AWA NDIAYE N'Y VA PAS AVEC LE DOS DE LA CUEILLÈRE
EXCLUSIF L'AS - Elle évoque un "manque de vigilance" au ministère de la Famille - Elle se réclame ancienne Wadiste et non Karimiste - Ses relations avec Mansour Faye - Sa mission auprès de Macky Sall
Au lendemain de sa prise de fonction à la tête de la Commission de la protection des données personnelles (CDP), Awa Ndiaye est largement revenue sur ses missions, son passage au ministère de la Famille sous Me Abdoulaye Wade. L’ex-responsable libérale à Saint-louis et membre influente de la Génération du concret de Karim Wade affirme qu’elle n’a aucun reproche à se faire par rapport à sa gestion à la tête du ministre de la Femme. Les attaques qu’elle essuie fréquemment, elle les assimile à de simples règlements de comptes. Dans cette interview accordée à L'AS, l’ancienne Karimiste s’explique sur son adhésion à l’APR, parle de son activisme politique et révèle qu’elle a rendu visite à Karim Wade à rebeuss.
L’AS : Vous venez d’être portée à la tête de la Commission de la protection des données personnelles (CDP). Comment accueillez-vous cette nomination ?
Awa Ndiaye : Tout d’abord, je voudrais remercier le président de la République, Macky Sall, pour cette marque de confiance. Je ferai de mon mieux pour que la Cdp, qui est aussi bien importante dans notre pays qu’à l’étranger, dans ses relations avec les partenaires, continue de fonctionner comme elle l’a toujours été.
En quoi consiste votre mission ?
Ma mission à la tête de la commission est double. La première, je la mène en collaboration avec le cabinet du président de la République. Dans ce cabinet, il y a toute une équipe composée de juristes, de spécialistes en informatique et de financiers qui travaillent au quotidien pour recevoir toutes les déclarations, les problèmes qui se posent auprès de certains citoyens qui se sentent lésés ou qui voudraient que leurs données soient bien traitées. Le second volet de cette commission, c’est en termes de sessions plénières assurées par les membres de la Commission. Ce sont des membres indépendants qui siègent et prennent les décisions à la majorité. Elle est constituée de députés, de magistrats, de juristes, de représentants des droits de l’homme, d’ingénieurs des Tic. C’est une véritable équipe bien au fait de la sensibilité de cette matière qu’elle gère pratiquement au quotidien. La commission se réunit deux fois par mois et prend ses décisions de façon indépendante et à la majorité de ses membres. Aujourd’hui, avec le développement de l’internet, tout le monde connait la sensibilité des données personnelles dans tous les domaines. Donc, la Commission est là pour contrôler, s’assurer que le traitement des données de chacun soit fait de la façon la plus efficace, s’assurer également que s’il devait y avoir transfert de données dans un pays tiers, que les choses se fassent dans les règles de l’art.
Votre nomination à la tête de cette structure a été vivement critiquée par l’opinion...
Les attaques qui ont accueilli ma nomination sont purement d’ordre politique. Je suis habituée à ces attaques. Le fait que le dossier du ministère de la Famille ait été jugé et ait fait l’effet d’un non lieu, n’arrête pas la presse. Les médias reviennent sans arrêt sur ce dossier. Qu’est-ce que je peux faire par rapport à ça ? Je ne vais pas, quand même, porter plainte contre toute la presse. Je laisse les choses continuer. Je préfère rester constructive et positive par rapport à l’évolution de ma carrière. Sur le plan professionnel, quel que soit le poste qu’on pourra me confier, je pense pouvoir faire de mon mieux pour accomplir avec brio ma mission.
Avec le recul, vous arrive-t-il de regretter votre passage au ministère de la Famille ?
Non pas tout (Ndlr : elle se répète plusieurs fois). Je ne regrette pas mon passage au ministère de la Famille. Bien entendu, ce passage aurait pu être sur les plans administratif et comptable beaucoup mieux. C’était mon premier poste ministériel ; chacun peut comprendre donc que certaines choses aient pu être faites. Sur le plan professionnel et financier, on ne peut pas me reprocher d’avoirdétourné quoi que ce soit. Je n’ai pas pris l’argent du contribuable. Bien au contraire. Pendant tout le temps que j’ai passé au ministère de la Femme, tout le matériel et toutes les opportunités qui étaient mises à la disposition du ministère pour les femmes, les personnes en situation de handicap, les groupes vulnérables, ont été remis aux destinataires. Franchement, je ne regrette pas du tout mon passage au ministère de la Femme. Car, ce poste m’a apporté beaucoup en termes d’expérience politique, d’expérience avec les hommes et d’expérience avec les médias et de la façon dont ils traitent les informations.
Mais le problème des surfacturations dont on vous accuse est réel quand même. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Ce sont des choses qui peuvent arriver. Mais, moi, je n’étais pas en contact avec les fournisseurs. Je ne m’occupais non plus des marchés ou de la comptabilité. Et je ne traitais pas avec les fournisseurs. C’est vrai que le ministre est responsable de tout ce qui se passe dans son ministère. Mais, tout le monde sait que mon rôle n’a rien à voir avec la comptabilité et la gestion, au quotidien, des finances.
Vous avez, quand même, un droit de contrôle sur tout ce qui se passe ?
Evidemment ! Et c’est pour cela que je dis si erreur il y a, c’est peut-être un manque de vigilance par rapport à la façon dont les choses se passaient au niveau de l’administration financière (c’està- dire les experts en finance et surtout l’aval du ministère des Finances qui est requis pour tout ce qui concerne les marchés, les finances, les paiements, la trésorerie). L’aval était là. Et le ministère des Finances était représenté dans chaque ministère. Les corps de contrôle sont à l’intérieur de chacun des ministères. Et moi, cela suffisait à me rassurer ; peut-être que je n’aurais pas dû. Quant à mon intégrité, celle-ci ne souffre d‘aucun doute. Il est évident que jamais, je n’aurai pinaillé sur des 1.000Fcfa ou 2.000 Fcfa par cuillère. Ce n’est pas cela qui peut servir à enrichir les gens.
