleurs et les thèmes étaient liés à son patrimoine. En attestent les œuvres « Dioudou bou rafet » ou encore « Magal Touba », une tapisserie qui orne actuellement le siège des Nations Unies à New York. Actuellement, une des créations du défunt trône à la Galerie Le Manège dans le cadre d’une rétrospective.
Pour sa part, l’ancien directeur des arts, Alioune Badiane, retient de M. Tall « un artiste de talent qui a beaucoup servi son pays, notamment dans le domaine de la formation ». Que ce soit aux Manufactures nationales de tapisserie, à l’Inspection d’éducation artistique, à la Galerie nationale (où il fut directeur).
« Il est le deuxième artiste, après Iba Ndiaye, à s’initier à l’art contemporain, a rappelé A. Badiane. Dans ses choix artistiques, il a toujours fait référence à la civilisation noire ».
Natif de Tivaouane, Papa Ibra Tall a fréquenté l’Ecole spéciale d’architecture et les Beaux-arts de Paris dès 1955. Il illustre pour l’éditeur de « Présence africaine », Alioune Diop, des couvertures de livres et c’est à Paris qu’il découvre les militants de la Négritude et le jazz noir américain.
En 1959, Papa Ibra Tall organise une exposition d’artistes noirs vivant en Europe pour le deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs à Rome.
Ses œuvres font partie des expositions itinérantes d’art contemporain sénégalais en Europe, Asie et Amérique entre 1974 et 1991. Plusieurs expositions monographiques lui sont consacrées depuis les années soixante (Canada, France, Russie, Sénégal), la dernière en date étant « Dessins de Papa Ibra Tall » à la Galerie nationale d’art de Dakar (1991).
Papa Ibra Tall a reçu de nombreuses distinctions, notamment commandeur des Palmes académiques de la République du Sénégal, chevalier de l’Ordre du Rio Branco (Brésil) et est citoyen d’honneur des villes de New Orléans d’Atlanta (Usa). En 2013, le défunt était artiste invité à la Biennale de Venise.