J’ai fait l’objet d’une enquête après audit. Les gens se trompent s’ils pensent que j’ai transhumé à cause de cela. Lorsqu’on faisait l’enquête par rapport à l’audit du ministère de la Famille, j’étais encore au Pds, je n’étais pas avec le président Macky Sall. Les enquêteurs avaient toute la latitude, si j’avais été fautive de le dire et de me sanctionner. J’ai la conscience tranquille.
Dans la vie, il faut accepter, lorsqu’on est un homme public, de recevoir des coups. Franchement, cela ne me dérange pas du tout. Nous avons une justice qui fonctionne, qui a étudié le cas et qui a prononcé une décision. La justice a fait son travail et démontré qu’il n’y avait rien de ma responsabilité par rapport à cet audit et aux manquements notés. Je ne voulais, même, plus me prononcer sur cette affaire qui, pour moi, est dépassée. Et puis, je vous assure que je n’ai même pas de maison à Saint- Louis, je suis toujours chez ma tante. Si j’avais volé comme le disent certains, j’aurais pu avoir beaucoup de biens immobiliers à Saint-Louis et ailleurs.
Comment se porte l'APR à Saint-Louis, qui a remporté les Locales au forceps ?
Je dois dire que l’Apr est présente à Saint-Louis. Quoique les gens en disent, quoique l’opposition en dise, nous avons gagné les élections municipales. Nous les avons bien gagnées. Bien sûr que c’est facile de faire des recours, qui sont à mon avis des recours théoriques, de justification, qu’autre chose. Pour moi, le parti est fort à Saint- Louis et doit se renforcer davantage. Nous allons vers des échéances qui sont importantes, aussi bien le référendum que les élections législatives et présidentielles.
Vous êtes responsable de l’APR à Saint-louis. L’on rapporte que vos relations avec Mansour Faye, le coordonnateur apériste de la zone, sont heurtées ?
La rumeur publique ne m’intéresse pas. Lors d’une rencontre, en présence de Mansour Faye, le président Macky Sall nous a demandé de travailler main dans la main. Je ne suis pas une femme compliquée, même si j’ai l’air de l’être. Dans mes relations avec les gens, je suis positive. Je travaille avec Mansour Faye à chaque fois que de besoin. S’il a besoin de moi, il sait que je suis à sa disposition et disponible à ses côtés. Si j’ai besoin de lui, je l’appelle et il est à ma disposition. Il m’écoute et est disponible pour moi ; cela me suffit. Le reste maintenant, soit on est responsable, soit on n’est pas responsable. Et moi, je suis une responsable. Je n’ai pas besoin que Mansour Faye me porte. Il est le responsable de la fédération communale, il n’a pas besoin non plus que je le porte. Ce qui importe, c’est de travailler et de redoubler encore d’efforts. Je m’investirai à fond pour bien renforcer l’Apr à Saint-Louis et le pouvoir politique du président Macky Sall. J’ai une autre perception de la politique ; ma conviction est que la politique est une démarche, une présence à côté des populations. Lorsqu’on est en politique et qu’on ne voit pas le changement chez les populations, on doit arrêter.
Malgré ce que vous dites, des militants et responsables ont quitté l’APR pour le Grand Parti de Malick Gakou ?
Il faut relativiser les choses. Quand on est un parti au pouvoir, les gens ont tendance à voir les failles et à les pardonner moins ; ce qui est tout à fait naturel. Par ailleurs, un parti qui nait a une certaine attractivité. Mais, celle-ci ne se manifeste pas ensuite toujours dans les urnes. Donc, je relativise ce qu’on appelle la percée de Malick Gakou. Il a beaucoup de temps devant lui pour installer solidement sa position et son potentiel dans le pays. En ce qui me concerne, Malick Gakou n’est pas pour moi un sujet de préoccupation à Saint-Louis. Malick Gakou ne gère pas l‘architecture politique de Saint-Louis. La bataille opposera l’Apr et le Pds. Ce sont les deux grands partis qui sont représentés à Saint-Louis. Mais sans minimiser nos adversaires, j’ai le sentiment que le président va gagner à Saint-Louis. Et nous ferons en sorte qu’il gagne à Saint-Louis. Nous comptons sur les populations à travers les visites de proximité. Nous allons rendre visite aux gens, discuter avec eux, les convaincre, les mettre au parfum des actions du président de la République, leur présenter son bilan. Les populations ont besoin d’être rassurées, de savoir ce qui est en train d’être fait. Je ferai tout pour que le président Macky Sall gagne largement à Saint-Louis.
Vous faisiez partie du cercle restreint de Karim Wade et des théoriciens de la Génération du concret. Avez-vous rendu visite à Karim Wade en prison ?
Moi, j’étais une Wadiste. J’ai eu beaucoup d’admiration pour le Président Abdoulaye Wade. D’ailleurs, certains collègues ministres me le reprochaient à l’époque. Il a beaucoup fait pour moi. Mais, je peux dire aussi que lorsqu’il était Premier ministre, le président Macky Sall avait une grande confiance en moi grâce au Président Wade, qu’il respecte beaucoup aussi. Revenant sur Karim Wade, je suis allée le voir une fois en prison et nous avions longuement discuté. Mais, je n’ai pas besoin de revenir sur le contenu de notre discussion.